Bozouls. Paul Tixier : chercheur, photographe et spécialiste mondial des orques

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    Paul Tixier : chercheur, photographe
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Aurélien Delbouis

Biologiste marin, chercheur à l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) à Sète, photographe… Originaire de Bozouls, Paul Tixier est aujourd’hui un spécialiste mondial des orques pour qui il voue une lointaine passion. Rencontre.

Les voyages forment la jeunesse. Dans le cas de Paul Tixier, ils ont conditionné la suite, mue par une passion toujours intacte pour "les bestioles marines."

Aujourd’hui chercheur pour l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) à Sète, le scientifique se concentre presque exclusivement à la problématique Orques, espèce de cétacés en déclin dans toutes les eaux du globe.

Animal sanguinaire dans "Orca", film culte des années 70 ou ami des enfants dans "Sauvez Willy" l’orque que l’on connaît aussi sous le petit nom de "baleine tueuse", fascine autant qu’il inquiète.

Superprédateur à l’intelligence remarquable, le mammifère, qui peut vivre jusqu’à 90 ans, voit pourtant sa population décliner à vue d’œil. En cause, la pollution, – le cétacé est le dernier maillon de la chaîne alimentaire dans les océans – mais surtout la pêche illégale. C’est d’ailleurs sur ce volet qu’intervient Paul Tixier.

"Mon principal sujet de recherche porte sur les interactions entre la pêche et les prédateurs marins. Les cétacés pour l’essentiel et les orques en particulier. Or on a pu constater une surmortalité importante là où se pratiquait massivement la pêche illégale. En particulier dans les années 90. Dans les mers australes, autour de Crozet ou Kerguelen, la population d’orques a chuté de 60 % en 15 ans."

Concilier l’appétit des épaulards et l’intérêt socio-économique de l’activité pêche. Un travail de longue haleine. @PaulTixier
Concilier l’appétit des épaulards et l’intérêt socio-économique de l’activité pêche. Un travail de longue haleine. @PaulTixier

Difficile cohabitation

Si son rôle vise à faire cohabiter orques et pêcheurs – les premiers sachant détourner sans mal les prises à leur profit – la tâche est impossible avec des bateaux hors la loi. Dans les mers australes, là où il a vécu quatre ans de post-doctorat, surveillant notamment les pêches pour le compte de l’administration française, le natif de Bozouls a vu le problème de près.

"Les pêcheurs utilisent une technique, la palangre, développée pour remplacer d’autres techniques plus destructrices comme le chalut. Il s’agit d’une pêche plus sélective avec des milliers d’hameçons. Mais cette technique expose complètement les captures dans l’eau et l’orque a vite compris comment en tirer bénéfice."

Et s’il travaille à trouver des solutions pour limiter cette prédation, des solutions d’évitement pour l’essentiel, les pêcheurs illégaux ont plus vite fait d’utiliser des armes à feu ou autres explosifs pour éloigner l’opportuniste. Un problème loin d’être anecdotique en des latitudes hostiles pas simples à mettre sous cloche (la zone économique exclusive française s’étend sur près de 12 millions de km² ! - et où l’or blanc – la légine pour ne parler que des mers australes – attise toutes les convoitises.

De retour en France après quatre années à Melbourne, des études à Vancouver, et des stages en Colombie-Britannique, Paul Tixier sait l’importance de la tâche qui s’annonce pour la préservation d’une espèce que l’on retrouve – et c’est une rareté – dans le monde entier.

Si le bureau occupe pas mal de place dans son emploi du temps, les études de terrain restent un moment privilégié pour le scientifique bozoulais.	@PaulTixier
Si le bureau occupe pas mal de place dans son emploi du temps, les études de terrain restent un moment privilégié pour le scientifique bozoulais. @PaulTixier

Lointaine passion

"Je vais être amené à bouger un peu partout, c’est une évidence. Je développe actuellement un petit projet autour d’une petite pêcherie artisanale de thon dans le détroit de Gilbratar", valide l’intéressé qui n’en est pas à son coup d’essai. Se passionnant pour le maître des océans depuis ses plus jeunes années. "Je ne sais pas vraiment d’où me vient cette passion. Même mes parents s’interrogent encore aujourd’hui, s’amuse le trentenaire. Mais j’ai très tôt, c’est vrai, attrapé le virus."

À 14 ans, quand ses parents profitent du soleil de la Méditerranée pour un repos estival bien mérité, lui trouve le moyen d’embarquer sur un chalutier pour tenter d’apercevoir les baleines au large. A 17 ans, avec son sac à dos et un brin d’inconscience, il décolle seul pour la Colombie-Britannique. L’endroit idéal pour rencontrer une orque.

"Je n’avais pas forcément dit à mon loueur de kayak que j’étais novice en la matière mais je pense qu’il a compris assez rapidement, s’amuse l’écologue qui fera ce jour-là, une rencontre décisive. "Le lieu est vraiment extraordinaire. On campait le long des fjords, réveillés par le souffle des orques au petit matin."

Il y reviendra à plusieurs reprises. Prenant part à différents programmes d’observations, plusieurs expériences scientifiques. En parallèle, il suit des études à Marseille en "biologie marine" et "écologie marine" avant de revenir étudier à l’université de Victoria sur l’île de Vancouver. Cap ensuite pour l’Australie : Melbourne et ses expéditions dans les mers australes dont il tire un recueil de photos.

"J’ai embarqué pour trois campagnes de quatre mois sur des bateaux de pêche aux larges de Crozet. Là où tu ne vois plus la terre, pas un bateau pendant quatre mois, dans des mers démontées, les 40e rugissants…" Des conditions dantesques où seuls règnent le travail et la formidable solidarité entre marins.

"J’avais évidemment des appréhensions. Monter sur un bateau pendant quatre mois comme contrôleur de pêche, tendance écologue… Avec 35 membres d’équipage pas spécialement acquis à ta cause… ça peut faire peur, s’amuse Paul. Mais j’ai trouvé des hommes incroyables avec des profils extraordinaires qui pour certains avaient passé plus des deux tiers de leur vie sur l’eau !" Une expérience de plus au tableau du chercheur tout à son aise quand il s’agit de concilier pêcheurs et orques !

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