Sam, Bosch... : pour Jean-Louis Chauzy, "l'Aveyron incarne le désastre d’une mutation trop rapide"

  • Jean-Louis Chauzy, au premier rang de la grande mobilisation pour la fonderie Sam, le 1er décembre à Viviez.
    Jean-Louis Chauzy, au premier rang de la grande mobilisation pour la fonderie Sam, le 1er décembre à Viviez. José A. Torres
Publié le , mis à jour
Propos recueillis par Mathieu Roualdès

Président du Conseil économique, social et environnemental (Ceser) de la Région, Jean-Louis Chauzy analyse la crise industrielle traversée par l’Aveyron depuis le début de l’année et la récente liquidation judiciaire de l’entreprise Sam, laissant 333 salariés sur le carreau. 

En février dernier, vous présentiez 2021 comme « l’année de tous les dangers » pour l’industrie aveyronnaise. Plusieurs mois après, Bosch a annoncé la suppression de 600 emplois et la Société Aveyronnaise de métallurgie vient d’être liquidée…

L’Aveyron incarne aujourd’hui le désastre d’une mutation trop rapide de l’industrie automobile. Depuis février, tout s’est précipité malheureusement. Et dire que Bosch voulait fermer le site de Rodez ! On a tous tremblé pour que cela n’arrive pas et heureusement, le lobbying du gouvernement et de Bruno Le Maire dans ce dossier a permis d’éviter le pire.
On paie surtout la diabolisation du diesel, accélérée par Ségolène Royal, Anne Hidalgo, Benoît Hamon et tous les Verts qui, je le rappelle, invitaient à arrêter les moteurs thermiques dès 2025 ! Alors quand je les vois aujourd’hui défiler à Viviez aux côtés des salariés de Sam, c’est indigne…

La crise de Sam n’est pas exclusivement liée au diesel, l’entreprise ayant déjà pris le virage de la transition écologique…

Certes, mais on ne lui a pas laissé le temps de développer cette transition. Et ce désordre a été provoqué par cette diabolisation des moteurs thermiques. Car il ne faut pas se leurrer : dans 10 ans, il en existera toujours des véhicules diesels et les pièces qui ne seront plus fabriquées à Sam? le seront en Roumanie.

Pour un moteur à énergie dite classique, il faut sept employés ; pour un véhicule électrique, il en faut un. Je vous laisse faire les calculs, on est en plein dedans avec la crise aveyronnaise. Aujourd’hui, la France est coupable de 0,9 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde, doit-elle pour autant se suicider ? Et je me demande bien ce qu’ont fait les parlementaires aveyronnais également car cela fait des années que j’alerte sur ce qu’on est en train de vivre.

Dans le dossier Sam, vous êtes l’un des premiers à avoir soutenu Patrick Bellity. Quand on dit que son projet n’était pas pérenne, que répondez-vous ?

Qu’il y a quelques années, tous les préfets, tous les politiques se pressaient à Sam pour se prendre en photo avec cet industriel ! Et là, tout le monde le lâche.
Je rappelle que la première offre de CIE Automotive avec la reprise de 150 salariés sur 350, l’abandon du 13e mois, des primes, du bureau d’études et autres était tout simplement inacceptable. Même dans un pays du tiers-monde où les salariés n’ont aucun droit, cette offre ne serait pas passée ! C’était un leurre de Renault et pour moi, Patrick Bellity était la solution.

« Il y a quelques années, tous les préfets, tous les politiques se pressaient à Sam pour se prendre en photo avec Patrick Bellity ! »

On lui reproche néanmoins d’être partie d’une feuille blanche financièrement…

Bien entendu qu’il n’est pas millionnaire et si cela était le cas, il serait sur la Côte d’Azur et pas en train de chercher une solution pour une entreprise aveyronnaise. Patrick Bellity, on peut en dire ce qu’on veut, mais c’est le patron des fondeurs français, il sait de quoi il parle. L’aide apportée par la Région et l’État (9 millions d’euros) avant la décision du tribunal de commerce, lui aurait permis d’avoir un fonds de roulement suffisant pour développer Sam. Mais Renault en a décidé autrement et son choix est incendiaire !
Je le dis et le redis : le chef du gouvernement doit trancher et obliger Jean-Dominique Senard (PDG de Renault) à respecter son engagement en renouvelant un plan de commandes, comme il l’avait promis.

Vous parlez au présent. Pour vous, la partie n’est-elle pas déjà jouée car le gouvernement, par la voix de Bruno Le Maire, a semble-t-il déjà tranché ?

Je ne crois pas aux miracles mais pour moi, Emmanuel Macron peut encore faire bouger les choses car Patrick Bellity a été victime de discrimination de quelques personnes chez Renault, anciens cadres de l’ère Carlos Ghosn !
Je me battrai jusqu’au bout pour que vive la Sam, c’est une fonderie exemplaire et ses responsables syndicaux mènent une lutte incroyable de solidarité. Ce n’est pas « Fort Chabrol » comme certains avancent. Depuis des mois, ils sont parvenus avec les salariés à faire tourner cette usine et je suis de tout cœur avec eux. L’industrie française a besoin de ce fleuron.

Carole Delga, présidente de Région, comme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée à l’Industrie, sont déjà dans l’après en indiquant être « en contact » avec des entreprises « susceptibles de créer de l’emploi ».

On ne va pas recommencer l’épisode risible de la gigafactory à Rodez (Verkor, NDLR), mais des entreprises ont annoncé à la Région qu’elles étaient prêtes à embaucher des salariés de Sam. Je pense au groupe Satys à Toulouse mais aussi pourquoi pas à Figeac Aéro où l’activité reprend. Il y a également Airbus qui vient de signer une commande record de 255 avions au salon aéronautique de Dubaï.

Si ce n’est que les salariés de Sam ne cessent de le dire : ils veulent travailler au pays.

Ces débouchées peuvent intéresser des « quadras » par exemple. Mais, je milite effectivement pour qu’en cas de création d’emplois, ce soit dans le bassin de vie de Decazeville. Ce territoire ne peut pas continuer à être abandonné.

À ce sujet, on évoque beaucoup le projet « Phénix » de Snam, qui devait conduire à la création de 600 emplois. On en est encore loin, n’a-t-on pas été trop vite en besogne là encore ?

Effectivement, les emplois tardent à venir et ça met en péril la crédibilité du projet. La Région et Carole Delga s’y sont engagées à hauteur de 3 millions d’euros, des comptes seront donc demandés. Comme pour tous les autres projets, il faut un calendrier précis.

Dans le dossier Bosch, Bercy et la Région avaient évoqué l’implantation de l’entreprise toulousaine Actia qui souhaitait développer un projet de batteries pour véhicules lourds. Où en est ce projet ?

Cela ne pourra pas se faire dans les locaux de Bosch, comme évoqué un temps. Et cette entreprise a abandonné l’opportunité de venir dans la région ruthénoise faute de terrain trouvé par l’Agglomération.

 

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Les commentaires (1)
Altair12 Il y a 2 années Le 06/12/2021 à 08:28

Ce ne sont là que les effets directs de la politique suicidaire et inconsciente menée par le gouvernement ; et plus particulièrement la mondialisation ainsi que la lutte contre le réchauffement climatique !