Agnès Pannier-Runacher : " Sauver l’usine pour quelques mois aurait été irresponsable "

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  • Agnès Pannier-Runacher.
    Agnès Pannier-Runacher. José A. Torres
Publié le
Mathieu Roualdés

Quinze jours après la liquidation de la fonderie Sam (333 emplois), la ministre déléguée à l’Industrie répond aux critiques qui lui sont faites et annonce être en contact avec "deux entreprises françaises" pour recréer de l’emploi sur le site. Entretien.

Immense responsabilité", "État complice", "impuissance"… Depuis la liquidation de la fonderie Sam, les critiques pleuvent de tous bords, de la gauche à la droite, sur votre action et celle du gouvernement dans ce dossier. Quelle est, selon vous, votre responsabilité ?

Cette décision du tribunal, c’est un choc. Pour les salariés et leurs familles, pour le territoire, pour nous tous. Pour ma part, c’est aussi une énorme frustration, je ne le cache pas. Dans 90 % des situations que nous traitons, nous parvenons à trouver des solutions de reprise. Là, ce n’est pas le cas. Cette société a vécu deux redressements judiciaires en trois ans. Alors, j’entends les critiques mais je rappelle que sans l’action du gouvernement, de la Région et des élus, et sans tous les moyens déployés pour maintenir à flot l’entreprise et trouver un repreneur, l’histoire de la Sam se serait arrêtée dès 2017.

Comment se fait-il néanmoins que vous ne soyez pas parvenus à peser sur le constructeur Renault, dont l’État est actionnaire à hauteur de 15 % ?

Le sujet était de ne pas faire de promesses en chocolat aux salariés. Nous devions avoir un repreneur qui ait les reins assez solides dans ce moment de transformation massive de l’industrie automobile. J’ai conscience que la réalité n’est pas agréable à entendre mais nous n’avons pas trouvé de repreneur pour assurer un emploi dans la durée aux salariés. Ces dernières années, la Sam n’a pas fait d’investissements lourds et cela pèse fort sur sa compétitivité. La majorité de son activité est encore liée aux moteurs thermiques. Par ailleurs, et je le regrette, la solution sur la table en mai 2021 avec le repreneur espagnol CIE Automotive a disparu. Le marché de l’automobile a subi un choc après l’été. Les dirigeants espagnols, que j’ai rencontrés personnellement en octobre à Madrid, ne se sentaient plus capables de reprendre une usine en France alors qu’ils avaient déjà des difficultés importantes dans leurs propres usines en Europe.

Un repreneur s’était pourtant présenté en la personne de Patrick Bellity. Il avait d’ailleurs reçu votre soutien et celui de la Région, à hauteur de 9 millions d’euros, avant la décision du tribunal de commerce…

Notre ministère avait pris une position très claire : c’était au principal client (Renault) de s’engager sur la crédibilité de cette reprise. Il a jugé que le projet n’était pas pérenne. On ne réécrira pas le passé. Aujourd’hui, l’important est de se projeter dans le futur en offrant notamment un avenir industriel au site et aux salariés. Renault s’est engagé sur le reclassement et l’accompagnement financier de tous les salariés, il doit tenir ses promesses. Avec Bruno Le Maire, nous attendons des actes concrets. De notre côté, nous avons déclenché le dispositif "choc industriel" qui permet déjà d’identifier des opportunités de créations de nouveaux emplois industriels dans le bassin d’emplois.

Il y a une semaine, vous avez indiqué "être en contact" avec des entreprises "susceptibles de créer de l’emploi" sur le site actuel de Sam ou dans le bassin decazevillois. Où cela en est-il ?

Nous sommes en discussions avec deux entreprises françaises. Nous devrions avoir des réponses au cours du prochain semestre.

Quels sont leurs projets ?

Je ne peux pas en dire davantage aujourd’hui. Les discussions sont confidentielles. Et je ne veux pas faire des promesses en l’air.

La fonderie Sam ne réunissait-elle pas tous les critères pour devenir le symbole de la réindustrialisation que vous souhaitez ?

Je ne lutte pas pour des symboles, mais pour des emplois et des familles. Aux salariés de la Sam, je dois la vérité. Sauver l’usine pour quelques mois à peine aurait été irresponsable. Cette entreprise a fait l’objet de deux redressements judiciaires en trois ans, c’est considérable. Ses salariés ont connu le chômage partiel, les aléas des rendez-vous judiciaires, des repreneurs qui viennent et qui repartent… Aujourd’hui, je préfère travailler à leur trouver un avenir chez un employeur qui a investi, qui s’est adapté, et qui peut leur offrir un emploi stable pour faire grandir leurs enfants en sérénité. C’est ça mon travail et c’est ce pourquoi nous nous battons aux côtés des élus du territoire.

Certes, chaque site qui ferme est un déchirement. Mais depuis 2017, on recrée de l’emploi industriel dans notre pays. Cela n’était pas arrivé depuis l’an 2000 ! En Aveyron, nous avons accompagné 36 entreprises avec le plan France Relance. À la clé, c’est la création de dizaines de postes, voire des centaines. Je ne dis pas que c’est facile, mais c’est du concret.

Dans le même temps, en cette seule année 2021, l’Aveyron a perdu 1 000 emplois industriels avec l’annonce de la suppression de 600 postes d’ici 2025 à Bosch Rodez et la fermeture de la fonderie Sam…

Un site qui ferme, la suppression d’emplois, c’est un drame pour un territoire. Mais le taux de chômage sur les bassins d’emplois de Rodez et de Decazeville a baissé depuis 2017 parce qu’il y a aussi des créations d’emplois, comme partout en France. Le discours catastrophiste sur l’industrie lui nuit plus que tout. À force de répéter que des sites ferment partout en France, ce qui ne correspond pas à la réalité, on détourne de l’industrie des personnes en recherche d’emploi. Pourtant, sur le site de Pôle Emploi, il y a 70 000 postes industriels disponibles, soit 30 000 de plus qu’en 2019. Et l’industrie est le secteur d’activité privé qui a le taux de salariés payés au Smic de loin le plus faible. Ce sont des postes intéressants, où on peut évoluer, avec des conditions de travail qui se comparent favorablement à bien d’autres secteurs.

Europe-Ecologie Les Verts et Yannick Jadot ont proposé une nationalisation temporaire de Sam. Cela vous a-t-il traversé l’esprit ?

Nationaliser une entreprise qui a un problème de client et de carnet de commandes, c’est le miroir aux alouettes. Je trouve cela irresponsable de la part d’un candidat qui prétend soutenir les classes populaires. On leur fait miroiter des solutions qui ne fonctionnent pas !

Bosch Rodez : un accord "porteur d’espoir"

L’usine Bosch Rodez est entrée dans une nouvelle ère. Après plus de huit mois d’âpres négociations et un vote sans contestation possible des salariés la semaine passée, les organisations syndicales de l’usine ont ratifié l’accord de transition avec la direction, ce jeudi. Comme prévu, l’effectif chutera de 1150 à 513 salariés d’ici à 2025 et la direction s’est engagée à ne pas procéder à des départs contraints jusqu’en 2028. Un plan de préretraite est notamment mis en place. Quant à la production, l’usine prend le virage de l’hydrogène. Les injecteurs diesels, qui ont fait les beaux jours de l’usine Bosch Rodez jusqu’à y voir 2 400 salariés, seront abandonnés en 2023. L’usine se reconvertira alors en partie dans les piles à combustible pour les camions frigorifiques. Nommé "Fresh 2", ce projet doit faire l’objet d’investissements, la somme de 9 millions d’euros a été annoncée. Hier, la ministre déléguée à l’Industrie Agnès Pannier-Runacher s’est félicitée de cette signature. "Cet accord évite le scénario du pire qui était la fermeture du site. Les discussions ont été très rudes avec la direction allemande de Bosch pour ne pas en arriver là. Je me félicite de l’engagement sur les départs contraints, on s’y était engagé auprès des salariés", réagit-elle. Quant au projet industriel et le virage sur l’hydrogène, Agnès Pannier-Runacher indique qu’il sera "suivi avec attention" et qu’il est "porteur d’espoir". "L’entreprise a le temps jusqu’en 2028 de crédibiliser son projet et j’espère qu’il foisonnera pour redévelopper de l’emploi sur ce site. C’est mon objectif et c’est déjà une bonne nouvelle de voir que la Région Occitanie s’engage résolument dans l’hydrogène. C’est une bonne direction." Autant de bonnes nouvelles qui font oublier à la ministre son échange houleux avec les salariés, en mars dernier à Rodez ? "Je n’ai jamais eu peur d’aller au contact et d’essuyer des engueulades. Mes prédécesseurs étaient peut-être moins friands de cela mais ça fait partie de mon rôle politique. Et j’observe tout de même que les salariés ont voté à 87 % pour cet accord…"
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