"Les recettes de shabbat racontent les souvenirs d'une famille" (Vanessa Zibi, auteure de "Shabbat dinners")

  • Vanessa Zibi est l'auteure de "Shabbat dinners", publié aux éditions de la Martinière. Vanessa Zibi est l'auteure de "Shabbat dinners", publié aux éditions de la Martinière.
    Vanessa Zibi est l'auteure de "Shabbat dinners", publié aux éditions de la Martinière. courtesy of Ledroit Perrin
  • Shabbat dinners, Vanessa Zibi, Editions de la Martinière, 39 euros. Shabbat dinners, Vanessa Zibi, Editions de la Martinière, 39 euros.
    Shabbat dinners, Vanessa Zibi, Editions de la Martinière, 39 euros. Shabbat dinners, Vanessa Zibi, Editions de la Martinière, 39 euros
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ETX Daily Up

(ETX Daily Up) - Avec son déroulé d'ingrédients, ses dosages et ses révélations sur la manière de concocter tel ou tel plat, une recette n'est pas seulement un mode d'emploi culinaire. Elle en dit long sur l'histoire de son cuisinier. Dans son livre "Shabbat dinners", Vanessa Zibi pointe le rôle essentiel que joue la cuisine lorsqu'une famille de confession juive se réunit chaque vendredi soir autour de la table. 90 recettes ont été compilées dans cet ouvrage aux allures de grimoire. Plus qu'un savoir-faire, elles dévoilent des souvenirs familiaux.

Vous avez eu l'idée d'un livre de recettes autour de shabbat au début de la crise sanitaire. Hormis l'impossibilité de retrouver vos proches, pourquoi ces dîners du vendredi soir vous ont-ils autant manqué durant les confinements ?

Mon livre se consacre précisément au vendredi soir. C'est un moment de partage qui ouvre une pause dans la semaine. Depuis que je suis née, il n'y a pas eu un vendredi soir qui n'a pas été rythmé par un dîner de shabbat. Ce rituel est un élément fondateur. Le vendredi soir permet de s'occuper de soi et de ses proches.

Quel rôle la cuisine joue-t-elle dans ce rendez-vous familial hebdomadaire ?

Elle est clé. On est censé cuisiner du jeudi jusqu'au vendredi soir pour les trois repas à venir. On "batch-cook" en somme (terme anglais qui désigne une session de cuisine dédiée à préparer plusieurs repas pour les jours à venir, ndlr) (sourires). Selon les textes, nous devons préparer ces déjeuner et dîners avec la plus grande intention, en prévoyant les meilleurs mets et les meilleurs ingrédients.

Outre le prisme de shabbat, en quoi votre travail est-il différent d'un livre consacré à la cuisine juive ?

Un livre de cuisine juive reprend toutes les traditions. Pour ma part, j'ai choisi de rassembler des recettes de divers origines, qu'elles soient ashkénazes, séfarades ou israéliennes. Dans cet ouvrage, on parle de familles qui gardent à travers une recette des souvenirs qui passent d'une génération à l'autre. Shabbat revenant tous les vendredis soirs, nous avons toujours besoin de nouveautés. Précisons que le soir de shabbat, vous ne pouvez pas faire de grillades car vous n'êtes pas censés utiliser l'électricité. De ce fait, on utilise plus souvent des plaques chauffantes qui conviennent mieux à des plats mijotés. Ce sont des préparations plus sophistiquées. Pour autant, j'ai inséré une variété de plats parce que j'estime que nous n'allons pas tous mangés des plats mijotés.

Quel est le plat mijoté le plus emblématique ?

Selon les familles, les Marocains vous répondront que c'est la dafina, à base de viande, de pois chiche et d'oeufs, que l'on mange généralement le samedi midi. Les juifs tunisiens vous parleront de la pkaila, à base d'épinards. On ne tient pas à ces recettes pour ce qu'elles représentent gustativement, mais plutôt l'histoire qu'elles racontent. On a tous le souvenir de grands-mères, de tantes, de nos mères qui se mettent en cuisine des heures à l'avance pour préparer des plats qui sont le symbole d'une famille. Si mes parents sont nés en Tunisie, je n'y suis allée pourtant que très peu de fois. Et je n'ai que très peu de souvenirs. Pour autant, mon identité se raconte à travers les recettes auxquelles je suis attachée.

Ce livre est-il aussi une façon de ne pas oublier des recettes traditionnelles et essentielles que l'on ne se passe qu'oralement ?

C'est tout le challenge de ce livre. Je me suis inspirée des recettes de chefs, des mamans de mes amis... J'ai cherché la plus grande diversité de cuisines. Je présente par exemple le baksh, un riz à l'agneau qui est une spécialité des juifs de Boukhara, une région d'Europe centrale d'Asie, dont les traditions sont restées malgré le nombre restreint de représentants. C'est la recette de la mère d'une amie. C'est un joyau de cette famille parce qu'elle raconte ses origines. C'est même spectaculaire que cette recette existe toujours et qu'on puisse la refaire. Le challenge, c'était de réussir à retranscrire à l'écrit cette transmission orale.

Parce que toutes ces mères et grands-mères ne transmettent-elles pas leurs secrets de cuisine via un carnet ?

Elles sont peu nombreuses à le faire en effet. On préfère observer nos mères et nos pères en cuisine pour les voir à l'oeuvre.

Vous écrivez que vous n'avez pas grandi dans un milieu religieux mais que pour autant vous
n'échappiez jamais au couscous du vendredi soir. Comment expliquez-vous que la tradition culinaire surpasse le fait religieux ?

Je fais partie d'une grande population qui retrouve son identité à travers une cuisine et le moment de partage que représente shabbat. Je vous avoue que je ne sais pas faire une blanquette de veau. Pourtant, je vis à Paris depuis toujours. Préparer des plats qui sont le reflet de la cuisine israélienne me représente beaucoup plus. Cela consiste en réalité à faire vivre ces souvenirs. Plusieurs retours que j'ai eus à propos de mon livre m'ont démontré combien on avait besoin d'une parole culinaire d'émotion, et pas seulement une parole culinaire de technicien. Il s'agit de faire revivre des émotions d'enfance. Grâce à une amie, j'ai appris que le tbir est une recette algérienne considérée comme une véritable madeleine de Proust.

Shabbat dinners, Vanessa Zibi, Editions de la Martinière, 39 euros

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