Aveyron : la troupe de Rutènes en scène descend au fond de la mine

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  • À l’heure des répétitions, sousles regards complices de Christophe Ribeyre(à gauche) et Laurent Cornic (à droite), l’auteur et le metteur en scène.
    À l’heure des répétitions, sousles regards complices de Christophe Ribeyre(à gauche) et Laurent Cornic (à droite), l’auteur et le metteur en scène. J.B.
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Pour son nouveau spectacle, la troupe de Rutènes en scène s’est inspirée de la grève de 66 jours des mineurs de fond de Decazeville. Un spectacle écrit par Christophe Ribeyre et mis en scène par Laurent Cornic. Soixante ans après cette grande page de l’histoire du mouvement ouvrier.

Il y a soixante ans de cela, jour pour jour, le 19 décembre 1961, débutait la grande grève des mineurs de Decazeville. Cette grève de 66 jours, au fond de la mine, qui a profondément marqué l’histoire du Bassin de Decazeville, et plus généralement celle du mouvement ouvrier, a inspiré l’équipe de Rutènes en scène pour son nouveau spectacle : Jusqu’aux cerises s’il le faut. Écrit par Christophe Ribeyre et mis en scène par Laurent Cornic, ce spectacle, sur fonds de colère et de révolte, bien sûr, mais aussi de solidarité et de fraternité, sera joué du 26 au 31 juillet 2022, place Foch à Rodez (600 places en plein air), avec une couturière technique le 24 et une générale le 25 ; puis en février 2023, au Laminoir de Decazeville, spécialement aménagé avec une tribune en gradins, pour quatre ou cinq nouvelles représentations. Une grande, belle et vraie aventure humaine, comme le vivent pleinement les deux chevilles ouvrières de cette nouvelle épopée théâtrale, qui jette un pont artistique entre Rodez et Decazeville.

L’amour du théâtre

Laurent Cornic et Christophe Ribeyre ont la même passion dévorante pour le théâtre. Cet amour pour la scène et les planches que Laurent Cornic a découvert, dès l’âge de 16 ans, avec les Comédiens au Chariot, et qui lui valut notamment de se glisser dans la peau des personnages de Colinet et Guilhem de Peyre, à la fin des années 80. Revenu à Rodez, il y a de cela une dizaine d’années, Laurent Cornic a créé le Théâtre de demain et après, troupe avec laquelle il fit la rencontre de Christophe Ribeyre. Depuis une réelle complicité artistique unit ces deux hommes qui se retrouvent régulièrement sur les devants de la scène. Le Théâtre de demain et après joue actuellement deux pièces et une autre est en préparation. Après l’adaptation de l’Aiglon, la dernière création de Rutènes en scène, dans une mise en scène d’Éléonore Échène, qui faisait suite à l’Affaire Fualdès (mise en scène par Laurent Cornic) et à Palace (mise en scène par Fabien Austruy), Christophe Ribeyre est l’auteur de ce nouveau spectacle, dont le titre vient d’un slogan et d’une affiche de l’époque. Après trois bons mois de recherches et de rencontres sur place avec plusieurs acteurs de l’époque, Christophe Ribeyre s’est mis à l’écriture de ce spectacle qui couvre les quatre mois de novembre 1961 à février 1922, jusqu’à la fin de la grève.

"Quelque part, c’est bien de revenir à une histoire locale, qui a marqué l’Aveyron, mais il fallait impérativement monter un spectacle sans trahir la véracité des faits, explique l’auteur. C’est aussi une façon de raconter une histoire d’hommes et de femmes, et de leur rendre hommage. Il ne faut pas que les gens sortent du spectacle désespérés. Certains auront sûrement la larme à l’œil, mais parce qu’il y a beaucoup de solidarité, de fraternité. D’ailleurs, la phrase finale du spectacle sera : chapeau bas los Carbonièrs de la Sala."

Beaucoup d’émotion

"Ce fut, parfois, très émouvant, témoigne Christophe Ribeyre. Une dame m’a pleuré dans les bras quand elle a découvert des documents sur sa famille qu’elle ne connaissait pas." De l’émotion encore avec ce Decazevillois qui, enfant, tira au sort le nom des vingt grévistes de la faim, et des suppléants, parmi plus de 200 volontaires. "Christophe a fait un travail remarquable, car il ne fallait surtout pas raconter des conneries. C’est vraiment un spectacle historique à partir d’une histoire véridique", insiste Laurent Cornic, soulignant la dignité des mineurs grévistes de l’époque. Cette même dignité que l’on retrouve aujourd’hui chez les salariés de la Sam, qui viennent de perdre leurs emplois et qui s’apprêtent eux aussi à passer Noël dans leur usine… Une exposition retraçant ces quatre mois de lutte accompagnera le spectacle et sera présentée dans les médiathèques de Rodez et Decazeville. De quoi sensibiliser les plus jeunes et raviver la mémoire des anciens. Soutenue par la Région, le Département, la Ville et l’Agglo de Rodez, ainsi que la Ville d’Onet-le-Château, l’association des Rutènes en scène pourra également s’appuyer, cette fois, sur un partenariat avec la Ville de Decazeville et Decazeville Communauté.

Une soixantaine d’acteurs

Sur scène, le public retrouvera une soixantaine d’acteurs. Des habitués des spectacles précédents de Rutènes en scène, mais aussi des nouveaux. Au total, une bonne centaine de bénévoles seront ainsi mobilisés pour ce "gros spectacle", d’environ 1 h 40, qui bénéficiera d’importants moyens techniques, avec la complicité de la société ATS de Luc-la-Primaube. De part et d’autre d’un chevalement, deux écrans géants, sur lesquels défileront de temps à autre des images d’archives de l’Ina, permettront d’avoir un regard permanent sur ce qui se passait, en surface, sur le carreau de la mine, et au fond, dans les boyaux de la mine. Laurent Cornic évoque une "mise en scène très précise, avec beaucoup de mouvement. On jouera aussi avec les intensités lumineuses afin d’attirer l’œil du spectateur. Pour toutes les scènes, que l’on travaille au fur et à mesure, il faut qu’il y ait du liant entre les différents personnages."

Les acteurs amateurs se retrouvent chaque semaine pour s’imprégner de l’univers des gueules noires, rentrer dans la peau de ces personnages bien réels et trouver suffisamment de justesse dans l’interprétation. "Ça va s’intensifier dans les prochains mois, précise Christophe. Bosser avec Laurent est un plaisir et ce spectacle est une belle aventure humaine."

En ce soir gris et brumeux, dans l’une des salles de l’ancienne école de la Calendrata une poignée d’hommes, dont un Cransacois d’origine, recommence, à plusieurs reprises, la même scène. Difficile. Pleine d’intensité, lorsque l’un des mineurs "pète un plomb", parce qu’il n’en peut plus de rester enfermé.

Dans la salle voisine, un autre petit groupe d’acteurs, dont plusieurs femmes, rejoue une scène chez Maria, de jour celle-ci, sous les conseils avisés de Laurent Cornic. L’ambiance est à la fois sérieuse et décontractée, amicale et professionnelle.

Ainsi va (et ira) la vie des Rutènes en scène. Jusqu’aux cerises s’il le faut….

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Joel Born
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