Transports scolaires : une nouvelle donne qui fait des oubliés dans les collèges privés aveyronnais

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  • Pour mettre en lumière cette situation qu’ils déplorent, parents d’élèves, enfants et enseignants de Sainte-Marie (Cassagnes) ont tourné un clip vidéo.
    Pour mettre en lumière cette situation qu’ils déplorent, parents d’élèves, enfants et enseignants de Sainte-Marie (Cassagnes) ont tourné un clip vidéo. Repro CP
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Xavier Buisson et Christophe Cathala

Le transfert de compétence entre Département et Région, qui resserre la vis en matière de transport scolaire depuis le 1er juillet, se heurte à la réalité du terrain dans l’Aveyron, laissant craindre à certains des fermetures de collèges du fait du manque d’élèves « éligibles » à cette nouvelle sectorisation.

C’est un problème qui concerne actuellement sept communes dans le département, et qui résulte de la reprise en main, de manière plus stricte et dans un contexte antérieur de nombreuses dérogations, de la compétence « transport scolaire » par la Région depuis le 1er juillet. L’instance exige que désormais, pour que le transport soit effectué et financé par la Région, les élèves doivent obligatoirement fréquenter l’établissement auquel ils sont rattachés par la carte scolaire mise en place par le Département et l’Éducation nationale.

Une sectorisation désormais induite par les seules lignes de transport et qui a abouti, dans certains cas, à des situations ubuesques, comme c’est le cas à Cassagnes. « La région a décidé d’appliquer strictement les règles pour l’attribution des lignes de transports scolaires. Cette fermeté décidée pénalise gravement notre établissement mais surtout nos enfants », explique Marion Bousquet, secrétaire du bureau de l’association des parents d’élèves de l’école et du collège Sainte-Marie.

Conséquence de cette évolution pour l’établissement : un élève résidant à 4 km du collège de Cassagnes devra désormais fréquenter celui de Pont-de-Salars (à 25 km) s’il veut bénéficier du transport de la Région. D’autres, à 10 km, sont censés désormais se rendre à Naucelle, à 25 km de chez eux. Jusqu’à présent, le Département était à la manœuvre avec une politique de dérogation relativement souple qui permettait aux élèves dans ce type de situations de conserver leur statut d’ayant droit au transport scolaire. Pour l’heure, les élèves de 5e, 4e et 3e conservent ce statut, ce qui n’est pas le cas des élèves arrivés cette année en 6e. Il existe un cas, à Cassagnes, où l’aîné, en 3e, conserve la gratuité d’un transport désormais facturé 195 € à sa sœur, qui vient d’entrer en 6e.

À Cassagnes, 40% des élèves viennent des communes voisines

« À très court terme, ces lignes seront supprimées par la Région car il n’y aura plus de bénéficiaires ayant le titre d’ayants droit, obligeant ces enfants à rejoindre d’autres établissements, beaucoup plus loin en termes de kilomètres. À l’avenir surtout, notre plus grosse crainte est la fermeture de notre établissement à cause du manque d’effectif, car il faut savoir qu’aujourd’hui 40 % des élèves viennent de ces communes voisines », explique la secrétaire de l’APE cassagnole.
Pour mettre en lumière cette situation qu’ils déplorent, parents d’élèves et enfants ont tourné un clip reprenant l’air de la chanson « A nos souvenirs » du groupe Trois cafés gourmands, visible sur facebook.

La responsable de l’établissement Sainte-Marie de Cassagnes, Marie-Christine Coulomb, travaille à trouver une solution à ce problème qui ne touche, à sa connaissance, « que des établissements privés ». « Il est triste que les enfants et les familles ne puissent pas choisir leur établissement. Peut-être trop de dérogations n’ayant pas de sens ont été accordées ? On le fait payer aux familles. Aujourd’hui nous accueillons 92 élèves au collège et une soixantaine à l’école… En 2017, ils n’étaient que 67 au collège. Nous répondons à un besoin ! ».

À Cassagnes, les parents d’élèves planchent actuellement sur une manifestation conviviale, rassemblant anciens élèves, enseignants, parents et enfants, qui pourrait se tenir en ce début d’année. Mais ils ne sont pas les seuls concernés, comme l’explique le directeur diocésain de l’enseignement catholique Nicolas Sènes : « Cassagnes, mais aussi Salles-Curan, Laissac, Laguiole, Monteils/La Fouillade, Belmont-sur-Rance et Montbazens sont concernés dans l’Aveyron, qui est le département de la région qui a le plus de collèges ruraux sans établissement public à proximité ».

Vers «la fin de certains collèges» ?

Jusqu’à présent et « dans un souci d’équité » selon Nicolas Senès, le Département assurait le transport pour tous. « L’exception aveyronnaise n’est plus reconnue. Il n’y a plus de transport public pour amener les élèves dans nos collèges privés », se désole le responsable de l’enseignement catholique. Dernier exemple en date : depuis ce lundi 3 janvier au matin, l’arrêt du collège privé de Laissac « n’est plus desservi. Le bus passe mais ne s’arrête plus. Certains ne sont plus pris à bord des véhicules, sauf s’il y a de la place. C’est une situation ubuesque qui va amener à la fermeture de certains collèges, comme celui de Cassagnes, qui rendent de très grands services », poursuit le directeur de l’enseignement catholique.

Contactée par courrier par les parents d’élèves de Sainte-Marie notamment, la Région envisage une rencontre prochaine pour évoquer cette situation. « Dans les prochains jours, affirme la Région, qui se dit  particulièrement attentive à ce qu’aucun élève ne soit laissé sans solution de transport ». « C’est la sectorisation des établissements scolaires qui permet de donner à chaque élève sa qualité d’ayant droit (lorsqu’il ou elle fréquente son établissement de secteur, bénéficiant donc du transport gratuit) ou de non ayant droit (lorsqu’il ou elle fréquente un autre établissement que celui de son secteur, moyennant un abonnement de 195 €/an/élève)», explique l’instance, qui rappelle que «le coût du transport scolaire pour la Région est d’environ 1 000 euros par élève et par an».

"On a perdu avec les transports scolaires, notre outil de proximité"

La situation du collège privé de Cassagnes-Bégonhès ne laisse pas le Département indifférent, "même si nous n’avons pas la main dans ce domaine", relève Magali Bessaou, vice-présidente du conseil départemental, en charge notamment des collèges publics. "Dans le maillage départemental, ce collège a toute sa place", poursuit-elle. En indiquant toutefois qu’il ne faut pas mélanger la sectorisation qui conduit les élèves de CM2 à s’orienter vers leur collège de proximité, et le transport scolaire… Un transport dont le fonctionnement échappe au Département depuis 2017, la Région en ayant la compétence exclusive. "Cela n’est pas sans poser de nombreux problèmes, d’autant que nous n’avons, en tant qu’élus de terrain en Aveyron, aucune voix au chapitre, déplore Magali Bessaou. Nous avons vécu la perte de cette compétence comme une situation dramatique. Nous avions un outil de proximité qui nous permettait de faire du "cousu main" dans un département très vaste où nous pouvions agir presque au cas par cas. Ce n’est plus le cas et c’est regrettable…"

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