Aveyron : le monde de l'élevage se mobilise contre un des effets de la loi Egalim2

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  • Autour de David Minerva, maire de Laissac, les responsables de l’élevage et du négoce à l’heure de lancer, jeudi soir, une vaste réunion de mobilisation.
    Autour de David Minerva, maire de Laissac, les responsables de l’élevage et du négoce à l’heure de lancer, jeudi soir, une vaste réunion de mobilisation. Centre Presse - C.C.
  • Une réunion qui a rassemblé 300 participants à Laissac, venus de plusieurs départements.
    Une réunion qui a rassemblé 300 participants à Laissac, venus de plusieurs départements. Centre Presse - C.C.
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La nouvelle loi Egalim2 mise en place au 1er janvier rend obligatoire la contractualisation entre éleveurs et acheteurs, entraînant pour ces derniers des conséquences inacceptables. Ils voient leur survie menacée, autant que celle des marchés et se sont réunis jeudi à Laissac, sur le ton d’une mobilisation sans faille.
 

Ils sont 300, éleveurs, négociants, commerçants en bestiaux, élus, représentant toutes les productions animales, venus de l’Aveyron, du Cantal, de la Lozère, du Lot… Le visage fermé, l’esprit préoccupé, il s’agissait ce soir-là de comprendre et d’appréhender les conséquences de la loi Egalim2 qui bouscule des années de pratiques de commercialisation propres à assurer la continuité, voire la survie de l’élevage traditionnel en Aveyron comme dans tous les autres départements.

Nous sommes à Laissac, ce jeudi 6 janvier, place forte de l’élevage (deuxième marché aux bovins de France), choisie comme un symbole.
La réunion y durera deux heures trente : accueillis par le maire David Minerva, les participants à ce rendez-vous d’information veulent comprendre pourquoi la loi Egalim2, votée et mise en application depuis ce 1er janvier, va autant rebattre les cartes.

« On veut garder notre liberté  de contractualiser ou non »

Certes, cette loi, votée le 6 octobre à l’Assemblée nationale par 14 % des députés présents, s’engage à protéger la rémunération des agriculteurs, mais impose une contractualisation écrite entre les producteurs et les acheteurs, pour une durée minimum de trois ans. « Cette loi Egalim2 n’a pas que de mauvais aspects mais la contractualisation entre éleveurs et acheteurs est rendue obligatoire, et c’est bien ce terme qui nous dérange, lance Pierre-Antoine Fabre, président des commerçants en bestiaux d’Occitanie. On veut garder notre liberté, il nous faut pouvoir choisir de contractualiser ou non, selon nos intérêts ».

Et de fustiger cette loi « votée très vite, en catimini, qui fait que nous sommes devant le fait accompli et que 90 % des éleveurs ont été tenus au courant informellement, par la bande, comme on dit… ». De fait, les éleveurs, sont désormais, depuis le 1er janvier, « hors la loi s’ils n’ont pas trouvé un débouché contractuel à leur production ».

« Attention, les campagnes sont en train de s’embraser »

Pour Pierre Antoine Fabre comme pour Jean-Paul Boyer, figure tutélaire des négociants aveyronnais, « on est déterminés à ne pas se laisser faire, les campagnes sont en train de s’embraser ». La situation est d’autant plus tendue, « qu’en Aveyron, on produit du maigre, côté bovin, et on exporte 90 % de notre production. La loi n’est que franco-française, on ne peut pas contractualiser avec des acheteurs étrangers, comment on fait ? » Et de prévenir : « A ce compte-là, 70 % des commerçants en bestiaux sont menacés dans nos départements par les effets de cette loi et les petites exploitations vont disparaître à grande vitesse ».

La loi assure pourtant une juste rémunération aux éleveurs, « mais on a vu ce que cela a donné avec la loi Egalim 1 : la grande distribution n’a pas forcément joué le jeu… », rappellent Pierre-Antoine Fabre et Jean-Paul Boyer.

Les marchés de bétail vif menacés

Et de marteler : « Les animaux ont une décote suivant leurs classements. Et si la loi dit que c’est l’agriculteur qui fixe son prix de vente à son premier acheteur, ce prix doit prendre en compte une moyenne entre les coûts de production et le prix du marché. Mais ce dernier est menacé, car la contractualisation ne le rend plus nécessaire, les transactions sont réalisées à l’avance, le contact de gré à gré entre négociant et éleveur qui lui présente ses bêtes n’a plus d’être… » Il en va donc de la survie des marchés de bétail vif, toutes productions confondues, rendus inutiles par une contractualisation obligatoire.

Passer à l’action

« Si demain, on n’a plus de marchés, comment pourra-t-on fixer les prix, sur quelles bases ? ». Pour les professionnels, « on va vers le système de l’intégration avec sa structure commerciale ». Et Pierre-Antoine Fabre de citer Olivier Mevel, expert en problématiques agricoles, ingénieur et consultant en stratégie : « L’agriculteur va devenir un ouvrier déguisé de l’industrie ».
Pour l’heure, la réunion de jeudi soir a raffermi la mobilisation des acteurs du monde de l’élevage. Des actions sur le terrain sont prévues d’ici la fin du mois.

Le soutien des élus

Nombreux sont les élus du département, mais aussi des territoires limitrophes à apporter leur soutien aux acteurs de l’élevage.Jeudi soir, à Laissac André At, éleveur et négociant, mais aussi vice-président du conseil départemental qu’il représentait à la tribune, est venu rappeler que le président Arnaud Viala et l’institution départementale demeuraient très attentifs à la situation. Dans l’assemblée, de nombreux maires ont également fait part de leurs inquiétudes. Retenus à Paris (leur avion n’atterrissait que tard le soir), les parlementaires dont notamment le député Stéphane Mazars et le sénateur Jean-Claude Anglars ont eux aussi indiqué qu’ils suivaient avec intérêt l’évolution du dossier.

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