Aveyron : à Cassuéjouls, sur l'Aubrac, des coffrages en bois qui marchent béton

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  • Benoît Sabrié-Fabre a pris la succession de son père.
    Benoît Sabrié-Fabre a pris la succession de son père. Photos G.R.
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Guilhem Richaud

Installée sur l’Aubrac depuis 1994, la menuiserie s’est spécialisée dans la création de coffrages en bois pour couler d’immenses pièces en béton. CMF, qui s’est taillé une belle réputation, travaille sur des chantiers d’envergure depuis de nombreuses années comme les réacteurs nucléaires de Flamanville, en France, et d’Hinkley Point, en Angleterre, mais également sur les nouvelles lignes de métro et de RER à Paris… Avec 17 salariés, l’entreprise s’attache à rester à taille humaine et préfère parfois renoncer à des projets pour s’assurer de tenir les délais et maintenir un haut niveau de qualité.

Difficile de se tromper. Pour monter voir CMF, sur les hauteurs de l’Aubrac, il faut passer le petit village de Cassuéjouls et prendre la direction d’Huparlac. C’est là, sur le bord de la route, au milieu de nulle part ou presque qu’est installée l’entreprise. La menuiserie date de 1994. Ces locaux, créés par Didier Fabre, ont été bien pensés. Près de 30 ans après, sans avoir subi de rénovation, ils affichent encore une très grande modernité. Mais l’entreprise n’est pas une menuiserie ordinaire. "Au départ on l’était, mais dès mon arrivée, en 1998, on a décidé de s’orienter principalement sur la construction de coffrages", détaille Benoît Sabrié-Fabre, le fils du fondateur, aujourd’hui aux commandes.

Concrètement l’entreprise crée des moules en bois pour que des constructeurs puissent ensuite y couler du béton à l’intérieur et fabriquer une forme spécifique. "Cela peut aller du petit pot de fleurs jusqu’aux pièces d’un barrage où d’une centrale nucléaire", reprend-il. L’entreprise du Nord-Aveyron a fait le choix de se spécialiser dans la seconde catégorie, celle des pièces immenses, sur des chantiers d’envergure, souvent très techniques. On ne la retrouvera donc pas sur le créneau de la fabrication de moules pour la construction d’immeubles "ordinaires". Elle n’est pas concurrentielle sur ce créneau et n’a donc pas vocation à intervenir sur ce genre de marchés. Non, CMF travaille sur la création des nouvelles gares du métro parisien, sur l’extension du RER E, sur un chantier au Grand Palais, sur la rénovation de la Bourse du commerce, sur des ponts immenses à l’étranger…

Une grande technicité

Pour en arriver là, CMF a misé sur la création d’un bureau d’études. C’est d’abord Benoît Sabrié-Fabre qui s’en est occupé, puis, petit à petit, il s’est étoffé. Au point qu’aujourd’hui, une équipe de cinq personnes travaillent sur la conception de pièces sur-mesure pour pouvoir couler les éléments demandés. "La technologie a beaucoup évolué, reprend le dirigeant. Maintenant, on fait tout sur des logiciels en 3D, avec des éléments complètement modulables. Créer un coffrage en bois est une opération extrêmement technique, qui présente beaucoup de difficulté. Le béton qui sera coulé à l’intérieur est très lourd. Il faut être certain de bien dimensionner le moule pour ne pas qu’il se casse."

Tenir les délais

C’est toute la complexité d’une activité sur laquelle il n’existe qu’une poignée d’entreprises en France, dont les gros groupes de construction, comme Eiffage, Bouygues ou Vinci, mais qui sont aussi souvent les donneurs d’ordre de CMF, lorsqu’ils gèrent des chantiers de construction dans leur ensemble. Au fil des ans d’ailleurs, l’entreprise du Nord-Aveyron a réussi à créer une relation privilégiée avec ces multinationales, qui l’embarquent souvent dans leurs projets. "Nous n’avons pas de commerciaux, lance Benoît Sabrié-Fabre. Nous avons le luxe de pouvoir choisir nos projets."

Surtout, les 17 salariés de CMF ont une contrainte qui les préoccupe en permanence : la tenue des délais. L’entreprise ne peut pas se permettre de livrer en retard un coffrage sur un chantier, sous peine d’immenses pénalités financières. En effet, un coffrage qui n’arriverait pas à temps sur place peut provoquer un décalage sur tout le chantier. Alors l’entreprise ne se lance pas dans un chantier pour lequel elle n’est pas capable de tenir les délais. La problématique est d’autant plus importante, après deux ans de crise sanitaire, au moment où la pénurie de matières première est importante. CMF se fournit principalement en bois venu de Russie ou des pays de l’Est.

Le chantier des réacteurs nucléaires EPR français et anglais

Dans le grand atelier, la dizaine de menuisiers travaille donc à la fabrication de ces immenses pièces, aux formes toujours plus originales. Et notamment un coffrage pour le système de refroidissement pour le réacteur nucléaire d’Hinkley Point, en Angleterre, dont une partie a été expédiée en ce début d’année et la suite suivra au printemps. D’ailleurs, CMF s’est fait une spécificité de travailler sur ces réacteurs puisque l’entreprise est intervenue, il y a quelques années, sur des coffres pour couler des pièces pour l’EPR de Flamanville, en Normandie. Et la volonté du gouvernement d’en construire de nouveaux dans les années à venir laisse augurer de beaux jours devant elle pour cette petite pépite de l’Aubrac…

La tranquillité de l’Aubrac

Être installé sur les hauteurs de l’Aubrac est-il un inconvénient pour une entreprise qui est très tournée vers les marchés internationaux comme CMF ? Pas vraiment selon son responsable, Benoît Sabrié-Fabre. "L’Aubrac a le vent en poupe, dire qu’on vient d’ici est porteur de valeurs et amène une certaine notoriété, sourit-il. Nous sommes dans un cadre idyllique pour travailler. Le gros inconvénient, c’est le recrutement. Nous pourrions embaucher à l’atelier, mais nous avons peu de candidats. Mais l’avantage, c’est que nous avons également peu de turnover car il n’y a pas vraiment de concurrence ici. Cela permet de miser sur les salariés. C’est important puisqu’il faut deux ans de formation pour faire un travail comme celui que nous faisons."En revanche, pour la conception et la livraison des immenses coffrages réalisés, être installé à Cassuéjouls n’est pas un frein, loin de là. "On livre des coffrages au Panama, en Afrique ou en Angleterre, qu’ils partent de Paris ou de Cassuéjouls, cela ne change pas grand-chose, reprend le responsable. Surtout, pour les convois exceptionnels, c’est souvent plus simple de partir d’ici que d’une grande ville comme Bordeaux ou Toulouse où il y a des réglementations spécifiques pour circuler, des horaires où la circulation des poids lourds est interdite… Ici il y a certes un peu de neige l’hiver, mais pour les transporteurs, ce n’est pas vraiment un problème et on ne fait pas partir des pièces tous les jours…"
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