Aveyron : la renommée du couteau laguiole aiguise l’appétit

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  • Les parlementaires étaient venus soutenir les couteliers laguiolais dans leur démarche l’an dernier.
    Les parlementaires étaient venus soutenir les couteliers laguiolais dans leur démarche l’an dernier. Archives CP
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Olivier Courtil

Une deuxième demande d’Identification géographique vient d’être déposée pour le couteau laguiole. Comment en est-on arrivé là ?

Si chaque Laguiolais voire Aveyronnais a un couteau laguiole dans sa poche, reste à savoir sa provenance. Il y va de la transparence à l’égard du consommateur et des retombées économiques pour le fabricant. Et l’on sait combien l’industrie française est mise à mal.

En ce sens, l’identification géographique (IG) a pour objectif d’informer le consommateur et de garantir son lieu de fabrication. Ce dispositif a vu le jour en juin 2015 avec la loi sur la Consommation pour s’appliquer aux produits industriels et artisanaux. L’institut national de la propriété industrielle (Inpi) est l’organisme en charge d’homologuer ou pas une IG. Pour l’heure, douze produits ont obtenu l’IG en France tels que la porcelaine de Limoges, la charentaise de Charente Périgord ou le linge basque.

L’imbroglio des marques

Le couteau laguiole est d’autant plus concerné par cette démarche qu’il s’en fabrique partout dans le monde, en majorité à bas coût dans l’Asie du Sud-Est. L’IG permettrait donc d’y voir (enfin) clair. Cela demande de remonter le temps. En 1993, Gilbert Sazjner, homme d’affaires en région parisienne, dépose de nombreuses marques laguiole en France et en en Europe pour ne plus résumer laguiole au couteau mais à pléthore de produits. La commune de Laguiole prend le taureau par les cornes en 2010 pour entamer un long combat judiciaire en vue de récupérer l’usage de son nom, ce qui permettrait d’annuler les marques. En parallèle, la coutellerie "La Forge de Laguiole" entreprend son combat pour les couteaux. Si ce combat est gagné pour le couteau, la commune ne peut toujours pas user de son nom pour vendre des produits.

Face à la puissance du marketing et leur concurrence, l’obtention de l’IG est gage de transparence. Laguiole est enfin arrivé à s’unir pour fonder le syndicat des fabricants aveyronnais du couteau de laguiole.

Réponse en juin

Celui-ci est composé de quatre fabricants (trois à Laguiole et un à Espalion) pour demander l’IG concernant le couteau pliant sur une zone géographique comprenant le Nord-Aveyron jusqu’à Espalion. La demande a été faite voici un an auprès de l’Inpi et attend toujours de connaître son sort. Et depuis le 21 janvier, l’association Couteau Laguiole Aubrac Auvergne (Claa) dont le siège est à Thiers dans le Puy-de-Dôme, a également déposé sa demande d’IG pour le laguiole pliant mais aussi pour le sommelier (avec tire-bouchon, donc) et celui de table.

Autre différence de taille avec la demande d’IG du syndicat laguiolais, la zone géographique du bassin thiernois comprend l’Aubrac aveyronnais et au-delà (de Campagnac à Villecomtal) ainsi que dans le Cantal, la Lozère avec Nasbinals, le Puy-de-Dôme, une commune dans la Loire et deux dans l’Allier, soit 84 communes.

Il faut attendre les deux mois d’enquête publique qui permettent de recueillir les observations, puis l’Inpi prendra également deux mois pour établir les siennes. L’homologation, ou non, devrait intervenir en juin. Reste que l’Inpi ne peut donner deux IG pour un même couteau. Le bassin de Thiers s’appuie sur le volet historique du lien avec Laguiole pour faire pencher la balance. Laguiole s’appuie sur le bon sens, de la zone géographique, le berceau où le couteau a pris son nom.

Dans les faits, cela n’est pas si simple. Ainsi, l’espadrille de Mauléon a vu sa demande rejetée et le savon de Marseille attend son homologation depuis… 2015. Si c’est le cas du laguiole, le syndicat laguiolais ne s’interdit pas de partir en cour d’appel.

Une nouvelle bataille juridique s’ouvrirait alors, et à Laguiole, on en connaît la musique et ses multiples partitions.

Repères

2015, entrée en vigueur du décret de la loi Consommation permettant l’obtention d’une Identification géographique pour éclairer le consommateur sur le lieu de fabrication d’un produit.

2021, le syndicat des fabricants aveyronnais du couteau de Laguiole dépose sa demande d’Indication géographique auprès de l’Institut national de la propriété industrielle.

2022, l’association Couteau Laguiole Aubrac Auvergne dont le siège est à Thiers, demande à son tour une IG.

1, la demande des Laguiolais concerne uniquement le couteau pliant.

3, la demande des Thiernois concerne le pliant, le sommelier et celui de table.

12, le nombre d’Indications géographiques homologuées.

2 zones géographiques distinctes pour un couteau laguiole. Le syndicat laguiolais concerne un bassin de 220 emplois couvrant du Nord-Aveyron à Espalion, l’association Thiernoise comprend 400 salariés s’étalant sur l’Aubrac (trois départements) et l’Auvergne (trois départements).

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