Roselyne Bachelot : « L'Aveyron propose une offre culturelle riche"
Dans un entretien qu’elle nous a accordé lors de sa parenthèse aveyronnaise ce week-end, la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, affiche sa confiance sur la sortie de crise du secteur culturel, encore impacté par la pandémie. Elle regrette également la faible place de son domaine dans la campagne présidentielle actuelle et se dit prête à s’engager de nouveau aux côtés d’Emmanuel Macron.
Visites de musées à Rodez, d’une association culturelle à Espalion… Votre week-end aveyronnais est-il l’occasion de montrer que la culture ne s’arrête pas aux frontières de Paris ou des grandes métropoles ?
L’Aveyron a la chance de posséder un patrimoine exceptionnel. Ma visite est avant tout l’occasion de saluer tous les acteurs qui montrent que ce territoire est très riche, tout sauf un désert culturel ! On sent d’ailleurs qu’ici, les citoyens ont envie de faire vivre leur territoire. Ils ont pris conscience que la culture était un élément très important de développement et d’attractivité. On le voit avec la fréquentation du musée Soulages qui attire de nombreux étrangers…
Vous avez souligné vendredi votre affection pour l’œuvre du peintre aveyronnais. En 2014, François Hollande l’avait qualifié de « plus grand artiste vivant dans le monde ». Partagez-vous ce sentiment ?
Je ne me risquerai pas à ce genre de choses et à des palmarès hasardeux. Des grands artistes français, il y en a énormément. Mais, Pierre Soulages est un immense peintre, dont la renommée est incroyable au niveau mondial. Et il le mérite.
Les musées, les cinémas, les salles de spectacle ont beaucoup souffert de la crise sanitaire et peinent encore à retrouver un modèle économique. Êtes-vous inquiète pour l’avenir et le maillage territorial des lieux de culture ?
Inquiète, non. Je suis avant tout mobilisée. Je pense à l’après, car le milieu culturel est surtout confronté à des défis considérables tels que la révolution digitale et numérique ou encore la démocratisation de notre culture. C’est un enjeu considérable car de trop nombreux citoyens se disent encore que la culture, ce n’est pas fait pour eux. Et ce n’est pas une question d’offre, elle existe.
C’est la raison pour laquelle on est passés à une politique de la demande en doublant durant ce quinquennat les crédits de l’éducation artistique et culturelle et en lançant le Pass culture qui est désormais accessible aux jeunes à partir du collège.
La culture n’est-elle pas avant tout une question d’éducation ?
Beaucoup, car si on n’est jamais allé au théâtre avant d’avoir 20 ans, il y a peu de chance d’avoir l’habitude d’y aller à quarante. C’est pour cela que nous avons mis en place des dispositifs pour que, par exemple, chaque élève ait une fois par an l’opportunité d’aller au théâtre, au cinéma, au musée, d’avoir un échange avec un artiste…
La politique du « quoi qu’il en coûte » doit-elle se poursuivre pour le milieu culturel ?
Aujourd’hui, ce qu’il faut c’est mettre en place une politique de « cousu main ». Le confinement, c’était « simple » : tout le monde était fermé donc on aidait tout le monde. Aujourd’hui, tout va rouvrir et certaines salles fonctionnent déjà très bien. À nous d’aider celles qui ont davantage de mal…
Certaines ont refusé de rouvrir en raison de règles sanitaires encore trop contraignantes…
Il n’y en a quasiment pas. C’est epsilonesque. Dans le monde de la culture, tout le monde veut travailler, les lieux qui sont encore fermés veulent absolument rouvrir ! Les mesures de protection sont parfaitement intégrées et les Français en ont toujours été extrêmement respectueux.
« Sur la grippe H1N1 ? J’ai reçu beaucoup de coups mais je suis heureuse que 10 ans après, on salue mon action »
Le ministère de la Culture s’emploiera-t-il également à « emmerder les non-vaccinés » comme dit le Président ?
Non, vous ne me ferez pas dire cela. Mon but est simple : protéger les personnels. Il y a des pays où tout est fermé encore. En France, le 16 février, les dernières restrictions seront levées, les concerts debout vont pouvoir reprendre : tout sera rouvert !
Finalement, mieux vaut être ministre de la Culture que de la Santé, comme vous le fûtes.
(Rires) Je ne me suis jamais posé la question. Vous savez, j’ai été ministre des Sports et tout le monde me disait que ç’allait être sensationnel et amusant en étant le premier supporter des équipes de France et finalement j’ai dû affronter la crise du bus de Knysna ! Toutes les responsabilités politiques sont complexes et difficiles. Mais je suis une combattante.
En tant que ministre de la Santé (2007-2010), vous aviez également dû affronter une épidémie avec la grippe H1N1…
Effectivement, c’était très compliqué, j’ai reçu beaucoup de coups mais je suis heureuse que 10 ans après, on salue mon action en reconnaissant que j’avais pris les bonnes décisions. Même si mon cas personnel n’a guère d’intérêt.
On vous sent particulièrement comblée et épanouie depuis votre retour dans le monde politique aux affaires culturelles…
Certains me demandent si je ne regrette pas ce retour en politique avec la crise actuelle à traverser. Mais, ce n’est absolument pas le cas. J’aime les artistes et je suis là pour les aider à surmonter cette crise tragique pour eux. Est-ce que j’aime ce que je fais ? Oui…
La campagne présidentielle est lancée, comptez-vous vous y engager ?
Bien sûr, en espérant que le Président décide de se présenter. Je note d’ailleurs que la culture ne paraît pas beaucoup intéresser les candidats déjà en lice et je trouve ça extrêmement dommage. Il y a les enjeux moraux et éthiques, mais le volet économique est également considérable. On parle de 670 000 personnes qui vivent de la culture en France, c’est plus que l’aéronautique et l’industrie automobile. On parle beaucoup de réindustrialisation mais pas de l’industrie culturelle. Pourtant, quand un Américain vient visiter Soulages, il participe à l’économie de tout un territoire.
Quel regard portez-vous sur votre ancien camp, aujourd’hui semble-t-il unie derrière Valérie Pécresse ?
Sur le plan culturel, les propositions sont faibles et peu opérationnelles. Rien ne paraît affronter les défis qui sont les nôtres et cela est valable pour tous les candidats. Aucun n’a un mot sur le tsunami digital qui nous attend, personne ne sait ce qu’est le metavers… Et je ne parle pas des propositions « simplettes » comme une grande journée de commémorations pour les gloires nationales. C’est sympathique mais pas à la hauteur.
Mme Le Pen et M. Zemmour veulent, eux, privatiser l’audiovisuel public. Je m’élève formellement contre cela ! Au moins, M. Zemmour est clair : il dit souhaiter supprimer le ministère de la Culture qu’il estime peuplé de gauchistes.
« Au moins, M. Zemmour est clair : il dit souhaiter supprimer le ministère de la Culture qu’il estime peuplé de gauchistes »
Il évoque pourtant très souvent une certaine culture française…
Il n’est pas à une contradiction près.
En 2017, Emmanuel Macron avait pu compter sur le soutien de nombreux artistes… Votre rôle en cette campagne n’est-il pas également de jouer les VRP pour votre candidat, comme avait pu le faire Jack Lang pour François Mitterrand en son temps ?
C’est démodé. L’attrait électoral que pourrait avoir tel ou tel artiste, je n’y crois guère. Et nous ne sommes jamais à l’abri d’une déconvenue. Mme Pécresse s’était beaucoup vantée d’avoir Maître Gims dans son entourage avant un rétropédalage comique à la suite des récentes déclarations pour le moins maladroites du rappeur. Les faiseurs de rois n’existent plus.