Aveyron : le parcours du combattant des jeunes migrants, pris entre caritatif et administratif

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  • Entre structures d’accueil et associations, une addition de bonnes volontés pour accueillir au mieux ces jeunes, partis de chez eux  "poussés par la misère", comme l’explique un bénévole.
    Entre structures d’accueil et associations, une addition de bonnes volontés pour accueillir au mieux ces jeunes, partis de chez eux "poussés par la misère", comme l’explique un bénévole.
Publié le
Xavier Buisson

Ces jeunes à l’histoire déjà dense ont été jusqu’à 1 400 à arriver sur le sol aveyronnais en une année, au plus fort de la crise migratoire. Majoritairement venus d’Afrique de l’ouest, ils ne "souhaitent qu’une chose : aller à l’école, apprendre un métier et travailler en France", selon un bénévole du Secours catholique. Certains y arrivent, au prix d’un éprouvant parcours administratif.

Dans l’Aveyron comme ailleurs, les premières arrivées d’importance de Mineurs non accompagnés ont été constatées en 2018. Cette année-là, le conseil départemental affirme, par la bouche de son président Jean-François Galliard, en avoir reçu 647 sur les 9 premiers mois de l’année. "C’est une accélération qui pose problème. On a du mal à faire face à nos responsabilités, le Département ne dispose que de 109 places… On est en overdose", affirmait à l’époque le président Galliard.

Selon les bénévoles locaux impliqués, l’Aveyron a été à une certaine période 10e département en termes de nombre d’arrivées en France. Il n’y avait pas de structure ni de dispositif d’accueil vraiment performant, " ce qui fait qu’un certain nombre était dans la rue ", se souviennent plusieurs personnes engagées.

Ils sont "une chance pour la France", selon ce bénévole engagé dans l’aide aux Mineurs non accompagnés de la région de Rodez. "L’anonymat est capital sur ces dossiers. Nous ne sommes pas là pour nous mais pour les autres. Ces jeunes nous confient leur détresse", explique Gérard, dont le prénom a été modifié.

Depuis près de quatre ans et aux côtés notamment du Secours catholique, il s’investit pour un accueil digne de ces jeunes migrants en provenance principalement du Mali, de Côte d’Ivoire, de Guinée, du Sénégal ou du Cameroun.

"Ceux qui arrivent par la Sicile ont le parcours le plus difficile, ils passent par la Libye"

Gérard est loin d’être seul dans cette aventure, car aux quatre coins du département, des structures d’accueil et associations d’aide sont mobilisées : Môm’O chaud, Secours catholique, Emmaüs, foyers de jeunes travailleurs, associations la Pantarelle, Village 12 ou Émilie de Rodat, structures à Sénergues ou au château de Floirac, Fédération des œuvres laïques, Restos du cœur… Une addition de bonnes volontés pour accueillir au mieux ces jeunes, partis de chez eux car "poussés par la misère", comme l’explique le bénévole.

Au terme de plusieurs mois ou années d’errance, ils sont arrivés en France en traversant soit l’Espagne, soit l’Italie.

"Ceux qui arrivent par la Sicile ou Lampédusa ont le parcours le plus difficile, ils passent par la Libye. Ils rentrent en Italie, dans de très difficiles conditions. On prend leurs empreintes et l’Italie devrait les garder au regard des accords de Shengen, mais elle n’a pas de raison de faire d’excès de zèle. Deuxième voie d’accès : le Maroc ou les îles Canaries, avec parfois quelques variantes", explique Gérard. Les jeunes sont dans ce cas recueillis par l’Espagne et il arrive, comme en Italie et selon plusieurs bénévoles, qu’on leur offre un ticket de bus pour se rapprocher de la frontière…

"Alors ils le prennent !", explique Gérard, et entrent "assez facilement" en France, le but d’un long voyage pour ces jeunes francophones qui n’ont pour seul désir que "d’aller à l’école et d’apprendre un métier pour rester et travailler en France".

Une obligation légale de les mettre à l’abri pour le conseil départemental

Face à l’afflux de 2018, les services sociaux, démunis, donnent alors à ces jeunes à la rue les coordonnées d’associations, dont le Secours catholique et la Croix-Rouge. "Il fallait réagir très vite, explique Gérard. On s’est fait prêter des matelas et on a demandé à la paroisse, rue de l’Embergue, s’il serait possible d’en héberger pour éviter qu’ils ne passent la nuit dehors. On a dû monter jusqu’à 20 jeunes à la fois, mais qui ne restaient qu’une à deux nuits, parfois plus".

Au plus fort de la crise, de l’ordre de 1400 à 1500 mineurs sont arrivés en une année dans l’Aveyron. Le conseil départemental, qui a pour obligation légale de les mettre à l’abri, donne des autorisations au jour le jour pour un nombre de jeunes à héberger, en fonction des disponibilités du "115 jeunes" dans des lieux dédiés comme Sainte-Thérèse à Rodez ou le château de Floirac, à Onet.

Certaines associations, moyennant finances, sont aussi chargées de trouver des solutions d’hébergement (Môm’O Chaud ou La Pantarelle ainsi que plusieurs structures à Villefranche-de-Rouergue, Millau, Pont-de-Salars…).

"Qu’on leur permette de travailler et qu’on ne les envoie pas promener"

Une fois sortis de la rue, les jeunes et leurs soutiens se lancent dans un long parcours d’obstacles administratifs. Dans un premier temps, il est question de tenter d’évaluer si les jeunes sont mineurs, donc éligibles à la "protection" départementale, ou majeurs. Deux personnes de l’Aide sociale à l’enfance rencontrent les jeunes et les soumettent à un questionnaire précis : état civil, famille, circonstances dans lesquelles ils sont partis, détails du parcours et de l’arrivée…

Ceux évalués mineurs sont affectés à un département par le procureur de la République. Ceux évalués comme majeurs à l’issue de ce questionnaire restent le temps de demander un recours. Ils sont de deux types : un courrier au président du conseil départemental, ou bien un recours auprès du juge des enfants. "Le courrier au conseil départemental ne donnait rien, donc nous nous sommes habitués à faire des recours auprès du juge des enfants", détaille Gérard. Ce qui complique grandement l’étude des cas est que la grande majorité de ces jeunes n’a pas de papiers d’identité.

Il arrive parfois qu’ils soient rétablis dans leur droit, c’est-à-dire finalement reconnus comme mineurs après une première analyse affirmant l’inverse. Dans la majorité des cas, le juge les "affecte" à l’Aveyron… "C’est-à-dire au département qui les avait mis dehors. Il faut cependant souligner les efforts du conseil départemental ; ils sont bien suivis", souligne Gérard, qui poursuit : "L’État a une chance formidable, c’est qu’il n’a pas eu à payer l’école et tous les dispositifs pour les préparer à travailler, ils sont prêts à travailler. Au moins que l’on le leur permette et qu’on ne les envoie pas promener".

Contacté pour s’exprimer sur le sujet, le conseil départemental de l’Aveyron n’a pas donné suite à notre demande.

 

Ibrahima, 17 ans, plaquiste-jointeur, veut rester en France avec son patron

C’est un « super jeune » selon son nouveau patron Romain Alet. L’artisan du Vibal le reconnaît : il cherchait un employé « depuis très longtemps ». « Il y a énormément de travail dans le bâtiment, mais il n’y a pas grand monde qui veut y travailler », explique-t-il.
Après un test concluant de 15 jours, Ibrahima, âgé de 17 ans et arrivé du Mali, a donc été embauché dans l’entreprise. Il se formera en parallèle à la chambre de métiers pendant trois ans dans le but d’obtenir un CAP. Entre les deux nouveaux collègues, c’est l’entente cordiale mais le jeune patron a prévenu son apprenti : « Il le sait depuis le début : s’il a envie de travailler, je lui apprendrai le métier, sinon, je ne le garderai pas ».
« J’aimerais rester en France, me former, prendre un appartement et continuer à travailler avec Romain », explique de son côté Ibrahima ; lui comme son patron savent cependant que rien n’est encore acquis pour le jeune homme, et que sa situation sera à nouveau étudiée par les services préfectoraux à ses 18 ans. Avec le risque pour lui de se voir notifier une Obligation de quitter le territoire français (OQTF).

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Les commentaires (1)
claudius Il y a 2 années Le 17/02/2022 à 11:59

Ils étaient pas bien chez eux ?