Guerre en Ukraine : l’angoisse, sous les bombes russes, de Kiev à Kharkiv et Donetsk

  • Une longue file d’attente devant une pharmarcie, ce jeudi 24 février à Kiev, après le début de l’offensive russe en Ukraine.
    Une longue file d’attente devant une pharmarcie, ce jeudi 24 février à Kiev, après le début de l’offensive russe en Ukraine. Repro Centre Presse - MaxPPP
Publié le , mis à jour
Propos recueillis par P.C., L.D. et M.M.

Inquiétudes, quotidien bouleversé… Paroles de Français et d’Ukrainiens dans un pays attaqué.

En pleine nuit, Vera, professeure à Kiev, a entendu les explosions. "Un missile est tombé au 3 de la rue Vasilkovskaya, une des principales artères" de la capitale ukrainienne, précise-t-elle, sans réelle panique. "Nous avons déjà effectué des entraînements avec les élèves et les professeurs pour nous abriter dans les caves de l’établissement qui ont été transformées en refuge", confie l’enseignante.

"Sur les téléphones portables, nous avons des QR code pour localiser les abris en ville", indique de son côté Tina, étudiante, décidée à ne pas quitter Kiev et préférant rester "près de la cave pour s’y réfugier en cas d’attaque", plutôt que de se retrouver prisonnière des embouteillages monstres qui se sont formés dès hier matin sur l’autoroute menant vers l’ouest. "Il y a eu un bombardement à un kilomètre, tout a tremblé." 

La voix emplie d’angoisse, Aurélien se dit, lui, "désemparé" par la situation. Résidant à dix minutes de Kiev avec sa famille originaire du pays, ce Français attend avec impatience des nouvelles de l’ambassade. "On nous a dit de ne pas bouger pour l’instant, que c’était très dangereux de se rendre en Pologne par la voie terrestre. De toute façon, je ne partirai pas seul : nous sommes neuf, dont des Ukrainiens". "La situation est vraiment choquante quand on n’est pas habitué, enchaîne-t-il. Moi je ne connais pas la guerre, mais pour mon épouse et sa famille, ce n’est pas la première fois."

 

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"Lorsque les Ukrainiens prendront le maquis…"

Prisonnière près de deux ans des séparatistes russes du Donetsk et réfugiée à Kharkiv avec ses fils, Marina Chuikova, médecin originaire du Donbass, a "peur d’être emprisonnée à nouveau".

Elle préfère s’éloigner du front. "Moi, je n’ai pas dormi de la nuit après avoir entendu le discours de Poutine et puis cette nuit, il y a eu des explosions et à 5 heures du matin, j’ai quitté Kharkiv. Il y avait un gros embouteillage à la sortie, les gens partaient. Il y avait de longues files d’attente dans les stations-service et aux distributeurs automatiques de billets et l’aéroport de Chuguev, à la sortie de la ville, est en feu", décrivait-elle jeudi matin, voyant disparaître l’ultime et infime espoir qu’elle avait encore en début de semaine d’un Poutine s’en tenant au Donbass.

À l’autre bout du pays, près de la frontière polonaise, Pierre, lui aussi Français marié à une Ukrainienne, a fait le choix de se confiner chez lui. Une décision qui pourrait, bien sûr, évoluer en fonction de la situation. "On a commencé à préparer quelques affaires au cas où on aurait besoin de partir rapidement. C’est toute notre vie qui est remise en question." "Hier, les enfants ont eu un exercice de confinement dans un bunker. Aujourd’hui, ils n’ont pas école. On s’adapte au contexte", relativise le trentenaire, installé depuis six ans dans le pays.

Depuis plusieurs semaines, Vera a pour sa part vu se renforcer "le sentiment patriotique ukrainien" avec un désir de résistance très concret chez elle aussi : "Mon mari est chasseur. Il est prêt comme beaucoup d’autres à prendre les armes et entrer dans la résistance en cas d’invasion. D’ailleurs depuis plusieurs jours, les magasins de chasse sont pris d’assaut par des gens qui veulent acheter fusils et munitions et on a désormais du mal à trouver des cartouches", explique-t-elle.
"Un très joli dessin résume notre état d’esprit : si on casse un thermomètre, le mercure s’éparpille partout en petites billes insaisissables. Les Ukrainiens, ce sera pareil lorsqu’ils prendront le maquis."

 

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