Rodez. Aveyron : dans son atelier ruthénois, Charlotte Giaccobi sublime la paille

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  • La jeune femme s’est spécialisée dans les élément de décoration à partir de paille.
    La jeune femme s’est spécialisée dans les élément de décoration à partir de paille. A.A.
Publié le
Anaïs Arnal

Charlotte Giaccobi, trentenaire ruthénoise formée à la menuiserie et à la marqueterie dans une des plus prestigieuses écoles de France, vient de rouvrir un pas-de-porte sur le piton ruthénois. Elle y travaille la paille pour fabriquer des éléments de décoration.

Native de Rodez, Charlotte Giaccobi obtient son baccalauréat en 2007, part à Paris pour faire une année de préparation aux Beaux-arts et revient à Toulouse pour suivre une première année à l’école des Beaux-arts. "J’avais contracté un prêt étudiant, il me fallait entrer rapidement dans le monde du travail pour commencer à gagner ma vie", raconte la jeune femme qui découvre alors qu’un cursus au lycée professionnel des métiers d’arts, du bois et de l’ameublement de Revel lui permettrait d’allier travaux manuels et artistiques.

Dans cette école, véritable référence en la matière au même titre que l’école Boulle à Paris, Charlotte Giaccobi passe un CAP de marqueterie puis un CAP de menuiserie en siège. "En général, on se forme d’abord à l’artisanat (menuiserie, ébénisterie…) avant d’accéder aux métiers d’art (tournage sur bois, sculpture, dorure, marqueterie, restauration… ; j’ai fait les choses à l’envers."

Diverses expériences

Ses deux diplômes en poche, la jeune femme revient dans sa ville natale pour chercher du travail. " Cela a été compliqué, explique-t-elle. Il y a de moins en moins d’artisans car la plupart des gens consomment des produits peu chers de manière à pouvoir changer de décoration plus souvent. " Charlotte Giaccobi trouve un poste chez un fabricant de portes d’entrée à Moyrazès. "On faisait des panneaux trois plis. J’étais chargée de gérer les contraintes techniques et l’esthétique. Je manipulais des planches de 2 mètres de long, c’était très physique."

La jeune femme travaille ensuite pendant deux ans en tant que menuisier pour la mairie d’Onet-le-Château. "Au vu de mon parcours, on m’a confié de beaux projets (décors de théâtre, bureau du maire, comptoir de salle polyvalente…), mais à l’époque, j’avais 25 ans et envie d’autre chose."

À l’origine du concept Da.

En 2016, Charlotte Giaccobi part à Lyon où elle travaille en tant que serveuse dans la restauration. "Quand j’ai découvert les boutiques de créateurs et les espaces de coworking un peu partout en ville, l’idée a germé dans mon cerveau. Je me suis dit que j’avais des compétences, un savoir-faire, bref un métier entre les mains et que c’était dommage de ne pas l’exercer, reprend-elle. Pour m’épanouir pleinement, il fallait que je m’installe. Enceinte jusqu’aux yeux, j’ai suivi une formation à la chambre de métiers et je suis revenue à Rodez en 2018."

À la caisse d’un supermarché, Charlotte Giaccobi croise Adeline Thuriès, une amie d’enfance qu’elle n’a pas vue depuis des années et qui est devenue fleuriste. Elle lui propose de créer Da., un atelier partagé ouvert aux créateurs et artistes locaux avec un espace boutique. "Il faut sans cesse se réinventer, innover pour répondre aux tendances d’aujourd’hui, modes mais aussi économiques et sanitaires. Et il faut unir nos forces parce que sans cohésion, sans entraide, on ne peut pas avancer", estime Charlotte Giaccobi qui se consacre désormais à la marqueterie de paille.

Les deux copines accueillent rapidement un troisième artisan dans leur local de la rue Bonald, le scénographe Olivier Arnaudo, remplacé quelque temps après par Marion Donnet, fondatrice des Jolies fripes, aujourd’hui installées rue de la Madeleine. Car l’aventure Da. prend brusquement fin en janvier 2021 lorsque le propriétaire du local annonce aux jeunes femmes qu’il a trouvé un acquéreur. Contrainte de quitter les lieux, Charlotte Giaccobi s’installe rue Aristide-Briand, mais avec davantage de charges à payer, dans un centre-ville déserté à cause de la crise sanitaire, elle n’y reste que neuf mois.

Bijoux et tableaux

Fin février 2022, elle fait son retour en ville dans un petit local au 7, rue Lebon, près de l’église de La Madeleine. "C’est plus un atelier qu’une boutique car aujourd’hui, je réalise la plupart des ventes sur le site internet et enregistre les commandes via les réseaux sociaux. Les gens apprécient de plus en plus d’avoir des pièces uniques, sur-mesure et ultra-personnalisées." Axée sur les bijoux au début, la jeune femme élargit sa palette avec des éléments de décoration.

Le fait d’avoir remporté le prix du Siècle Soulages en 2019 a fait connaître son art et généré des commandes comme ce tableau de deux mètres en paille noire sur lequel elle a travaillé pendant un mois et demi. "Après avoir passé des heures sur la table de travail, l’œuvre s’est révélée une fois accrochée au mur. La paille reflète la lumière, faisant penser à tableau de Soulages, c’est waouh ! J’ai 32 ans, cela fait quatre ans que mon entreprise L’Élan d’ébène existe et je suis toujours émerveillée par cette magie."

Un matériau pauvre, des œuvres nobles

La marqueterie de paille existe depuis le XVIIe siècle. La France compte une vingtaine de professionnels dont Lison de Caunes, petite-fille du décorateur André Groult et nièce d’Antoine de Caunes. Ils utilisent de la paille de seigle cultivée par des fournisseurs qui ramassent les brins à la main pour ne pas les abîmer et les teignent afin de proposer un nuancier exhaustif. "La paille est un matériau pauvre, mais exigeant, nos gestes et notre temps font des œuvres finales des produits de luxe", affirme Charlotte Giaccobi. Un savoir-faire à découvrir lors des Journées européennes des métiers d’art, du 28 mars au 3 avril.
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