Rodez. Les enjeux de la présidentielle en Aveyron : "Maintenir les seniors à domicile, sans moyens, ça sert à rien"

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  • Pierre Gigarel et Claude Mouly respectivement directeur et président de l’Udsma, la mutualité française en Aveyron.
    Pierre Gigarel et Claude Mouly respectivement directeur et président de l’Udsma, la mutualité française en Aveyron. Archives ML
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Guilhem Richaud

C’est un sujet qu’il est impossible de dissocier de celui de la santé. La prise en charge des personnes âgées en Aveyron est une problématique majeure actuelle, qui va encore s’amplifier dans les prochaines années. En effet, à l’heure actuelle, les plus de 75 ans représentent 13,8 %. Un chiffre qui va fortement augmenter dans les prochaines années du fait d’une pyramide des âges peu favorable. Et alors que 74 % des personnes âgées sont actuellement prises en charge à domicile (un chiffre qui montera à 82 % d’ici à 2040 selon les prévisions), les structures d’accompagnement ont déjà de grandes difficultés à assure les soins. Un problème majeur qu’analysent Claude Mouly et Pierre Gigarel, respectivement président et directeur de l’Udsma, la mutualité française en Aveyron.

Comment analysez vous l’offre de soin en Aveyron pour le grand âge ?

Claude Mouly : Malheureusement, elle ne répond pas aux besoins. Sur notre structure spécifique, on rencontre le problème, mais c’est aussi le cas partout. Nous avons douze centres de santé infirmiers, ce qui représente 120 infirmières, nous avons des SSiad, qui sont des aides-soignantes qui interviennent à domicile et nous sommes en pénurie de recrutement. Nous n’arrivons pas à recruter pour répondre aux besoins. Et les difficultés sont encore plus grandes dans les zones rurales.

Quelles sont les conséquences de cette situation sur la population ?

Claude Mouly : Non, nous ne pouvons pas répondre aux besoins. Nous pourrions faire des prises en charges de gens qui ont vraiment besoin d’accompagnement, et à cause du manque de personnel, on est parfois obligés de les refuser.

Comment vous organisez-vous pour faire face à cette problématique ?

Pierre Gigarel : aujourd’hui, on est en mode dégradé. À partir du moment où on manque d’effectifs dans tous les domaines (aides à domiciles, aides soignantes, infirmières), on est davantage dans le traitement des situations d’urgence que dans un travail de fond. La prise en charge des aînés n’est pas à la hauteur de ce qu’on souhaiterait. On est obligé de refuser des prises en charge, ou parfois de ne pas les faire à la hauteur des plans d’aides qui sont demandés pour essayer de mieux répartir les choses. On a des gens dont l’hospitalisation est repoussée, d’autres dont la prise en charge en Ehpad n’est pas faite faute de salariés dans les structures. Ces gens sont donc chez eux et si de ce côté-là on n’arrive pas à répondre à l’intégralité de leurs besoins, on met en difficulté la personne âgée, nos salariés à qui on demande une charge de travail importante, mais aussi la famille et les aidants. Tout l’environnement est mis à mal faute de moyens suffisants.

On a beaucoup parlé, ces derniers mois, de cas de maltraitance de personnes âgées dans les Ehpad, n’y a-t-il pas une autre forme de maltraitance à ne pas pouvoir leur offrir une prise en charge nécessaire ?

Claude Mouly : dans la mesure où il manque de personnel dans les structures, c’est clair et net que nous ne répondons pas aux besoins et cela se passe comme ça dans tous les établissements. Mais on fait au mieux…

Pierre Gigarel : aujourd’hui, dans les formations d’aide-soignant ou d’infirmier, on apprend un certain nombre de valeurs qui sont appliquées. On a la chance, en Aveyron de ne pas avoir d’Ehpad lucratifs, qui sont là pour faire de l’argent. Tout le monde essaie de faire au mieux son travail et d’accompagner correctement ces personnes âgées, mais on a un vrai sujet autour des moyens qui sont mis dans les Ehpad et dans l’ensemble des politiques domiciliaires. C’est bien de dire qu’on veut maintenir les gens à domicile, mais si on ne met pas les moyens et si on n’a pas anticipé ces politiques par la formation de personnel et des financements supplémentaires pour mettre plus de monde, cela ne sert à rien.

En janvier, les structures aveyronnaises se sont regroupées pour alerter sur le sujet. Quel est l’objectif de cette démarche ?

Pierre Gigarel : Nous avons créé un collectif qui regroupe à la fois le sanitaire et le médico-social, le public et le privé à but non lucratif, ainsi que les libéraux via les ordres, non pas pour se plaindre, mais surtout pour être force de proposition. On veut être dans l’action et trouver, avec la puissance publique, les solutions au problème. Au niveau national, on attend depuis des décennies maintenant une loi Grand âge. Elle est indispensable pour travailler sur la notion de parcours dans l’accompagnement de la personne âgée dans toutes les situations qu’elle peut rencontrer. On ne peut pas penser le parcours de la personne sans penser le parcours des salariés. Aujourd’hui, on n’a pas de vision globale en France. On oppose les salariés en fonction d’où ils travaillent. Je pense qu’il faut donner une vision et des perspectives aux salariés. C’est comme ça qu’on fera évoluer les choses. Il faut également travailler différemment sur la formation. Parcoursup est une aberration pour le métier d’infirmier, avec des gens qui ne restent pas dans ce métier à cause de ce genre de sélection. Il faut aussi travailler sur la qualité de vie au travail. Quand vous demandez à une aide-soignante de faire douze toilettes le matin, ce n’est pas raisonnable, ni pour elle, ni pour le bénéficiaire. C’est comme ça qu’on travaillera sur le problème d’attractivité des métiers. Ce n’est pas qu’un problème de rémunération.

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