Rodelle. Des lasagnes apéritives pour un dîner à picorer en Aveyron

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  • Tout juste frites - quelques secondes, à peine saisies,  à plat ou enroulées sur une forme.
    Tout juste frites - quelques secondes, à peine saisies, à plat ou enroulées sur une forme. Antonin Pons Braley
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Alix Pons Bellegarde

Un apéritif original à adapter selon votre goût. Et à déguster, pourquoi pas, ce dimanche soir en attendant les résultats de ce premier tour de la présidentielle.

Dès 19 heures, sortie des urnes, premiers frémissements, dernières rumeurs. À la télévision, sur les ondes ou en ligne, le décompte des grands soirs, peu à peu affiné, depuis les duplex en cascade, les "QG de campagne", entre flashes et micros tendus, retours plateaux et "priorités au direct". C’est tout à l’heure, premier tour de la présidentielle, grand-messe quinquennale. Et pour beaucoup, l’occasion en famille, entre amis, voisins, d’une soirée passée à échanger, philosopher, s’écharper, célébrer, voire oublier – en picorant.

Ici ce sera lasagnes apéritives. Héritées de la recette iconique italienne, de larges bandes de pâte, frites au dernier moment. À déguster trempées de crème, tapenade ou fromage frais, voire de miel, sirop, mélasse ou confiture ; ou bien juste nature, à croquer, en marge des discussions d’actualité.

Faire danser quatre minutes

Dans la matinée, peu après, peut-être, s’en être allé voter, s’affairer à la pâte, maison, évidemment : deux œufs et deux cents grammes de farine par personne, parfumée à l’envi, de fanes, d’épices, d’herbes séchées ou tout juste cueillies. Pétrir, mouiller les mains pour finir de lier, puis abaisser, finement, à la pression du rouleau ou au laminoir. Simple, magique. Découper, réserver. Pendant qu’à la radio, défile le marronnier des trêves électorales, laissant parfois échapper le taux de participation d’entre les banalités et les nouvelles du front.

Dans une casserole bouillante, salée, faire danser quatre minutes puis retirer. Aussitôt plonger les rouleaux dans l’eau glacée pour en stopper la cuisson. Enfin, sécher au torchon, par petites pressions, puis laisser respirer, idéalement sur un marbre ou un billot de bois, fenêtres fermées.

L’après-midi déroule, comme un dimanche. Lente et rapide à la fois. Le soleil est de la partie – les experts l’incrimineront peut-être du poids de l’abstention. La table se dresse d’elle-même, quelques bouteilles et autant de bocaux à tartiner, sortis des réserves ; au centre, des plats en terre dans lesquels glisser, sur le moment, les lasagnes tout juste frites à l’huile de colza du Moulin de Méjane – quelques secondes, à peine saisies, à plat ou enroulées sur une forme, ou bien pourquoi pas façonnées en spätzles est-européens ou en petites noix. Toutes d’un coup, ou en réassort permanent.

À adapter selon ses goûts

Les invités se chargeront de quelqu’autres charcuteries, d’un fromage de chez Serge Bordes à Nauviale, d’une salade du jardin, de leurs premières asperges, d’un cake au citron, d’une eau-de-vie du coin.

Sur une dizaine, une vingtaine – déjà frites – s’essayer : ici un cabécou frais, passé à la poêle, dans lequel venir noyer la lasagne, à laisser refroidir ainsi tapissée, saupoudrée de thym, de sarriette et de laurier ; là un chocolat épais relevé d’une poignée de grains de poivre, en fond de casserole, où venir baigner quelques centimètres de bande, à la façon d’une orangette ; encore, un bouillon à l’ail à passer au pinceau, une mayonnaise sur le pouce, une crème d’avec les derniers raiforts de saison parsemée de sésame grillé.

L’heure tourne, les enfants piquent sur le comptoir les chutes passées en vrac en poêlée. Le dépouillement a déjà commencé, les journaux un à un entrent dans la danse. Les amis sont là. On papote, on tire-bouchonne. Quelques coups de fil de l’étranger, famille, proches, venus aux nouvelles ou en donner. Enfin 20 heures, secret de polichinelle depuis quelques minutes, les résultats officiels tombent à peine. À l’écran, deux visages. Les discussions repartent de plus belle, les plats se vident et se reremplissent. La vie continue.

Des lasagnes de cette nuit, il ne restera bientôt plus rien, excepté le stock au frais, pas encore grillé, réservé pour demain : boîte à lunch à emporter ou dîner déjà réglé, lasagnes traditionnelles cette fois, aux légumes de saison – poireaux, blettes, champignons.

Dans le brouhaha, le monde à l’envers, la vérité est peut-être ce soir dans le plat à partager, les recettes venues d’ailleurs, les portes ouvertes et les grandes tablées. Mais bien au-delà de nos fourneaux, ce sont bientôt les arrière-cuisines politiciennes qui ne tarderont pas à fumer. Nous verrons. Dans quinze jours, deuxième tour. En espérant que son résultat ne soit pas trop salé.

Cheffe et chercheuse

Aux racines indiennes et catalanes, Aveyronnaise d’adoption, Alix Pons Bellegarde est cheffe-chercheuse. Avec l’anthropologue Antonin Pons Braley et leurs enfants, elle parcourt le monde pour archiver les cultures culinaires des régions insulaires et nordiques. Le couple fonde en 2021 sa marque "Famille Pons Bellegarde" et sa Revue dédiée à l’univers du sel. Depuis Bezonnes, près de Rodez, il lance également ce printemps-ci un Journal consacré chaque mois à un alimentarium aveyronnais, ainsi que sa Table et son Épicerie de saison. Le duo livre chaque semaine aux lecteurs de Centre Presse un journal de bord aveyronnais de la cuisine d’Alix. Bientôt : ponsbellegarde.com

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