Aveyron : à Goutrens, cinéma et ruralité sur les terres de Rouquier

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  • André Benaben et Jean-Claude Trébosc font vivre l’œuvre de Georges Rouquier.Photos : J.B.
    André Benaben et Jean-Claude Trébosc font vivre l’œuvre de Georges Rouquier.Photos : J.B.
  • Cinéma et ruralité sur les terres de Rouquier Cinéma et ruralité sur les terres de Rouquier
    Cinéma et ruralité sur les terres de Rouquier
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    Cinéma et ruralité sur les terres de Rouquier
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    Cinéma et ruralité sur les terres de Rouquier
  • Cinéma et ruralité sur les terres de Rouquier
    Cinéma et ruralité sur les terres de Rouquier
Publié le
Joel Born

L’association Georges-Rouquier organise ses 9e Rencontres Cinéma et ruralité, à la salle des fêtes de Goutrens, les 14 et 15 mai.
 

Lors de sa sortie, en 1947, Farrebique, le film de Georges Rouquier sur la vie d’une famille de paysans rouergats dans la ferme de Farrebique (la ferme des chèvres en patois) avait défrayé la chronique. Et suscité bien des polémiques. "Si on ne produisait que des Farrebique, personne n’irait plus au cinéma, mais au milieu de toutes les autres productions, Farrebique fait figure de chef-d’œuvre exceptionnel", écrivait alors Charles Ford de l’Agence d’informations cinématographiques. Pierre Laroche du Patriote de Nice évoquait, lui, la "qualité exceptionnelle de ce très beau poème cinématographique", certains comme Jacques Becker voyant dans Farrebique un "film révolutionnaire." Finalement écarté par le jury du premier festival de Cannes, un "scandale" pour André Bazin, et présenté hors festival, il n’en récolta pas moins le Grand prix de la Critique internationale (Cannes, 1946) et le Grand prix du Cinéma français la même année, puis la Médaille d’or de Venise (1948) et le Grand Épi d’or de Rome (1953).

De Farrebique à Biquefarre

Près de quarante ans plus tard, Georges Rouquier est revenu à Goutrens, le village de ses racines familiales, pour y tourner Biquefarre (une ferme voisine de Farrebique), grâce notamment à l’aide d’universitaires américains et au soutien financier du Crédit Agricole… Cette fois, le père du documentaire français décrochera le Grand prix spécial du jury du Festival de Venise (1983). Libération avait alors titré : " Le temps passe, pas le talent. " Le regard de Rouquier y est bien sûr différent, le réalisateur évoquant, cette fois, la transformation de l’agriculture, à l’ère de la mécanisation et de la production intensive, qui obligent les paysans à voir plus grand. Mais pour grandir, il faut s’agrandir et… emprunter. " Rouquier était un précurseur, souligne Jean-Claude Trébosc, le coprésident de l’association qui fait vivre à Goutrens, l’œuvre de Rouquier. Dans ce film, il parlait déjà du surmenage des agriculteurs, de la pollution, de l’élevage industriel… "

Cinéaste poète et paysan

Maria, l’épouse de Georges-Rouquier, voulait "laisser une trace" de l’œuvre de son mari. Mais il fallut dix ans et un coup de pouce de la sénatrice Anne-Marie Escoffier pour que le projet voit le jour au cœur du village de Goutrens, lieu du tournage de Farrebique et Biquefarre. Dans ce très bel espace, superbement scénographié par Jean-Pierre Borezée, à qui l’on devait déjà la scénographie de l’espace Brassens, à Sète, l’on découvre tout le déroulement de l’œuvre de Rouquier. Car outre ses deux films cultes, Farrebique et Biquefarre, cet admirateur de Chaplin et Carné réalisa de nombreux films et documentaires, dont Lourdes et ses miracles ou Le Maréchal-Ferrant, César du meilleur documentaire, en 1977. "J’ai touché à tout, disait-il lors d’une interview télévisée, en fait ce n’est pas vrai, car j’ai encore des tas de choses à faire." Cinéaste poète et paysan, ainsi que le qualifie Dominique Auzel dans son ouvrage très complet paru aux Éditions du Rouergue, il aimait aussi se mettre en scène et faire l’acteur.

Le cinéma à la campagne

Même s’il n’est pas toujours facile de promouvoir le cinéma à la campagne, l’association Georges-Rouquier, qui a tout de même eu l’honneur d’accueillir Costa Gavras, organise chaque année quatre manifestations, clin d’œil aux quatre saisons de Farrebique : ses Rencontres Cinéma et ruralité au printemps, du cinéma en plein air en juillet, les journées du patrimoine en septembre (on peut, notamment, parcourir le sentier Farrebique et Biquefarre) et la journée du documentaire en novembre. L’association propose également une séance de ciné-club tous les premiers vendredis du mois, ainsi que des visites guidées de l’espace Rouquier. Jean-Claude Trébosc et André Benaben en sont les dévoués coprésidents. Tous deux ont bien connu Rouquier. Arrière-petit-neveu du réalisateur, Jean-Claude fut assistant régie de Biquefarre. Alors producteur laitier, André était l’un des acteurs du film. Ils en gardent de très bons souvenirs et sont à la fois heureux et fiers de continuer à faire vivre l’œuvre de Rouquier, qui commença à gagner sa vie en devenant linotypiste dans une imprimerie. "On a eu la chance de tourner avec lui. Il nous a permis de faire quelque chose qu’on n’aurait jamais fait, confie André. Derrière son visage un peu dur, c’était un homme très simple." "C’était un grand monsieur, très intelligent, très humain, qui aimait le monde paysan, témoigne, à son tour, Jean-Claude. Il a changé une partie de ma vie, avec lui, je suis devenu très cinéphile." Et le nom de Farrebique continue de résonner par-delà les océans, où le film est depuis longtemps projeté et étudié dans les universités nord-américaines.

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