"En Inde, une fille sur dix pense que les règles sont une maladie" (Juliette Bénet, porte-parole de Plan International France)

  • Au Népal, 89% des jeunes filles et des femmes subissent le"chhaupadi" une pratique ancestrale  basée sur l'idée que les règles sont "impures", "maudites", voire "dangereuses".
    Au Népal, 89% des jeunes filles et des femmes subissent le"chhaupadi" une pratique ancestrale basée sur l'idée que les règles sont "impures", "maudites", voire "dangereuses". ©Livia Saavedra
Publié le
ETX Daily Up

(ETX Daily Up) - En Inde, au Bangladesh, au Népal, en Indonésie ou en Ouganda... Dans de nombreux pays du monde, les règles entravent la scolarité des jeunes filles. À l'occasion de la Journée mondiale de l'hygiène menstruelle qui se déroule le 28 mai, Juliette Bénet, porte-parole de Plan International France, nous en dit plus sur les actions mises en place par l'ONG dans les pays en développement.

En France, une fille sur deux a déjà manqué l'école à cause de leurs règles, selon une nouvelle enquête OpinionWay réalisée par Plan International France à l'occasion de la journée mondiale de l'hygiène menstruelle.

Dans les pays en développement comme l'Ouganda ou le Bangladesh, la situation est plus inquiétante : les filles manquent en moyenne cinq jours d'école tous les mois à cause de leurs menstruations. En Inde, les trois quarts d'entre elles sont privées de salles de classe lorsqu'elles ont leurs règles.

Certaines d'entre elles se voient même contraintes de quitter l'école (en particulier dans les zones rurales), ce qui entraîne de lourdes entraves à leurs droits et les exposent aux mariages forcés, aux grossesses précoces, au travail domestique et à l'exploitation.

Les différentes stigmatisations qui perdurent autour des règles contribuent à renforcer les tabous (y compris en France), à des niveaux plus ou moins marqués selon les pays. Un fléau systémique et multifactoriel qui s'étend à toutes les régions de la planète explique Juliette Bénet, porte-parole de l'ONG Plan International France, qui œuvre dans des pays comme l'Ouganda, l'Indonésie et le Bangladesh.

Quels sont les différents facteurs qui entravent la santé menstruelle et la sécurité des jeunes filles dans les pays en développement ?

Il y a deux aspects principaux. Le premier concerne les stéréotypes et préjugés autour des règles. Ces stigmatisations qui entourent les menstruations sont étroitement liées à des normes culturelles et patriarcales qui excluent les filles des activités quotidiennes, avec des conséquences sur leur santé, leur bien-être, leur dignité et leur intégration sociale.

Au Népal, on voit malheureusement la pratique du "chhaupadi" perdurer, malgré une interdiction gouvernementale depuis 2005. Basé sur l'idée que les règles sont "impures", "maudites", voire "dangereuses", le chhaupadi contraint les jeunes filles et les femmes à s'isoler dans des huttes lorsqu'elles ont leurs règles. Elles n'ont pas le droit de participer aux activités religieuses, de toucher la nourriture, les animaux ou les hommes.

Ces pratiques ancestrales concernent encore 89% des jeunes népalaises et ont des conséquences dramatiques. L'une d'entre elles a par exemple péri dans un incendie en 2017, après avoir essayé d'allumer un feu dans sa hutte pour se réchauffer...

Le second aspect est d'ordre matériel. Plus précisément, il s'agit de la précarité menstruelle. Elle existe en Europe occidentale, mais on la retrouve à des échelles beaucoup plus importantes en Afrique, en Asie et en Amérique latine.

Au Bangladesh, les protections hygiéniques coûtent par exemple très cher et les familles ne peuvent pas s'en procurer. Les filles sont donc contraintes d'utiliser des vieux morceaux de papier ou de feuilles sans la possibilité de se changer régulièrement, ce qui peut provoquer de graves infections.

Comment expliquer que, même dans les pays les plus industrialisés, la précarité menstruelle et la stigmatisation sociale perdurent, au point de faire manquer l'école à certaines jeunes filles ?

Même si l'échelle n'est pas la même, on retrouve aussi un fort taux de stéréotypes en France. Selon notre enquête, plus de la moitié des jeunes filles françaises interrogées (55%) considèrent que les règles restent un sujet tabou à l'école.

Ces croyances, idées reçues et peurs proviennent principalement d'un manque de connaissance. En Afghanistan, plus de la moitié des filles découvrent par exemple l'existence des règles lors de leurs premières menstrues. Au Malawi, ce chiffre passe à 82% ! En Inde, une fille sur dix pense que les règles sont une maladie.

Quels sont les différents leviers d'action que vous mettez en place pour y remédier ?

Notre approche est d'accorder une place primordiale à l'éducation. Sur le terrain, nous intervenons auprès des parents, mais également des communautés et du personnel scolaire. L'objectif est de favoriser une communication positive autour des règles, afin qu'elles ne soient plus synonymes de tabou et de honte.

Plan International met des opérations de sensibilisation pour expliquer aux jeunes filles comment leur corps fonctionne, leur expliquer que les règles sont un phénomène naturel, qu'elles n'en doivent pas en avoir honte ou peur. Nous intégrons également les jeunes garçons dans ces programmes, afin que la société dans son ensemble bénéficie de cette éducation. En effet, les stéréotypes sont souvent véhiculés par les garçons. Il est donc essentiel de les intégrer pour lutter contre ce phénomène d'exclusion et de moquerie.

Nous agissons aussi sur l'aspect santé et matériel, avec des installations sanitaires propres et dans lesquels les filles peuvent se rendre en toute sécurité. Nous organisons également des ateliers pour fabriquer ses propres protections périodiques ainsi que des sous-vêtements réutilisables afin de garantir aux filles et aux jeunes femmes une meilleure gestion de leurs règles. C'est également une manière de réduire la pollution liée aux protections jetables.

Comment pouvons-nous agir à notre échelle, en tant que citoyens, pour aider à lutter contre ce fléau ?

Il y a bien sûr la possibilité de faire un don aux ONG comme la nôtre qui militent pour cette cause, que ce soit sous forme financière ou matérielle, par exemple en donnant des protections périodiques. Il existe également des initiatives citoyennes comme le projet "Changeons les règles", lancé par la jeune femme Horoh en Ile-de-France avec le groupe de bénévoles "Le plan des jeunes" et que Plan International France soutient.

Il s'agit d'ateliers ludiques, informatifs et collaboratifs organisés dans les lycées d'Ile-de-France pour aborder la question de la santé menstruelle : arbres des préjugés sur les menstruations des jeunes filles et femmes dans les pays en développement, cartes à jouer pour comprendre le cycle menstruel, etc.

Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?