Rodez. La seconde main s’est fait sa place dans les placards des Aveyronnais

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  • La boutique les Jolies Fripes a ouvert en 2021.
    La boutique les Jolies Fripes a ouvert en 2021. Photos José A. Torres
Publié le
Anaïs Arnal

La seconde main a le vent en poupe. Longtemps cantonnée à l’automobile, l’ameublement, l’électroménager ou l’électronique, l’occasion se pratique aussi désormais dans l’univers du textile. Liée à l’augmentation du coût de la vie, mais aussi à une prise de conscience écologique des consommateurs, et favorisée par l’émergence de sites internet permettant de revendre et d’acheter entre particuliers, cette tendance pousse l’industrie textile à se réinventer et voit naître, aux côtés d’enseignes franchisées fragilisées par la concurrence du e-commerce, des boutiques indépendantes spécialisées et autres friperies qui vantent une mode éthique et durable.

Avant, quand on faisait du tri dans ses placards, on donnait les vêtements que l’on ne portait plus à des membres de la famille, des amis ou des associations. Maintenant, le premier réflexe est d’essayer de les vendre. "Les sites comme Vinted ou Vestiaire Collective nous concurrencent, explique Véronique Magnaux, responsable de la communauté Emmaüs à Rodez et Villefranche-de-Rouergue. Les dons des particuliers diminuent et sont moins qualitatifs. Or, c’est le travail de nos compagnons de récolter, trier et revendre. C’est ce qui nous fait vivre, notre seul moyen de subsistance car nous n’avons aucune subvention d’État."

Le fléau de la mode jetable

Outre ces sites internet de vente de particuliers à particuliers, la grande distribution et les géants du prêt-à-porter ont flairé le filon et se sont enfoncés dans la brèche en créant des corners dédiés aux produits de seconde main ou en récupérant les vieux habits de leurs clients en échange de bons d’achat… pour racheter du neuf ! Un parfait exemple de greenwashing. Derrière l’ambition affichée de s’inscrire dans une démarche écologique et vertueuse, ces enseignes s’emparent de ce nouveau levier de croissance, poussant à la consommation, notamment les jeunes qui ont un faible pouvoir d’achat.

Ces derniers ne peuvent qu’être séduits par la fast fashion, ses marques qui peuvent sortir jusqu’à 36 collections par an, contre 4 pour une enseigne de mode classique. Elles proposent de nombreux modèles tendances à petits prix qui permettent de renouveler sa garde-robe très régulièrement. Mais pour quelles conséquences sociales et environnementales ? "On achète trop d’habits, pas chers, que l’on porte peu car ils sont souvent mal taillés et sans tenue. Résultat : on revend ou on jette. Quel gaspillage !, s’offusque Solange Solier qui tient le dépôt-vente Parallèle à Rodez depuis près de trente ans. Il vaut mieux avoir moins de choses dans ses placards, mais du qualitatif qui tient la route." Un avis partagé par Malika Varennes qui a ouvert la friperie C’est Rococo à Rodez il y a un an : "Quand on voit que des marques comme Shein vendent une robe à 5 € et font encore de la marge dessus, au secours ! Ce sont des vêtements jetables, confectionnés par des mineurs qui travaillent 12 heures par jour pour un salaire de misère. On le sait, mais on ferme tous les yeux."

Une frange de plus en plus large de la jeune génération, sensibilisée aux enjeux écologiques, trouve son bonheur dans les boutiques de seconde main vintage du centre-ville de Rodez qui vendent des vêtements et accessoires des années 1960 à 2000. Les prix sont parfois équivalents à des articles neufs, mais cela correspond au nouveau style vestimentaire des adolescents, qui leur offrent une deuxième vie. "Les parents n’en reviennent pas de les voir piocher dans leurs placards, raconte Malika Varennes. Nous sommes des brocanteurs de la fringue. Un vêtement, c’est comme un meuble, plus il est ancien, plus il a de la valeur. Un meuble Louis XV ne peut se vendre au prix d’un meuble Ikea. Une robe des années 1950 ne coûtera jamais 20 €."

L’aubaine de la seconde main

Autrefois, on produisait moins qu’aujourd’hui et avec le succès des vêtements d’occasion, certaines pièces particulièrement recherchées se font rares et donc chères. "On peut voir des t-shirts à 50 € pièce. Et certaines chaînes de friperie vendent le kilo de vêtements à 45 €, c’est abusé", s’insurge Malika Varennes. Des commerçants voient dans la seconde main une aubaine : "Certains viennent acheter chez Emmaüs à petit prix pour revendre deux à trois fois plus cher, constate Véronique Magnaux d’Emmaüs. Mais le soleil brille pour tout le monde et, heureusement, nous avons des fidèles de nos salles de vente, sensibles à la cause, à nos valeurs et à notre travail."

Comme toutes les modes, la seconde main a ses travers. Acheter d’occasion ne veut pas forcément dire être dans la sobriété, au contraire. Cela constitue pour certains une manière de se déculpabiliser… et de consommer encore plus. Or, si l’on accumule les produits, même d’occasion, les bénéfices sont nuls. "Moins c’est cher, plus on achète, déplore Marion Donnet, à la tête de la friperie vintage Les Jolies Fripes à Rodez. Il faut faire attention, être moins impulsif, réfléchir avant d’acheter et toujours se demander si on en a vraiment besoin de cet article." Un questionnement qui permet de passer du statut de consommateur à celui de "consom’acteur".

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