Marcillac-Vallon. Vallon de Marcillac : Jean-Luc Matha, aussi naturel et authentique que son vin

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  • Jean-Luc Matha parle avec le cœur lorsqu’il s’agit d’évoquer sa passion.
    Jean-Luc Matha parle avec le cœur lorsqu’il s’agit d’évoquer sa passion. Centre Presse - José A. Torres
Publié le
Julia Hult

Jean-Luc Matha, vigneron du territoire du marcillac, installé à Bruéjouls, philosophe à ses heures, se livre sans retenue sur sa région, sa passion, sa famille et le dérèglement climatique avec une "parole libérée", éponyme d’une de ses cuvées.

Avant de rencontrer Jean-Luc Matha, chez lui à Bruéjouls, je ne me doutais pas que je repartirais de son domaine la tête pleine de réflexions philosophiques et spirituelles. Je savais que je serais informée de l’histoire de Marcillac, que nous parlerions œnologie, vin nature et que nous visiterions son domaine, en conclusion de l’entretien. Mais, j’étais loin de m’imaginer que nous aborderions des sujets comme le dérèglement climatique, son fils, ou même sa foi et sa spiritualité. Plus on l’écoute, plus on a l’impression de dérouler une bobine de mots, beaucoup plus fournie et longue que ce qu’on attendait.

Nous connaissons Jean-Luc Matha par ses vins en AOC Marcillac, son domaine à Bruéjouls, sa transition vers un mode de production plus sain… Mais Jean-Luc Matha, vigneron depuis toujours, est un homme spirituel, serein, un homme d’"énergie", qui a évolué tout au long de sa vie, genoux dans la terre, proche de ses vignes. Il décrit son vin tel un artiste qui décrit son œuvre, car il est un vigneron de passion. Jean-Luc Matha est une figure emblématique de la région. Un "sage" qui mène aujourd’hui " la vie paisible ".

Il y a beaucoup de vignerons intéressés qui font du vin pour le profit ; ils sont violents avec leur vigne, leur vin.

Depuis toujours, il est soucieux de préserver la nature et la biodiversité. C’est un ami qui lui a donné le "déclic". " Il m’a ouvert les yeux, paradoxalement à sa cécité, avoue-t-il. J’ai toujours été soucieux de la nature, de la terre, de ma vigne et de mon vin. Être en nature, aujourd’hui, c’est la vie éternelle. "

Le vin nature, une philosophie

Jean-Luc Matha parle de "philosophie" quand il aborde le sujet du vin nature, car, pour lui, travailler ainsi, c’est adhérer à un mode de vie, à une façon de penser. Droit dans ses bottes, bretelles bien attachées et remontées, c’est genou au sol, dans la vigne qu’il se sent à sa place. "Mes vignes, c’est ma vie. Je suis le seul ferment de mon vin", remarque-t-il amusé. Le vin dit "nature" est issu de raisins cultivés en agriculture biologique ou biodynamique. Ils sont cueillis en vendanges manuelles et vinifiés, ensuite, sans produits de synthèse ou chimique. Les vignerons en nature sont des gens soucieux du dérèglement climatique et s’inquiètent sur la prospérité de la planète. Ils adhèrent à la même philosophie : faire mieux pour les générations futures en produisant du vin d’une manière plus éthique et responsable. "La philosophie du "nature", c’est notre âme, c’est la passion, la bienveillance et l’amour. C’est aimer son prochain, protéger les personnes qui travaillent dans les vignes, celles qui habitent à côté, ceux qui vont boire notre vin et, bien entendu, la faune et la flore environnantes. C’est une réelle prise de conscience."

Et de poursuivre : "Il y a beaucoup de vignerons intéressés, qui font du vin pour le profit ; ils sont violents avec leur vigne, leur vin. Ceux qui se vantent de travailler en agriculture raisonnée ne sont pas raisonnables selon moi, c’est une fumisterie sans nom. Mes vignes ne sont pas à l’ombre. Sur les coteaux, en hauteur, elles profitent du spectacle que leur offre la nature."

Jean-Luc Matha est un passionné, un vrai artiste, il parle de son vin comme s’il en oubliait le dur labeur qui se cache derrière chaque bouteille réalisée. "Le cœur du vigneron met des années à se façonner. Ce n’est pas un métier facile, mais je n’aurais rien voulu faire d’autre. Un jour, cueillez la vigne, sentez-la, comprenez-la et aimez-la. Je suis mes vignes, je suis mon vin", sourit-il.

Un rôle de transmetteur

Son père lui a inculqué des valeurs qu’il tente de suivre dans son quotidien, jour après jour. " Mon père est parti beaucoup trop tôt. C’était un homme fabuleux, je m’inspire souvent de lui et de ses dires. Il m’a transmis le plus beau don du monde, celui de l’observation, de la contemplation. J’espère que mon fils, que j’aime plus que tout, pourra dire la même chose de moi quand je serais parti ", confie-t-il ému. Il insiste régulièrement sur la confiance en soi et sur le besoin de croire en ses rêves et en son instinct. Il pense que pour aimer son prochain et faire le bien, il faut s’aimer soi-même avant tout. Il aime son fils unique plus que tout et en est très fier. Il y a de quoi. Hugo est un jeune créateur et designer dans le secteur de la mode et a travaillé notamment dans la création des uniformes du célèbre hôtel de Crillon, à Paris.

Un dérèglement climatique qui inquiète

Plus tard, il reprendra l’entreprise sans y passer la plupart de son temps, car Hugo n’aspire pas à être vigneron. Mais père et fils souhaitent garder le domaine dans une envie de " préserver l’esprit de Marcillac ", de " garder l’authenticité de leurs vins" et de "l’héritage somptueux" de leurs vignes.

" Hugo ne veut pas devenir vigneron. Ce sera sûrement Quentin et Sylvain, les deux employés du domaine en qui j’ai confiance, qui s’en occuperont quand je ne pourrais plus. Ils travaillent en adéquation avec ma philosophie de vie. Le même respect, la même vision des choses. Notre vin nous ressemble, il est généreux, énergétique, humble ", argumente le propriétaire.

Soucieux de l’environnement, Jean-Luc Matha a évolué au rythme du dérèglement climatique que la terre subit depuis des années. Comme beaucoup de vignerons, il a effectué une transition vers le vin nature dans un souci de l’avenir et de préservation de la biodiversité. Son authenticité et sa proximité directe avec l’environnement l’ont poussé dans cette direction. " Quand on travaille en fonction des saisons qui se ressentent de moins en moins, c’est dur de s’y retrouver et de ne pas remarquer cette impressionnante différence au fil des années. Un février à 28 degrés, ce n’est pas normal ", reproche-t-il.

" J’ai toujours gardé la foi, en Dieu et en moi. Quand mes vignes souffrent, je suis leur racine. Nous survivons grâce à l’énergie que je leur donne et grâce à celle de Marcillac ", s’enthousiasme-t-il.

Son métier étant dépendant du climat, il a rapidement observé et compris que la situation devenait de plus en plus alarmante. " Il y a moins d’eau, moins d’évolution. Nos vignes sont stressées. Les oiseaux se perdent, ne savent plus quand faire leurs nids, ou leurs bébés. Les vignes, la faune et la flore sont déstabilisées, la nature entière se perd ", explique-t-il.

" Pour les années à venir, personne ne sait comment ça va se passer. Ce sera sûrement plus dur pour tout le monde, pas seulement pour les vignerons."

Mais, Jean-Luc Matha est un optimiste, un croyant, un fervent défenseur de la loi de l’attractivité. Il ne désespère pas et croit en les générations futures pour faire mieux.

"Je veux penser vers le bien et manifester du positif, malgré mes inquiétudes. C’est comme ça que le bien arrive, en l’attirant", remarque-t-il avec une certaine assurance.

Deux jours de dégustation et de partage

Le vigneron participe, dimanche 19 et lundi 20 juin, au salon du vin nature "Contrastes", qui se déroule aux anciens haras de Rodez.Un salon organisé par l’association Terres de Gaillac qui réunit vignerons et vigneronnes du Sud-Ouest pour promouvoir entraide, convivialité et solidarité. Ils présenteront tous leurs vins authentiques et vivants autour de deux jours de partage. "Ce salon du vin nature, c’est le futur", certifie Jean-Luc Matha.
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