Non, les lecteurs ne préfèrent pas les livres écrits par des auteurs blancs

  • Si le monde du livre se féminise, il reste encore majoritairement blanc.
    Si le monde du livre se féminise, il reste encore majoritairement blanc. nikkimeel / Getty Images
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ETX Daily Up

(ETX Daily Up) - Le milieu de l'édition est souvent critiqué pour son manque de diversité. Certains défendent cet hermétisme et l'absence de pluralité des récits qui en découle en invoquant les préférences des lecteurs. Une théorie que contredit vivement une nouvelle étude américaine.


89 % des livres de fiction publiés en 2018 ont été écrits par des auteurs blancs, selon le New York Times. Cette monochromie a été récemment mise en lumière à travers le mouvement #PublishingPaidMe. De nombreux écrivains anglophones se sont servis de ce hashtag pour révéler le montant des à-valoir qu'ils ont perçus avant la publication de leur manuscrit. Force est de constater qu'ils varient énormément en fonction de la couleur de peau de l'auteur.

Si le monde du livre se féminise, il reste encore majoritairement blanc. Certains disent que ce manque de diversité est intimement lié aux réalités du marché du livre. Ils affirment que les lecteurs se détournent des littératures produites par des "minorités" et des femmes, comme si elles ne pouvaient avoir une résonance universelle.

Aucune justification à l'homogénéité du monde du livre

Les chercheurs américains Dana Weinberg et Adam Kapelner affirment, au contraire, que les mordus de littérature sont friands de récits faisant entendre de nouvelles voix. Ils ont demandé à plus de 9.000 personnes utilisant Amazon Mechanical Turk (MTurk), un service du géant américain Amazon, d'évaluer trois livres fictifs sur la base de leur couverture et de leur description. Cette dernière contenait des informations sur leurs auteurs, fictifs eux aussi, ainsi qu'une photo d'eux.

Les scientifiques du Queens College ont constaté que le genre de l'écrivain n'avait aucune incidence sur l'intérêt que les participants de l'étude portaient à leur livre. Ils étaient aussi très enthousiastes à l'idée de lire un ouvrage écrit par un auteur noir. La preuve, les répondants se disaient même prêts à payer un peu plus pour les acheter. "Cette différence apparemment minime dans le prix du livre peut se traduire par une différence de rentabilité substantielle durant son cycle de ventes", peut-on lire dans l'étude, récemment publiée dans la revue PLOS One.

Pour Dana Weinberg, aucun argument commercial ne peut être utilisé pour justifier l'homogénéité du monde de l'édition. "Ce que notre étude montre, c'est qu'il existe un intérêt et un appétit" pour les livres d'auteurs noirs et féminins, a-t-elle déclaré au magazine Quartz. "Il n'y a donc vraiment aucune justification à [leur] exclusion".

Les préjugés sexistes ont la dent dure

Mais cela ne veut pas dire que les lecteurs n'ont pas des préjugés (plus ou moins conscients) à l'encontre de certains écrivains. Surtout lorsqu'ils sont jeunes. Les participants de l'étude de Dana Weinberg et d'Adam Kapelner estimaient que les auteurs appartenant à la génération Y, celle des fameux millennials, étaient moins aguerris que leurs aînés. Cet a priori ne les décourageait toutefois pas de vouloir acheter leur livre.

La question est plus compliquée lorsque l'on s'intéresse à la littérature écrite par des femmes. La journaliste Mary Ann Sieghart affirme, dans son livre "The Authority Gap", que les autrices ont souvent tendance à être moins prises au sérieux que leurs confrères. Elle a constaté que, si les femmes sont disposées à lire des ouvrages écrits par un auteur du sexe opposé, les hommes le sont beaucoup moins. Parmi les dix écrivaines les plus vendues (dont Jane Austen, Danielle Steel et Jojo Moyes), seuls 19 % de leur lectorat sont des hommes, contre 81 % de femmes. Cette asymétrie est bien moins marquée pour leurs homologues masculins, avec 55 % de lecteurs masculins et 45 % de femmes pour les dix auteurs les plus vendus.

Pour les encourager à dépasser ce biais sexiste, les organisateurs du prix Women's Prize for Fiction ont conçu une liste de dix romans écrits par des femmes. De quoi ouvrir les imaginaires tout en faisant entendre des voix que l'on a longtemps fait taire.

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