Aveyron : les entreprises de BTP jouent leur avenir après l'été

  • Hausse des coûts des matériaux, pénurie de contrats, le bâtiment victime d’un effet ciseau.
    Hausse des coûts des matériaux, pénurie de contrats, le bâtiment victime d’un effet ciseau. Archives Centre Presse - José A. Torres
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Les nuages s’amoncellent sur le BTP qui, s’il doit pouvoir résister jusqu’au mois d’août, attend de l’État des décisions urgentes quant à la hausse du prix des matériaux et du carburant pour espérer garder la tête hors de l’eau. 10 % des emplois privés en Aveyron sont concernés.

Hausse du coût des fournitures à tous les étages, donneurs d’ordre frileux face à un contexte économique tendu… Le secteur du bâtiment et des travaux publics navigue en eaux troubles, en tout cas dans le brouillard, privé de perspectives claires pour les semaines qui viennent. 

En chiffres

3 054 entreprises de BTP sont recensées en Aveyron. Ce qui représente 15 % des établissements privés du département.
1 121 entreprises ont au moins un employé, ce qui représente 10 % des établissements employeurs en Aveyron.
6 409 salariés travaillent dans le BTP en Aveyron, soit 10 % de l’effectif total salarié en Aveyron.


Des problèmes dès septembre

La situation n’est pas nouvelle, mais elle s’amplifie de mois en mois. À telle enseigne que « la deuxième partie de l’année suscite de vives inquiétudes », lâche Robert Hyronde, secrétaire général de la Fédération du bâtiment et des travaux publics de l’Aveyron (FBTP12). « Les entreprises de construction peuvent assurer un bon niveau d’activité jusqu’à fin juillet, parce qu’elles comblent encore les retards accumulés depuis la crise du Covid et que des chantiers signés en 2019 se font actuellement… Mais au-delà des vacances d’été, la situation va se compliquer, des tensions sont à craindre sur la fin de l’année, notamment pour les entreprises les plus fragiles. On en verra, pour tous, les effets au premier semestre 2023 avec des entreprises qui ont épuisé leur trésorerie et qui doivent rembourser, en pleine crise, les PGE, prêts garantis par l’État. Elles seront prises par un effet ciseau entre la pénurie de contrats et la hausse du coût des matériaux… »

Une hausse qui s’apprécie au mois le mois entre 5 et 8 % pour de nombreuses matières premières comme les métaux, le ciment, ou encore le bois. Alors les coûts s’envolent et les entreprises ne parviennent pas forcément à les répercuter sur les devis et contrats… quand elles peuvent en avoir.

Commande publique en berne

« On se heurte toujours à une faiblesse inédite de la commande publique depuis les dernières élections municipales de 2020, explique Robert Hyronde. Ce n’est pas catastrophique mais résolument inquiétant, les communes devraient au bout de deux ans avoir eu le temps de s’installer et de poursuivre leurs projets. Et on peut avancer qu’en Aveyron, les communes ne sont pas vraiment surendettées. Non, en fait elles sont inquiètes face à toutes ces hausses de coûts… Et nos entreprises, clairement, n’arrivent pas à passer des contrats à l’économie. La météo des affaires est mauvaise et se solde par nombre de projets ajournés. »

Travaux publics sous tension

Cette commande publique représente 30 à 40 % du secteur du bâtiment et 70 % du secteur des travaux publics, dont les perspectives sont encore plus sombres. « Aucun chantier ne sort actuellement pour les TP, il y a une forte tension sur ce secteur d’autant que les délais de réalisation sont plus courts que pour le bâtiment. De fait, les contrats doivent s’enchaîner plus vite et ce n’est pas le cas ».

Matériaux et spéculation : « L’état doit siffler la fin de la récréation »

Président de la FBTP12, Daniel Druilhet a tout récemment rencontré, aux côtés de ses instances nationales, les dirigeants des groupes Arcelor-Mittal et Saint-Gobain au sujet de la hausse du prix des matériaux de construction. Il n’hésite pas à parler de «spéculation pure et scandaleuse ». Et d’expliquer : « Cela fait huit mois que l’on avertit les pouvoirs publics sur cette spéculation, que l’on demande des mesures pour y mettre un terme et que l’on ne voit rien venir. La guerre en Ukraine a bon dos : l’alu, le bois, les plaques de plâtre n’ont rien à voir avec l’Ukraine ». Comment se défendent les grands fournisseurs ? « Ils nous ont dit que c’est normal car ils risquent de subir des pertes en 2023 et qu’ils se doivent d’engranger des bénéfices aujourd’hui. Et nous répondent en fait : “c’est comme ça, débrouillez-vous !” Il est urgent que l’État siffle la fin de la récréation ! ».


Daniel Druilhet garde espoir que « certains nouveaux députés comprennent la situation, alors que, jusqu’à présent, seule l’économie réelle tirait la sonnette d’alarme sur cette spéculation sans être entendue ». Et le charpentier de Flavin de plaider pour, à ses yeux, une solution de bon sens quant au coût de certains produits : suspendre les normes européennes contraignantes sur la performance des matériaux. « Sur les marchés publics par exemple, nous sommes obligés de mettre en œuvre du bois certifié PEFC, alors que l’on pourrait se fournir moins cher localement en Aveyron ou en Europe de l’Ouest où l’on sait gérer la forêt de façon durable ».

Agir sur les taxes, pas sur les aides

Robert Hyronde reconnaît que, entreprises ou collectivités, « les inquiétudes sont légitimes de part et d’autre ». Dès lors, quelles solutions avancer ? « La seule solution est que l’État s’en mêle par des moyens de pression contre les profits immédiats. Tant sur les matériaux que sur les carburants, à commencer par le gazole non routier, le GNR, où l’aide accordée par l’État est basée sur 0,125 % du chiffre annuel de l’entreprise. Concrètement cela représente pour la moyenne de nos entreprises, notamment dans les travaux publics, 2 000 à 2 500 euros une fois pour toutes ». Soit une semaine de consommation pour une seule pelle mécanique… « Les transporteurs sont mieux aidés que nous, mais nous ne voulons pas opposer les professions. Il faut que les taxes baissent pour tout le monde. On ne demande pas des aides, mais une vision globale de la situation, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui avec des mesures parcellaires qui se rajoutent ici ou là au-delà de toute cohérence avec les capacités économiques ».


Pour la FBTP12, « à part l’État personne ne peut faire quelque chose, intervenir auprès des grands fournisseurs et industriels dont on dépend. Le gouvernement doit prendre la mesure du problème. À ce jour, cela dit, nous n’avons toujours pas de ministre des Transports ou du Logement. Seront-ils nommés dans le prochain gouvernement ? Il est urgent de s’en préoccuper ».
D’autant plus urgent qu’il en va « d’un fort risque de chômage parmi les 6 500 salariés du BTP en Aveyron », prévient Robert Hyronde.

Le prix des terrains s’ajoute à la crise

Dans cette hausse générale des tarifs, celui des terrains à bâtir n’est pas en reste. «C’est un fort facteur de renchérissement des coûts, alerte Robert Hyronde. C’est même assez monstrueux dans le budget de ceux qui veulent faire construire leur maison ». Et qui sont à même de renoncer quand une habitation de 90 m2 coûte aujourd’hui 240 000 €, le prix d’un 130 m2 d’avant crise. Le prix des terrains s’envole car les PLUI des communes sont contraints par la réglementation et la chasse désormais à l’artificialisation des sols. « Les communes, de fait, réduisent de 50 % leurs surfaces constructibles, alors que l’on pourrait utiliser de l’espace en Aveyron pour revitaliser les villages. De plus, les jeunes ménages ont tendance à s’éloigner de leurs lieux de travail pour trouver un terrain moins cher.Et utilisent leur voiture d’autant plus, ce qui est une aberration écologique. Ne pourrait-on pas faire du cousu main au niveau départemental face à ces contraintes ? »

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