Pouvoir d'achat, retraites… Ce qu’il faut retenir du discours de politique générale d'Elisabeth Borne

  • Le pouvoir d'achat sera la premier projet de loi porté par le gouvernement d'Elisabeth Borne.
    Le pouvoir d'achat sera la premier projet de loi porté par le gouvernement d'Elisabeth Borne. Repro CPA
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Centre Presse Aveyron

La Première ministre a tenu ce mercredi son discours de politique générale devant les députés. Face à une Assemblée nationale où son gouvernement n'a pas la majorité absolue, elle a appelé les oppositions à "bâtir ensemble" des "compromis".
 

Élisabeth Borne a passé son grand oral. La Première ministre a tenu son discours de politique générale à l’Assemblée nationale, ce mercredi. Dans un exercice qui peut s’avérer périlleux, elle a détaillé les grandes orientations de son gouvernement pendant plus d’une heure face à des élus, souvent agités. Un discours qui lui ressemble, un discours de conviction​, selon son entourage. Une déclaration de politique générale, c’est un moment de vérité​, a dit Élisabeth Borne.

Alors qu’elle ne bénéficie que d’une majorité relative à l’Assemblée nationale, Élisabeth Borne s’est présentée comme une infatigable bâtisseuse ​des majorités de projet​. Tout au long de son discours, elle a d’ailleurs cité tous les présidents de groupe à l’Assemblée (sauf ceux du RN et de LFI), comme un signe que la porte du dialogue était ouverte. 

Les Français nous invitent à des pratiques nouvelles, à un dialogue soutenu, à la recherche active de compromis​, a-t-elle déclaré en évoquant l’urgence du contexte politique et international avec notamment la guerre en Ukraine et ses conséquences. Face à de tels défis, le désordre et l’instabilité ne sont pas des options. Nous ne sommes peut-être pas d’accord sur toutes les solutions mais nous avons conscience de la nécessité d’agir​, a-t-elle poursuivi sous les applaudissements des députés de la majorité.

« Le compromis ce n’est pas se compromettre »

Toujours sur le même sujet, Élisabeth Borne a insisté : Le compromis ce n’est pas se compromettre, c’est être capable de faire chacun un pas vers l’autre. Bâtir ensemble ne signifie pas renoncer à son identité. Une majorité relative n’est pas et ne sera pas le synonyme d’une action relative​, poursuit-elle. Elle a rappelé que les avancées du gouvernement Rocard, comme le RMI (revenu minimum d’insertion), alors qu’il n’avait pas la majorité absolue au Parlement non plus.

La Première ministre a aussi un peu parlé d’elle. Je n’ai pas le complexe de la femme présidentielle […] Mon parcours n’a suivi qu’un fil rouge : servir. Je ne suis pas une femme de grandes phrases et de petits mots. Je crois en trois choses : l’écoute, l’action et les résultats​, a-t-elle déclaré face aux railleries des députés des oppositions.

Nous sommes prêts à entendre les propositions de chacun, à en débattre. Et si nous partageons les valeurs, à amender notre projet​, a assuré Élisabeth Borne. Elle a aussi évoqué l’idée du Conseil national de la refondation voulu par Emmanuel Macron.

Des mesures pour le pouvoir d’achat

Sur le fond, la Première ministre a fixé cinq priorités. D’abord le pouvoir d’achat, alors que le Conseil des ministres doit examiner jeudi un projet de loi sur le sujet. Nous vous proposerons de protéger le bouclier tarifaire sur le gaz et l’électricité, de revaloriser les retraites et les prestations sociales, de revaloriser les bourses sur critères sociaux et d’aider les travailleurs pour lesquels la voiture est une nécessité​, a présenté la Première ministre, se disant ouverte aux amendements. Elle a aussi évoqué un plafonnement des loyers et le chèque alimentation.

Sur l’économie, Élisabeth Borne a dit vouloir ramener le déficit sous les 3 % en 2027 grâce à une croissance forte et durable​. L’équilibre de nos finances publiques est une question de souveraineté​, a-t-elle dit, en regardant notamment du côté des députés Les Républicains. Pas de hausses d’impôts​, a-t-elle encore promis. La Première ministre a évoqué la suppression de la redevance audiovisuelle et la réforme du financement de l’audiovisuel public.

Plein-emploi et réforme des retraites

Puis Élisabeth Borne a mis l’accent sur le travail et a fixé l’objectif de plein-emploi. Le plein-emploi est à notre portée et le travail reste un moyen d’émancipation​, a-t-elle déclaré, se félicitant du bilan du premier quinquennat d’Emmanuel Macron. Selon les chiffres du Bureau international du travail, le taux de chômage est de 7,3 % en France au premier trimestre 2022. L’ancienne ministre du Travail a évoqué les difficultés pour certains secteurs à recruter. Avec le plein-emploi, les travailleurs retrouvent le pouvoir de négocier​, a-t-elle lancé.

Elle est ensuite revenue sur la réforme du RSA (revenu de solidarité active), proposée par Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle. Ce que nous voulons c’est un équilibre entre les droits et les devoirs​, a-t-elle justifié. Élisabeth Borne a aussi évoqué la transformation de Pôle Emploi en France Travail​.

C’est grâce au plein-emploi que nous créerons de la justice et que nous pourrons financer notre modèle social​, a déclaré Élisabeth Borne avant d’évoquer la réforme des retraites. Oui nous devrons travailler progressivement, un peu plus longtemps​, a-t-elle lancé sous les huées de l’opposition et les applaudissements de la majorité. La Première ministre a annoncé une concertation à propos de cette réforme. Elle n’est pas ficelée, elle ne sera pas à prendre ou à laisser mais elle est indispensable​, a assuré Élisabeth Borne.

Apporter des "réponses radicales à l'urgence écologique"

La Première ministre qui est chargée de conduire la politique de la Planification écologique et énergétique​, a ensuite évoqué l’urgence environnementale. Il n’est plus question d’opposer les radicaux, aux partisans des petits pas. Ce mot de radicalité je le prends à mon compte​, a déclaré Élisabeth Borne tout en rejetant le concept de décroissance​.

La Première ministre annonce : Dès le mois de septembre, nous lancerons une concertation pour une loi énergie-climat. La transition écologique est l’affaire de tous. Les dirigeants des grandes entreprises doivent montrer l’exemple et leur rémunération dépendra de leurs résultats environnementaux. Nous serons la première grande nation à sortir des énergies fossiles​, a promis Élisabeth Borne, évoquant notamment les investissements dans le nucléaire. C’est une énergie décarbonée, souveraine et compétitive​, a-t-elle justifié.

Renationaliser EDF à 100%

Sur EDF, elle a annoncé qu’elle souhaitait que l’État détienne 100 % du capital de l’entreprise, contre 83 % actuellement.

Pour faire des économies d’énergie, Élisabeth Borne a promis des améliorations dans l’isolement des logements mais aussi dans les transports, notamment grâce au train. Je rends ici hommage à Jean Castex, infatigable voix des territoires qui s’est engagé personnellement pour le ferroviaire. ​Elle a aussi annoncé des mesures d’accompagnement pour la transition vers les voitures zéro-émission avec notamment la prolongation des aides à la conversion et la mise en place d’un système de location de longue durée à moins de 100 euros par mois.

Pass culture dès la 6e

Quatrième thème porté par la Première ministre : celui de l’égalité des chances et de l’émancipation. Elle a évoqué une volonté de briser les inégalités de destin, de permettre à chacun de tracer son avenir », ​mettant l’accent sur l’enfance et notamment le manque de solutions de garde pour les parents. Elle a aussi évoqué une aide pour les familles monoparentales ayant des enfants jusqu’à 12 ans.

Nous continuerons la refondation de l’école entamée lors du dernier quinquennat. Notre école c’est celle qui respecte les savoirs fondamentaux. C’est celle qui garantit l’égalité et l’excellence​, a poursuivi Élisabeth Borne. Elle a insisté sur la reconnaissance des enseignants. Nous devons mieux les associer. Nous revaloriserons leurs salaires et construirons avec eux les transformations de leur profession. ​La Première ministre a aussi évoqué des marges de manœuvre ​au niveau local. Cette concertation sera lancée dès septembre.

Sur la culture, elle propose d’étendre le pass culture dès la 6e. Soutenons la création dans l’espace physique comme numérique. ​Elle a ensuite évoqué le sport. Faisons des Jeux olympiques et paralympiques de 2024, un accélérateur de l’activité physique dans notre pays.

Modification du calcul de l'allocation adultes handicapés

Élisabeth Borne a ensuite évoqué les difficultés du secteur de la santé. La Première ministre a d’abord mis l’accent sur la prévention. Puis elle a dit vouloir soutenir les soignants​. Le Covid a mis au jour les fragilités de notre système de soins, il a aussi montré l’engagement exceptionnel de nos soignants et je veux leur rendre hommage​, a déclaré la Première ministre provoquant une ovation debout des élus de la majorité auxquels ont répondu certains députés de la Nupes en criant Hypocrites​. Elle évoque le lancement de concertations dès septembre ​pour lutter contre les déserts médicaux.

La Première ministre annonce qu’une conférence nationale sur le handicap se déroulera début 2023. Mon gouvernement réformera avec vous l’allocution adulte handicapé​, a annoncé Élisabeth Borne. Elle a notamment dit vouloir déconjugaliser cette allocution.

Sécurité et justice

Élisabeth Borne a ensuite évoqué les territoires. À propos de la Corse, Élisabeth Borne s’est dite prête à ouvrir tous les sujets y compris institutionnels​. Elle explique aussi vouloir lutter contre la fracture numérique. Nous continuerons la modernisation de l’État​, dit la Première ministre. Elle évoque la revalorisation du point d’indice, la plus importante depuis quarante ans​. Elle dit entendre les craintes, les doutes et les colères ​des Outre-mer. Nous leur répondrons​, a-t-elle promis. À propos de la Nouvelle-Calédonie, Élisabeth Borne a rendu hommage à l’action d’Édouard Philippe.

Le combat pour la sécurité est un combat pour l’égalité ​a lancé Élisabeth Borne. Elle a rendu hommage aux forces de l’ordre et a taclé ceux qui attaquent la police. Mon gouvernement proposera une loi d’orientation du ministère de l’Intérieur. Il ne doit pas y avoir de zones blanches de la sécurité​, a-t-elle poursuivi, annonçant la création de 200 nouvelles brigades de gendarmerie. Nous doublerons le temps de présence des forces de l’ordre sur le terrain d’ici 2030​, a-t-elle promis. Sur la justice, elle assure vouloir agir pour que chaque peine soit exécutée​.

Elle évoque ensuite la lutte contre les violences sexuelles et sexistes. C’est mon combat, je l’ai porté comme préfète, je le porterai comme Premier ministre. ​Elle a rappelé que l’égalité entre les femmes et les hommes était la grande cause du quinquennat​.

« Une France plus forte dans une Europe plus indépendante »

Enfin, Élisabeth Borne a évoqué les souverainetés​. La souveraineté ce n’est ni le repli sur soi, ni l’exclusion​, a-t-elle précisé. La Première ministre a vanté une Europe plus forte ​puis plus indépendante ​pour une France plus forte​. À propos de la dépendance aux énergies russes, nous gagnerons notre souveraineté grâce au nucléaire et aux énergies renouvelables​. Elle a expliqué vouloir supprimer la CVAE (Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises) puis a évoqué les investissements dans le cadre du projet France 2030​.

Élisabeth Borne a ensuite évoqué la souveraineté alimentaire. Bâtissons ensemble une loi d’orientation et d’avenir pour l’agriculture qui permettra de faire émerger une nouvelle génération d’agriculteurs.

Sur l’immigration, elle dit vouloir renforcer les contrôles aux frontières tout en continuant à respecter le droit d’asile. Nous allons simplifier et moderniser les procédures. Disposer d’un titre de séjour en France impose de respecter ses lois​, a encore lancé la Première ministre.

Pour conclure, Élisabeth Borne a rendu hommage aux armées, provoquant pour la seule fois du discours l’unanimité dans l’Assemblée, puisque tous les élus se sont levés pour applaudir. Elle annonce une nouvelle loi de programmation militaire et veut accroître la réserve. Nous renforcerons le lien armée-nation.

« Je le dois à la République »

La confiance ne se décrète pas a priori, elle se construira texte après texte​, a encore déclaré Élisabeth Borne, alors qu’elle a décidé de ne pas se soumettre à un vote de confiance à l’Assemblée nationale, une première pour un chef de gouvernement depuis 1992.

La Première ministre a enfin conclu sur une note plus personnelle. Si je suis ici devant vous, Première ministre de la France, je le dois à la République. C’est elle qui m’a tendu la main en me faisant pupille de la nation alors que j’étais cette enfant dont le père n’est jamais vraiment revenu des camps. […] C’est elle à qui je veux rendre un peu de ce qu’elle m’a donné. ​Elle a ensuite cité les premières femmes députées, Simone Veil ou encore Édith Cresson, qui a été la première femme à devenir Première ministre en 1991. Le combat continuera jusqu’à ce que l’égalité ne pose plus de questions.

Devant vous je m’engage à partager les enjeux et les contraintes, (..) à ne jamais rompre le fil du dialogue avec les groupes parlementaires, (...) je m’engage à bâtir des compromis ambitieux. (...) Bâtir ensemble, nous y parviendrons​, a-t-elle conclu.