Discours devant l'Assemblée : chahutée par LFI, Élisabeth Borne prône une ère de "compromis"

  • La Première ministre souhaite construire une "majorité de projets" sur certains textes.
    La Première ministre souhaite construire une "majorité de projets" sur certains textes. MAXPPP - Sébastien Muylaert
Publié le , mis à jour
Christelle Bertrand

Ce mercredi, la Première ministre, dans son discours de politique générale, a souhaité trouver des accords avec les autres partis politiques, mais n’a tendu la main ni au RN ni à LFI.

"C’était terriblement long, avec une avalanche de lieux communs. On est dans la continuité de la Macronie qui parle à elle-même." Le député RN Julien Odoul n’a mis que quelques secondes pour rallier l’hémicycle aux quatre colonnes où l’attendent les journalistes, ce mercredi. Élisabeth Borne vient tout juste de terminer son discours de politique générale. Une prise de parole de 1 h 28 durant laquelle la locataire de Matignon a usé, comme d’autant de mantras, des termes ensemble et compromis.

"Nous sommes entrés dans l’ère des forces qui battissent ensemble", a-t-elle assuré, par exemple. Ajoutant : "Nous voulons redonner un sens et une vertu au mot compris." Mais la Première ministre a sa définition du terme "ensemble" et n’entend pas chercher le "compromis" avec n’importe qui. "Le compromis, ça n’est pas renoncer à nos convictions (et) bâtir ensemble ne revient pas à renoncer à notre identité."

La Première ministre illustre son désir d’ouverture en citant les présidents de groupe avec qui elle entend travailler comme Olivier Marleix (LR) sur le pouvoir d’achat, Jean-Paul Mattei (Modem) sur la fiscalité, Julien Bayou (EELV) sur les énergies fossiles ou encore Boris Vallaud (PS) sur les déserts médicaux.

Une façon de montrer qu’elle a entendu leurs propositions et entend en tenir compte. Mais chaque nom provoque les rires d’une partie de l’hémicycle, d’autant qu’Élisabeth Borne évite ostensiblement de citer LFI et le RN. Un député assis non loin de Marine Le Pen finit par crier de façon ironique : "Et nous, on ne nous cite pas !!!" Élisabeth Borne dessine ainsi à gros traits la majorité qu’elle espère rassembler sur certains textes, une "majorité de projets". "Je ne suis pas une femme à me dérober devant les défis et les débats", promet-elle.

Cinq thématiques de projets

Ses projets, justement, la Première ministre les a réunis en cinq thématiques : pouvoir d’achat, travail, environnement, égalité des chances et souveraineté. Elle promet en vrac "des mesures pour protéger les Français des hausses de prix", ce qui fait hurler les élus LFI qui estiment qu’elles ne sont pas suffisantes. Nouveaux cris et claquements de pupitres lorsqu’elle annonce : "Nous devrons travailler progressivement un peu plus longtemps." Toujours à propos de la réforme des retraites, elle ajoute : "Elle n’est pas ficelée, elle ne sera pas à prendre ou à laisser, mais elle est indispensable."

Au chapitre transition écologique, la locataire de Matignon annonce que l’État s’engage "à détenir 100 % du capital d’EDF. Cette évolution permettra de renforcer sa capacité à mener des projets ambitieux." En matière de solidarité, elle promet de bâtir un service public de la petite enfance afin de pourvoir au 200 000 places manquantes et rappelle la promesse du candidat Macron de verser les aides sociales directement sur le compte en banque des bénéficiaires…

"Hypocrite, hypocrite"

Les réactions les plus vives des oppositions concernent les promesses de hausse de salaires faites aux enseignants et le soutien aux soignants. "Hypocrite, hypocrite", hurle la Nupes. Élisabeth Borne aura donc été généreusement chahutée, particulièrement par La France insoumise. Les députés RN, eux, sont restés plus sages.

Pour autant, lors de sa prise de parole en fin d’après-midi, Marine Le Pen a dénoncé un pays soumis, selon elle, à une "submersion migratoire", où prospère "un sentiment d’abandon, notamment des plus vulnérables".

Mathilde Panot, de LFI a, elle, fait mine de s’interroger : "Pourquoi nous ferions vous confiance, vous qui découvrez les profiteurs de guerre, mais ne faites rien quand Total engrange 16 milliards de bénéfices ? Vous qui présentez des mesures sociales inférieures au niveau de l’inflation ? Vous qui êtes de nouveau épinglés par le Haut Conseil pour le climat pour votre inaction climatique ? Vous qui ne faites confiance qu’aux riches et aux pollueurs ? Vous qui n’avez rien fait pour enrayer la crise des urgences et des établissements de santé dans le pays ?"

À la fin de son discours, Élisabeth Borne affirmait : "Bâtir ensemble, nous y parviendrons." Mais peut-être pas avec tous.

L'Etat veut redevenir actionnaire d'EDF à 100 %

"Je vous confirme aujourd’hui l’intention de l’État de détenir 100 % du capital d’EDF. Cette évolution permettra à EDF de renforcer sa capacité à mener dans les meilleurs délais des projets ambitieux et indispensables pour notre avenir énergétique", a déclaré ce mercredi Élisabeth Borne devant l’Assemblée. L’État détient aujourd’hui près de 84 % de l’électricien, 1 % étant détenu par les salariés et 15 % par des actionnaires institutionnels et individuels.

Le groupe, déjà fortement endetté, est confronté à de lourdes charges financières et au défi de lancer un nouveau programme de réacteurs nucléaires. Alain Marleix, le président du groupe LR, a répondu "pourquoi pas, si ce n’est pas pour le démembrer".

Sur ce sujet, Ugo Bernalicis (LFI) est également resté sceptique. "On attend de voir parce que ce sont eux qui l’ont découpé en petits morceaux. Si renationalisation, ça veut dire racheter les actions que l’on a vendues à des groupes privés au prix fort, pour qu’ils s’enrichissent au passage, ça va, on connaît déjà les opérations, a poursuivi le député. C’est-à-dire qu’au moment où c’est compliqué on renationalise et on rachète les parts et au moment où ça va bien, on privatise et on laisse le privé prendre sa part du gâteau."

M.P.