Gérard Larcher, président du Sénat : "Je tends la main au gouvernement"

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  • Gérard Larcher, président du Sénat et figure de la droite, est l'un des plus hauts personnages de l'Etat.
    Gérard Larcher, président du Sénat et figure de la droite, est l'un des plus hauts personnages de l'Etat. MaxPPP
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Propos recueillis par Manuel Cudel

Le président du Sénat nous a accordé un entretien exclusif mercredi 6 juillet, jour du discours de politique générale pour la Première ministre Élisabeth Borne.

Élisabeth Borne a prononcé ce mercredi son discours de politique générale. Quel sera votre positionnement par rapport à l’exécutif ?

Élisabeth Borne a énoncé un catalogue de réformes. Je suis prudent, parce qu’on a eu beaucoup de discours pendant le quinquennat et assez peu de réformes et d’actions. Je suis impatient, car depuis le 24 avril, le pays est atteint de la maladie du sommeil. J’attends d’abord une nouvelle méthode de gouvernance.

Le 7 mai, le Président de la République promettait de nouvelles relations avec le Parlement, avec les forces vives du pays. Il faut passer aux travaux pratiques.

Nous serons, dans ma famille politique (LR), comme dans la majorité sénatoriale, sur une ligne d’opposition, claire, indépendante, responsable. Notre boussole, c’est l’intérêt du pays. Nous ne sommes pas un anti-pouvoir, mais un contre-pouvoir.

Un contre-pouvoir au rôle accru ?

Il y a une majorité au Sénat, alors qu’il n’y en a pas à l’Assemblée. À l’Assemblée, ce sont les oppositions qui forment la majorité. Mais je tends la main au gouvernement, à la Première ministre à qui j’ai proposé une nouvelle méthode.

Pour chaque texte important, je demande que nous en discutions ensemble avant qu’il ne soit ficelé, qu’il aille au Conseil d’État et qu’il soit présenté en conseil des ministres. On en parle avant politiquement, on y associe les présidents de commission, les rapporteurs généraux, les whips (coordinateurs) et on dialogue avec les groupes de notre sensibilité, aussi bien LR que centristes, à l’Assemblée.

Je souhaite qu’on travaille ainsi texte par texte. Un certain nombre d’entre eux pourraient être vus au Sénat, en première lecture pour aller plus au fond, être moins dans le coup politique.

Comment Élisabeth Borne accueille-t-elle cette proposition de méthode ?

Je pense qu’il n’y a pas d’autre solution.

La Première ministre n’a pas souhaité se soumettre mercredi au vote de confiance. Que vous inspire ce choix ?

C’est son choix, ce n’est pas la première fois. L’absence de majorité impose plus de prudence au gouvernement. Mais ce que j’attends c’est qu’on se mette au travail, je veux des actes concrets.

LR, qui n’a pas soutenu la motion de censure de LFI, pourrait-il lui-même utiliser ce levier pendant la législature ?

Nous n’allons pas anticiper, si la situation l’imposait un jour, si quelque chose allait profondément contre nos valeurs, les députés garderont ce droit. Mais je comprends que nos amis ne souhaitent pas mêler leurs voix à cette motion de censure de LFI, la vie politique ne pas être qu’une scénarisation.

Notre pays a besoin de réformes sans tarder, plus que d’effets de manche. Attention, si l’Assemblée nationale ne devient qu’un ensemble de postures, de jeux de rôle, notre pays jugera sévèrement les choses.

Considérez-vous, comme Gérald Darmanin, le RN et LFI comme des "ennemis" ?

La démocratie ce n’est pas la guerre ! On peut avoir des adversaires, je ne suis pas sûr qu’on ait des ennemis, je n’ai rien en commun avec le LFI et le RN et je ne suis pas près de m’en rapprocher, mais les élus de la République sont tous légitimes.

Emmanuel Macron accuse l’opposition d’avoir fait échouer un projet de gouvernement de coalition. Que lui répondez-vous ?

Nous sommes clairement dans l’opposition. Nous n’avons pas le même diagnostic de la situation de la France ni même la même vision de son avenir. On parle du système à l’Allemande, là-bas cela se fait autour d’un projet écrit pendant des mois. On ne bâtit pas un projet en trois jours !

Je n’ai pas entendu le président Macron dire "mettons-nous autour d’une table pour parler d’un projet".

Si tel était le cas, vous accepteriez ?

Il ne l’a pas fait !

Vous ne craignez pas un blocage du pays ?

On va tout faire pour l’éviter, mais le blocage viendra d’abord de la manière dont se comportera l’exécutif avec le Parlement. J’appelle à une révolution culturelle de part et d’autre.

Selon ce principe, êtes-vous prêts à des compromis ?

Je pense qu’il faut construire un certain nombre de choses ensemble, par exemple une trajectoire de retour progressif de l’équilibre financier, il faut confier aux départements une responsabilité pleine et entière sur le médico- social comme il faut confier aux régions l’emploi et la santé. Je pense aussi qu’il faut aller plus loin dans la décentralisation et la débureaucratisation.

Et puis le régalien n’a pas été un succès lors du quinquennat précédent, il est temps de traiter l’insécurité et la question migratoire.

Vous faites un lien entre sécurité et immigration ?

Je ne dis pas qu’ils sont automatiquement liés mais ils ne sont pas totalement antinomiques. je pense qu’il faudra gérer ces deux questions sans tarder car les réalités sont là, la demande est forte, j’ai échangé avec la Première ministre sur le sujet. Le Parlement doit en débattre, nous devons avoir des propositions sur le sujet : quels quotas, comment réformer le droit d’asile ?

Sur tous ces sujets, je pense qu’il faut qu’on ait des discussions préalables. Je verrai la semaine prochaine la présidente de l’Assemblée nationale et j’évoquerai toutes ces questions.

Soutiendrez-vous la loi sur le pouvoir d’achat ?

On va voir ce qui est proposé et quel accueil vont avoir nos amendements. Il va falloir regarder trois choses, ces mesures sont-elles pérennes, quelles sont celles qui soutiennent le travail, je ne connais pas d’autre formule que le travail pour recréer de la richesse. Et il va falloir chercher des économies. C’est autour de cela qu’il faut travailler.

Y a-t-il pour vous des lignes rouges ?

Ne pas aggraver la situation financière du pays, la technique du chèque c’est fini, on ne peut plus. Il faut sortir de ce côté euphorisant du "quoi qu’il en coûte", qui devient "un quoi qu’il advienne". Nous avons une responsabilité à assumer pour notre pays, il faudra un peu de courage.

Appuierez-vous le texte de lutte contre le Covid-19 ?

La Première ministre nous a entretenus sur ce point la semaine dernière, on a eu le texte le matin même, ce n’est plus comme cela qu’il faudra travailler mais au moins il y a eu un échange, ce qui n’a pas été le cas pour le pouvoir d’achat.

Nous serons attentifs à la proportionnalité entre la sécurité sanitaire et les libertés. Je pense que ce texte soulèvera des débats mais qu’on pourra avancer.

Quelle réforme des retraites pourriez-vous soutenir ?

Au Sénat, nous avons voté l’allongement de la durée de cotisation, avec un objectif glissant pour l’âge de départ à la retraite jusqu’à 64 ans et la nécessité du dialogue social, notamment pour traiter des carrières longues et des métiers pénibles.

Soutiendrez-vous l’inscription du droit à l’IVG dans la constitution ?

Je suis extrêmement attaché à l’IVG, elle n’est pas en péril et je pense que la jurisprudence du conseil constitutionnel la protège de tout risque. On ne touche à la Constitution que d’une main tremblante et je ne suis pas favorable à ce qu’on la bouleverse sans avoir bien réfléchi, juste après une décision de la Cour suprême américaine. Méfions-nous des lois de pulsions.

Vous partez pour l'Ukraine où vous rencontrerez Volodymyr Zelensky. Quel message porterez-vous ?

Je vais m’exprimer devant le parlement ukrainien pour rendre hommage à ce peuple courageux, porter un message de solidarité et d’engagement de la France, évoquer avec eux la façon dont nous répondons aux besoins avec l’Union européenne.

J’y vais aussi avec un projet de convention entre nos deux assemblées pour les aider dans leur statut de candidat à l’UE. Et, en tant qu’assemblée des collectivités territoriales, nous allons développer les coopérations lancées entre les villes et parler de la reconstruction

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