Rodez. Aveyron : la belle histoire de la coopérative Jeune Montagne qui fête ses 60 ans

C’est un collectif qui a permis de réaliser cette démarche identitaire, il y avait quelques risques, " glisse avec l’humilité qui le caractérise, André Valadier, fondateur de la coopérative Jeune Montagne. Celle-ci a vu le jour à La Terrisse, en 1960, par instinct de survie au moment où les burons se fermaient. Il n’en reste alors plus qu’une trentaine sur les quelque 300 au début du siècle dernier. Les fromageries prennent alors le relais. Et les jeunes éleveurs de l’Aubrac s’inspirent du Carladez qui compte une fromagerie par commune dans les années trente, faisant de ce territoire le premier producteur laitier, pour fonder Jeune Montagne. " On a inventé le fromage pour conserver le lait ", rappelle André Valadier. Un fromage qui " supporte la traversée, à savoir la Méditerranée ", puisque Raymond Capoulade alias Capou a retrouvé des documents qui évoquent la participation du laguiole à un concours de fromage à Tunis en 1893 ! Le laguiole peut s’exporter, il bâtit d’abord son socle sur son territoire du plateau de l’Aubrac. " À côté de l’identité, il faut un CV. L’AOP (appellation d’origine protégée, NDLR) a permis d’obtenir un CV ", explique André Valadier.

L’œuvre du colonel Delassagne

Le colonel Delassagne, président du premier syndicat de défense Laguiole Aubrac, sera la pierre angulaire pour fonder la coopérative. "Il a été génial. Il privilégie le laguiole au projet Sofrola porté par la branche laitière de Roquefort que nous ignorons. Son rôle est décisif lors d’une assemblée générale en 1961 où sur 21 votants, 16 votent contre l’usage du mot laguiole. Il organise une assemblée générale extraordinaire où il vante les éleveurs et les invite à transmettre leur savoir. Le vote devient favorable." L’aventure est lancée. Dix ans plus tard, la coopérative suit la démarche du Jura et de la Savoie – "cap à l’Est", résume André Valadier – et non celle productiviste de la Bretagne. Jeune Montagne surmontera les quotas laitiers par la mise en place d’une mutuelle ainsi que l’instauration de la politique agricole Vache haute productivité qui ne correspond pas à l’Aubrac. "Cela sera salvateur. D’autant que la race aubrac est en voie de disparition, exclue du salon de l’Agriculture. Je prends l’initiative d’éradiquer 2 000 vaches prim’Holstein", confie André Valadier. La fabrication se fait avec la race simmental qui représente encore aujourd’hui 92 % du cheptel pour fabriquer le fromage laguiole. "La race simmental a sauvé le laguiole", résume le fondateur de la coopérative dont le président est aujourd’hui, l’un de ses fils, Géraud, éleveur aussi à La Terrisse. "C’est une grande fierté. André a été visionnaire. La filière nous permet de vivre et de perdurer. Il n’y a pas de filiation, je ne suis qu’un maillon de la chaîne." Un maillon qui s’apprête à célébrer ce week-end le 60e anniversaire de la coopérative et du laguiole AOP avec de nombreuses animations au programme dont un nouveau défi pour Jeune Montagne qui s’attaque au record du plus long fil d’aligot ce dimanche. "On tient à partager cet anniversaire entre producteurs et salariés, mais aussi nos consommateurs comme les touristes de passage."

Laissons la conclusion à son père, André Valadier qui a reçu vendredi un buste en cadeau lors de l’inauguration : "Jeune Montagne porte toujours bien son nom car elle garde son dynamisme. Nous avons quelques installations grâce au lycée agricole de Saint-Chély-d’Apcher qui est adhérent à l’appellation."