Conques-en-Rouergue : cette nuit décisive en 1794, le grand trésor de la ville a été sauvé

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  • La commune de Conques noyée sous la brume.
    La commune de Conques noyée sous la brume. - Gilles TORDJEMAN
  • Le trésor de l’abbatiale. Le trésor de l’abbatiale.
    Le trésor de l’abbatiale.
  • Les métiers d’art sont mis en lumière les 19 juillet et 19 août.
    Les métiers d’art sont mis en lumière les 19 juillet et 19 août.
  • Les métiers d’art sont mis en lumière les 19 juillet et 19 août.
    Les métiers d’art sont mis en lumière les 19 juillet et 19 août.
  • Le tympan de l’abbatiale.
    Le tympan de l’abbatiale.
  • Les grilles de l’abbatiale. Les grilles de l’abbatiale.
    Les grilles de l’abbatiale.
  • Les métiers d’art sont mis en lumière les 19 juillet et 19 août. Les métiers d’art sont mis en lumière les 19 juillet et 19 août.
    Les métiers d’art sont mis en lumière les 19 juillet et 19 août.
  • Les vitraux réalisés par Pierre Soulages. Les vitraux réalisés par Pierre Soulages.
    Les vitraux réalisés par Pierre Soulages. - Gilles TORDJEMAN
Publié le
Marion Lacombe (service patrimoine de Conques)

Cette nouvelle relate l’épisode du sauvetage du trésor de Conques. Les faits se déroulent entre la fin de l’année 1793 et le début de l’année 1794. À cette période, les objets d’église sont saisis par l’État pour les besoins financiers de la Révolution. Plusieurs habitants de Conques ont bravé les périls : dénonciation, embuscades… Sans leur courage, leur ferveur et leur implication dans ce pieux larcin, le trésor de Conques, aujourd’hui le plus grand ensemble d’orfèvrerie médiévale de France, aurait disparu comme la majorité des trésors sacrés des églises de France. Si les noms, les détails et les contextes de la manœuvre nocturne proviennent de sources d’archives, sa narration appartient aujourd’hui à notre imaginaire.

L’orage qui s’abat sur la vallée de l’Ouche, cette nuit-là, est terrifiant. J’hésite à sortir de la grange. Peut-être est-ce une mise en garde, un avertissement du Ciel à renoncer à ma mission nocturne ou bien, au contraire, une bénédiction, une protection offerte par ce rideau de pluie ? Sainte Foy n’avait-elle pas été épargnée sur le bûcher par une ondée salvatrice ?

Un sursaut de courage me pousse à l’extérieur, pour affronter la noirceur de la nuit et le déchaînement des éléments. Je me dirige vers l’abbatiale et dépasse bientôt l’ancienne porte du monastère qui débouche sur la place de notre sainte Église. J’aperçois alors, près du cimetière, des silhouettes intrigantes, encapuchonnées, les bras chargés de paniers.

Je me rapproche prudemment du petit groupe, tout en adoptant leur attitude, leur signifiant ainsi mon appartenance à cette confrérie d’un soir. Je démasque alors, un à un, mes compagnons en marche vers l’église. L’ancien chanoine André Bénazech se tient là, sous le tympan et ses sculptures du Jugement dernier. C’est lui l’instigateur de la mission. La sœur Labro, supérieure du couvent de Conques se trouve à ses côtés. Les autres sont Nolorgues et Borie, Costes et les frères Labro, tous animés par le même devoir, la même envie d’accomplir une tâche qui les transcende.

Le silence s’impose, puis une prière monte

C’est maintenant au père Bénazech d’entrer en action. Muni d’un vilebrequin, il ouvre d’abord l’imposante porte située sous la représentation des scènes de l’enfer et, à sa suite, nous nous engouffrons dans l’abbatiale, sans perdre un instant. Puis, c’est au tour de la porte de l’armoire à reliques, au-dessus du maître-autel. Les yeux tout écarquillés, nous observons le père à la manœuvre.

Ils sont tous là sous nos yeux, étincelants même timidement, aux faibles lueurs de nos bougies. Le Trésor de notre église ! Des châsses, des reliquaires, des ostensoirs et diverses croix d’orfèvrerie se trouvent là, tous rassemblés, de toutes formes et dimensions. Je reconnais le reliquaire en forme de A, qu’aurait offert Charlemagne et qui renferme les fragments de la sainte Croix. Une pure merveille !

D’un geste compris de tous, le père Bénazech nous indique de nous agenouiller. Le silence s’impose, puis une prière monte. Nous sommes touchés comme par une grâce divine à la vue des ostensoirs et objets étincelants, chefs-d’œuvre d’une grandeur passée. Je suis fasciné par tant de faste.

Quand arrive le tour de découvrir la Majesté en or de sainte Foy, le trouble atteint, à ce moment précis, son paroxysme ; la statue reliquaire époustoufle par la somme de ses ornements, autant par la quantité de ses joyaux incrustés que par la puissance et le rayonnement qui s’en dégagent. Elle s’impose naturellement telle une reine devant nous, couronnée, sur son trône, parée de pierres précieuses, ornée de perles. Son regard embrasse l’abbatiale et semble descendre sur chacun de nous, nous rendant unique à Elle.

Nous avions tous eu connaissance, grâce à un des officiers municipaux, de la décision du directoire du département, de saisir tout objet sacré. Nous devions, par ce pieux larcin, protéger coûte que coûte la richesse et les reliques de notre sainte église.

Il était temps de se reprendre et de se mobiliser pour, maintenant, déposer l’ensemble des reliquaires et objets de culte, avec toute la délicatesse requise, dans nos corbeilles. Munis de ce précieux fardeau, nous nous pressons vers la porte méridionale, près de la tourelle d’escalier. Mes sabots claquent, risquant à tout moment de dévoiler notre conspiration, je décide de les quitter près de la sacristie quand soudain, un son de cloche dans le lointain nous alerte. En toute hâte, nous disparaissons dans la nuit obscure.

Conques, terre des métiers d’art, ce mardi soir

Près de 40 artistes et artisans d’art vous attendent dans leurs ateliers et leurs échoppes à la découverte de leurs savoir-faire cet été, à l’occasion de deux rendez-vous, dès 15 heures (et jusqu’à 23 h 30), et en nocturne : mardi 19 juillet et vendredi 19 août. Cheminez d’ateliers en ateliers (enlumineur, céramistes, créateurs de bijoux, de mobilier design, forgeron, vitrailliste, maroquinier…) en suivant les luminions posés sur les pavés dans le dédale des ruelles médiévales. Un éclairage architectural et laser viendra dévoiler le patrimoine (maisons à colombages, sécadous, portes de ville, fontaines romanes, porte de cave…).Venez vivre une expérience hors du temps et partager des émotions avec ces femmes et ces hommes qui apportent à l’âme du village une touche personnelle, respectueuse, sensible et contemporaine.Tradition et modernitéConques, cité de tradition artistique depuis le haut Moyen Âge, a su conserver des chefs-d’œuvre qui en font aujourd’hui sa notoriété nationale et internationale : l’abbatiale romane, son tympan du Jugement dernier, le riche décor des chapiteaux, sans oublier le Trésor de sainte Foy, plus riche ensemble d’orfèvrerie médiévale de France.Et c’est ici, alors adolescent, que Pierre Soulages, artiste peintre contemporain, a ressenti "ses premières émotions artistiques". En 1994, il concevra les cent quatre nouveaux vitraux qui "donnent à voir" l’abbatiale inscrite sur la liste du Patrimoine mondial par l’Unesco au titre des chemins de Compostelle.Conques : un écrin pour les passeurs de savoir-faireAu cœur du village, de nombreux artistes et artisans d’art ont pris en main l’outil des maîtres dont ils ont été compagnons, apprentis ou lecteurs autodidactes. Un élan créateur inspiré, ici à Conques, par l’esprit des lieux, par l’histoire et par la nature.Des univers, des gestes, des matières et des outilsOuvrez les portes, pénétrez dans l’univers secret de la création, glissez-vous dans l’intimité de l’artiste… Chacun est riche de son propre parcours, de sa propre démarche artistique, créatrice, avec un sens profond de l’exigence et un rapport sensible à la matière. Les gestes, experts, précis et maintes fois répétés, modèlent, mettent en œuvre des savoir-faire complexes pour transformer la matière. Les outils s’animent, ils domptent la pierre, la terre, le bois, le métal précieux, le cuir, le papier, le tissu, le verre…
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