Aveyron : à la découverte des légendes de la cathédrale Notre-Dame de Rodez
Un lac d’origine volcanique sous l’immense construction médiévale, des ferrures de portes façonnées par le diable…, les légendes sur la cathédrale Notre-Dame de Rodez ne manquent pas et défilent au fil des siècles.
Nombre de légendes continuent à souffler autour de la cathédrale Notre-Dame de Rodez et ce, sans doute, depuis le début de l’incroyable et interminable chantier qui se déroula sur près de trois siècles. Toutes expriment la fascination et également le mystère exercé par l’impensable édifice se déployant peu à peu face aux fenêtres de la population.
Des Ruthénois vous parleront encore, comme s’ils l’avaient vu de leurs yeux, de l’incroyable terre-plein du Moyen Âge, déroulé sur l’actuelle Victor-Hugo pour hisser les pierres sur le monument. Imaginez des norias d’attelages, carrioles et autres charrettes chargées de terre et vomissant quotidiennement leur chargement en soulevant une poussière de grès rouge faisant pleurer du sable et cracher de la boue les carriers responsables des manœuvres. Cette folie trouvait ses racines au-delà du fantastique plan incliné de terre. À côté d’habitations aux façades lépreuses, une cathédrale venait au monde, comme sortie de terre. On acheminait également des monceaux de pierre sur la formidable rampe d’accès vers le chantier sacré. Et peu à peu, murs, piliers aux souches épaisses, voûtes s’élevaient pour prendre leur place dans le ciel. Parfois même, des hommes aux visages propres, des consuls de la cité et du bourg, perchés sur le promontoire, sortaient des pièces d’or d’une bourse jaunâtre.
Une montagne de terre pour une montagne de pierres !
Alors la fourmilière humaine s’arrêtait enfin de travailler, comme haletante, le temps qu’une volée de pièces soit lancée vers le soleil avant d’être brutalement recouvertes par des charretées de terre. On redoutait en effet, qu’un lointain jour, à la fin de la construction, les volontaires soient moins nombreux pour anéantir, dégager cette montagne de terre. Alors en l’ensemençant d’or, nul doute que les bras ne manqueraient. Pour tenter d’expliquer l’impossible construction, on a trouvé une histoire de même dimension, vertigineuse : une montagne de terre pour une montagne de pierres !
L’autre légende concerne le fameux lac d’origine volcanique et tapi toujours sous l’immense construction médiévale. Car ce que l’on ne voit pas décuple toutes les imaginations !
Et pour amener un supplément d’eau au moulin de la légende, les anciens ajoutaient également que le trop-plein de ce mystérieux plan d’eau souterrain alimentait les nombreux puits situés à proximité, dans la cour de l’évêché ou à la maison canoniale. Et de rêver comme sous la cathédrale de Strasbourg "d’une étrange barque glissant silencieusement sur l’eau noire, conduite par des êtres plus semblables à des fantômes qu’à des humains" !
Les verrous imposants des portes de la cathédrale présentent côté sud et à proximité de la serrure, une lourde barre de fer horizontale et terminée par une curieuse tête surmontée de deux petites cornes. C’est peut-être le rappel d’une légende colportée sur les chantiers des compagnons et bâtisseurs des cathédrales. Cette histoire concerne Notre-Dame de Paris, mais a voyagé ensuite sur d’autres chantiers et d’autres cathédrales, comme sans doute ici, à Rodez.
Son âme au diable
"Un jeune apprenti serrurier parisien voulait accéder rapidement à la maîtrise de son art. Il brûlait d’envie de devenir maître serrurier. Clamant haut et fort qu’il était capable de fournir n’importe quel travail, des maîtres serruriers, agacés par son attitude, lui confièrent un travail fort délicat : ferrer les portes de Notre-Dame de Paris. Pris à son propre jeu, le jeune compagnon mesurait soudainement l’extrême difficulté de l’ouvrage destiné à éprouver son talent.
Ne sachant comment se sortir d’une situation aussi inconfortable, il fut en proie à un violent désespoir et promit son âme au diable si ce dernier voulait bien venir à son secours. Dès le lendemain, Biscornet, le deux fois cornu, envoyé du diable en personne, lui offrit son aide pour forger les ferrures des portes de la cathédrale, en échange de l’âme du jeune serrurier. Le contrat fut rapidement conclu.
Le diable tint parole. En l’espace de quelques heures, les deux portes choisies reçurent des ferrures extraordinaires qui valurent au jeune compagnon les félicitations étonnées du jury et, par là même, ce titre de maître tant convoité. Seules traces du pacte diabolique, quelques têtes cornues figuraient sur plusieurs barres de fer ornant les portes. Les nuits du pauvre serrurier se transformèrent rapidement en d’horribles souffrances au moment où Biscornet se présentait à lui pour réclamer le prix du contrat.
À force de supplier le maudit, il obtenait un sursis pour terminer quelques ferrures promises ici et là. Mais un matin de la Saint-Pierre, ses amis serruriers le trouvèrent mort dans son lit, son corps atrocement torturé en forme de… ferrure !"
Extrait de "L’abécédaire amoureux de la cathédrale Notre-Dame de Rodez" de Jean-Michel Cosson et de Jean-Philippe Savignoni, Éditions De Borée, 2017.
J'ai déjà un compte
Je me connecteSouhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?