Aveyron : à Bozouls, l’ode paysanne du couple Viala

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Olivier Courtil

Entretien croisé en terre gourmande avec le chef étoilé Guillaume Viala et Christine, son épouse sommelière, pour un accord parfait que l’on retrouve à leur table du Belvédère à Bozouls.

Comment est venue la passion pour la cuisine ?

Guillaume : On a baigné durant notre enfance tous les deux dans la gourmandise, dans un milieu agricole. Christine, fille de paysan à Golinhac, et moi à Gillorgues, dans la ferme familiale avec toute la famille autour, il y avait le repas du dimanche, on tuait le veau, le cochon chaque année, les volailles. Je ne supportais pas la bouffe industrielle, il fallait que ce soit du jardin. On a été éduqué à la table, le bon goût. Au départ, je suis parti dans des études scientifiques à Toulouse mais cela ne me parlait plus, alors je suis entré en école hôtelière où j’ai eu le déclic à vingt ans. J’ai beaucoup de souvenirs de plats comme celui de Pierre Gagnaire, magicien des textures, tu vois arriver une feuille de vigne farcie avec une trompette-de-la-mort, piquant, gluant, c’est le sensuel. J’ai exercé dans plusieurs maisons dont celle de Bras pendant trois ans qui marque au fer rouge. Puis, il y a eu l’opportunité de travailler dans mon village, en reprenant l’auberge à Bozouls, qui fait qu’on a ouvert en janvier 2004.

Christine : Je suis arrivée aussi en 2004. On se connaissait depuis 6-7 ans, on faisait les fêtes de village. J’étudiais en langues étrangères appliquées à Rodez, puis BTS tourisme à Nice. J’ai effectué des saisons en Aveyron, je devais partir aux États-Unis et puis j’ai vu Guillaume travailler, son père faire la plonge, je n’ai plus eu envie de partir et on a démarré rapidement. Ce n’était pas simple, lui jouait sa vie, à 26 ans. Ce n’était pas gagné. Quant au vin, je suis née un jour des vendanges ! Mes parents avaient une petite vigne, on foulait le raisin au pied, mon père m’a toujours amené à la cave. J’ai commencé à 15 ans à faire une saison dans les vignes, puis une deuxième, troisième… Mon premier souvenir a été chez "Goûts et couleurs" à Rodez où j’avais pris un porto ou un banyuls sur un dessert au chocolat et cela a été magique. Guillaume ne m’a pas lâché, il amenait une bouteille le lundi, jour de repos, cachait les étiquettes pour que je devine, cela m’a donné confiance.

Comment se passe l’accord met/vin ?

Guillaume : C’est compliqué car j’ai une femme qui a un palais très exigeant mais ça tombe bien, elle adore ce qu’on fait. On revient du marché, on fait des essais en cuisine. Quand je juge que c’est bien, on fait goûter à Christine.

Christine : Et après on se connaît très bien, donc je comprends bien ce qui se passe dans son cerveau et dans ses assiettes. Comme sa cuisine est devenue un petit peu gastronomique car on a fait des accords mets et vins avec notre caviste pour l’équilibre, cela nourrit sa cuisine. Ce sont donc des plats parfaits pour s’accorder avec des vins, souvent il fait des plats en pensant vin.

Guillaume : Cela est venu avec la maturité, être sûr de ses goûts, cela ne se fait pas en cinq minutes à "Top Chef" à 25 ans.

Christine : Hervé Lorin (caviste à Centrès), qui effectue sa dernière année d’activité, est notre mentor. Il a cru en nous comme on croit à un grand vin. Il nous a fait entrer dans son univers, voir les vignerons, les paysages au sens endroit formé par des paysans, être dans la transmission des traditions, tout ce qui a nourri notre enfance à tous les deux, cela est devenu logique. C’est lui qui a permis cet accord et on lui rachète sa cave, je l’appelle mon papa vin ! J’aime faire le lien, recréer l’histoire, sentir d’où je viens.

Comment définissez-vous votre cuisine ?

Guillaume : Une cuisine paysanne, raffinée, équilibrée. Ce qui m’anime le plus, c’est arriver à transformer les produits. On sait d’où viennent les produits, on rencontre les producteurs, on goûte. Par exemple, on travaille la pâtisserie sans gélatine ni crème liquide, avec la crème double fermière et on s’en sort. C’est pareil pour le poisson. Travailler les espèces qui n’intéressent pas grand monde pour maintenir une pêche artisanale, cela a plus de goût, d’âme. La recherche se fait partout.

Tout le monde fait local, de saison, c’est juste le bon sens depuis toujours. On est un peu à contre-courant, on se "vieux-connise" comme dit notre caviste, et on en est très fier. On ne cherche pas à plaire mais à faire ce qu’on aime. La gastronomie est le dernier rempart contre les industriels. Maintenir une bonne paysannerie, c’est maintenir une bonne vie dans un village, c’est ce qui m’anime. Notre rôle est de sortir ce qu’il y a de mieux en nous.

Christine : Il n’a pas de fiche technique. Il se laisse porter, s’adapte aux produits. Je n’aime pas que la forme dépasse le fond. On a un côté militant. Il y a eu la mode des "sans", sans gluten, sans lactose, sans viande, etc. Il y a de la maltraitance animale, le plus maltraité est le poisson. On préfère combattre par l’action que par l’abstinence, en mettre moins, mieux, avec des gens qui travaillent bien. On est sensible à la malbouffe. C’est ce qu’on essaie de transmettre à notre équipe.

Guillaume : Ce ne sont pas les vegans qui vont sauver le monde en mangeant du soja qui vient de l’autre bout de la planète. C’est le bon sens paysan, revenir à quelque chose de raisonné. Il faut être sincère, rappeler qu’on est cuisinier.

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