Capdenac-Gare : l’épopée du chemin de fer et l’aventure de Raynal et Roquelaure
En 1876, Théophile Raynal et Ernest Roquelaure ont eu l’excellente idée de conditionner en boîtes de conserve des plats cuisinés du terroir français. Et ont profité de l’essor de la gare pour installer leur buffet où la renommée gastronomique dépassait les frontières aveyronnaises. L’entreprise capdenacoise conserve encore aujourd’hui une belle dynamique industrielle
Nous sommes en 1910. Je suis Hippolyte Raynal, le fils de Théophile, gérant du buffet de la gare qui s’est associé avec Ernest Roquelaure, réputé maître queux qui avait fait ses armes dans les cours princières européennes.
Le buffet de la gare était une table gastronomique très renommée. On y mangeait, pour 2 francs or, des foies gras, des cassoulets, des viandes mijotées à la sauce aux truffes…
Tout petit déjà, j’étais aux côtés de mon père qui m’a donné le goût des affaires. Je lui ai succédé tout naturellement aux côtés d’Ernest qui, lui, a épousé ma sœur Louise, une belle histoire de famille ! Les défis ne me font pas peur et avec le savoir-faire d’Ernest, notre société est florissante. Nous sommes fiers d’avoir été primés aux expositions universelles de 1889 et de 1900 à Paris !
Force est de reconnaître que Capdenac est en plein essor avec son étoile ferroviaire, plaque tournante du sud du Massif Central. La gare devient une étape stratégique sur la ligne Toulouse-Paris. Elle relie également Rodez, Aurillac et Cahors. Les voyageurs en transit sont nombreux. 1 200 cheminots sont employés et une rotonde accueille 35 locomotives à vapeur à la fois ! L’activité bat son plein. Tout est à faire ici, à construire, à développer. C’est l’eldorado !
Nous avons l’idée de proposer des paniers-repas et un concept innovant avec le déjeuner du cycliste qui tient dans une jolie boîte rectangulaire bien pratique pour emporter avec soi son déjeuner dans le train, mais également lors de déplacements à cheval ou à bicyclette. Nous y mettons de la galantine d’alouette, de la saucisse fraîche, de l’ananas au jus et même une petite fiole de bénédictine !
Nous sommes les premiers à utiliser l’appertisation pour des plats cuisinés avec viande, légumes et sauce. Nous ouvrons notre première conserverie, en centre-ville, face à la gare, en 1905. J’apprécie beaucoup de vivre à Capdenac, sorte d’enclave dans une région plutôt médiévale. Elle incarne l’épopée industrielle et la révolution des transports. Elle représente la modernité, casse les codes de la tradition et s’émancipe dans son architecture influencée par celle des grandes villes, des villas de villégiature, des maisons modernistes ou régionalistes.
J’aime bien le soir me promener sur les berges du Lot. C’est rafraîchissant, paisible et reposant.
J’ai appris à pêcher à mon fils Gaston. Entre le Lot et la Diège, cela aurait été dommage de s’en priver. Nous avons l’embarras du choix entre les truites et les gardons, brochets, carpes et que sais-je encore ? Avec le talent d’Ernest pour les cuisiner, nous nous régalons !
En famille, nous allons souvent à Capdenac, le village perché sur l’autre rive du Lot. On se croirait au Moyen-Âge avec sa tour, ses fortifications, Gaston adore ! On est plongé dans un autre temps. Là, nous prenons de la hauteur. Nous profitons d’une vue extraordinaire sur la rivière, ses méandres, les cultures mais également sur notre ville et le nœud ferroviaire développés au pied du promontoire rocheux.
Sans aller trop loin, nous pouvons profiter de la nature, des rivières et des moulins qui les jalonnent. Nous en profitons pour saluer le meunier, un ami de la famille. Il nous arrive le dimanche, quand il fait beau, de prendre nos bicyclettes et le pique-nique pour nous rendre à Balaguier-d’Olt. Je trouve ce village très bucolique. On entend l’eau bruisser un peu partout. En montant dans les ruelles, on arrive à un point de vue imprenable sur le château de Larroque-Toirac juste en face. Nous poussons parfois jusqu’à Salvagnac-Cajarc, c’est plus sportif mais sympa.
À Asprières, ce que j’aime, c’est sa situation. C’est vrai qu’à bicyclette, on fait des efforts dans les côtes, mais ils sont récompensés par cette nature environnante, un peu sauvage. Nous jouissons d’une vue incroyable sur les monts du Cantal, parfois enneigés. Passant par Sonnac, je m’étais arrêté dernièrement pour faire découvrir le menhir de Pierrefiche à Gaston. Eh oui, il n’y en a pas qu’en Bretagne.
La chapelle Saint-Loup, à Gelles, est lovée en pleine nature. Elle est très ancienne, préromane ! On peut y aller à pied de Capdenac par des sentiers, c’est agréable et, à la saison, nous allons ramasser des cèpes.
Aujourd’hui, les descendants des familles Raynal et Roquelaure découvrent Capdenac-Gare. Une locomotive postée à l’entrée de la ville, tel un monument, rappelle l’âge d’or au temps des trains à vapeur. À proximité, un jardin en forme de rotonde a été créé avec plus de 400 essences différentes. Ces plantes poussaient le long des voies ferrées. C’est original !
Ils sont très émus d’apprendre que l’entreprise créée par leurs aïeuls se visite. Elle a un parcours tellement atypique, à la fois ancrée dans le terroir mais également à la pointe de la modernité avec des machines sophistiquées, un savoir-faire qui perdure et qui l’a propulsée au premier rang national dans le domaine du plat cuisiné en conserve !
Quelle aventure…
J'ai déjà un compte
Je me connecteSouhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?