Face à la sécheresse et les maladies de la vigne, de nouveaux cépages abreuvent l'avenir du vin

  • Cépages plus résistants, voire même raisins créés en laboratoire, composeront le futur calendrier des vendanges
    Cépages plus résistants, voire même raisins créés en laboratoire, composeront le futur calendrier des vendanges mythja / Getty Images
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ETX Daily Up

(ETX Daily Up) - De la champagne jusqu'au vignoble de Bergerac en passant par les hauteurs niçoises de Bellet, les vendanges ont déjà commencé. Suite aux épisodes caniculaires à répétition et la sécheresse, les vignerons n'ont pas d'autres choix que de se mettre au travail pour récolter un raisin qui a déjà atteint son pic aromatique. Année après année, les coups de sécateur sont donnés de plus en plus tôt. A l'avenir, le calendrier des vendanges pourrait être redéfini et plus étalé avec la récolte de nouveaux cépages plus résistants aux conditions climatiques.

Mardi 16 août, Pessac-Léognan. Les premiers coups de sécateurs sont donnés et les vendanges commencent dans la délicieuse appellation bordelaise qui abrite de beaux châteaux comme Carbonnieux ou le mythique Haut-Brion. Jamais le raisin n'avait été récolté aussi précocement. "On aurait même pu les commencer hier, lundi, ou la semaine dernière. Cela est dû à une climatologie exceptionnelle, le cycle de la vigne s’est accéléré au-delà de ce que l’on connaissait", a même confié Jacques Lurton, le président du syndicat de l'appellation, au journal 20 minutes. Après plusieurs épisodes caniculaires et une sécheresse intense, les vignerons bordelais n'ont donc pas d'autres choix que de ramasser le sauvignon.

En tout, dans l'appellation Bordeaux, huit cépages blancs (Sémillon, Sauvignon, Sauvignon gris, Muscadelle, Colombard, Ugni blanc, Merlot blanc, Mauzac) ainsi que six cépages noirs (Cabernet Sauvignon, Cabernet franc, Merlot, Malbec, Carmenère, Petit Verdot) seront vendangés. Voilà pour les raisins officiels. Car le vignoble bordelais anticipe déjà l'avenir et les conséquences du dérèglement climatique en autorisant de nouvelles variétés de raisin qui ont été intégrées au cahier des charges de l'appellation Bordeaux et Bordeaux Supérieur. Durant ces dix prochaines années, les viticulteurs bordelais vont tester des cépages totalement inconnus du grand public, comme l'arinarnoa, le castets, le marselan, le touriga nacional, l'alvarinho, le liliorila, et qui ont l'avantage de mieux résister à la sécheresse . Ceux-ci n'ont pas été choisis au hasard ; leur goût peut garantir le maintien du profil aromatique des vins de Bordeaux (52 cépages ont d'abord été testés pour n'en autoriser que six). Les toutes premières plantations ont eu lieu lors de la campagne 2020/2021. Cependant, ces raisins expérimentaux ne peuvent pas représenter plus de 5% de l'encépagement d'une exploitation, mais aussi 10% de l'assemblage final.

Caractérisé par des cycles de croissance différents, mais aussi des périodes de maturation plus étalées, ce nouvel éventail de variétés pourrait permettre aux producteurs de mieux maîtriser le calendrier des vendanges, en récoltant notamment des cépages plus tardifs. Le merlot, qui correspond au raisin le plus planté dans le vignoble bordelais (environ 60%), est un cépage dit précoce, très sensible aux fortes chaleurs. A Bordeaux, c'est sans doute le raisin qui souffre le plus du changement climatique. A titre de comparaison, le marselan lui peut être récolté théoriquement en octobre. C'est un raisin né en 1961 d'un croisement entre le grenache noir et le cabernet-sauvignon. Alors qu'un plan européen prévoit la réduction de l'usage de produits phytosanitaires de 50% d'ici à 2025, la plantation de ces nouveaux cépages plus résistants au mildiou, oïdium et autres maladies de la vigne concrétise l'espoir de moins utiliser de chimie quand il faut aider les ceps à faire face aux champignons pouvant attaquer la vigne, réduisant à néant toute une récolte.

Des raisins de labo plus résistants

A l'horizon 2028, un portfolio d'une vingtaine de cépages dits "à résistance durable" devrait être disponible. Ils sont le résultat d'un vaste programme d'innovation variétale, baptisé "ResDur", conduit par l'Inrae depuis 2000 afin de mettre au point des raisins plus résistants aux maladies fongiques de la vigne. Concrètement, il s'agit de réaliser des croisements successifs pour obtenir une variété se débarrassant de caractéristiques sensibles aux parasites et autres champignons. En rouges, les chercheurs français ont déjà mis au point l'artaban, un raisin qui donne des vins légers, ainsi que le vidoc, pour des jus plus colorés et structurés. En blanc, le floréal est un cépage qui partage le profil aromatique du sauvignon. Aussi, la Champagne devrait être la première appellation à expérimenter le voltis, un nouveau cépage blanc issu d'un croisement et résistant précisément au mildiou et à l'oïdium. Le Syndicat général des vignerons de la Champagne a voté en faveur de cette expérimentation l'année dernière tandis que le gendarme des appellations (Institut national de l'origine et de la qualité) a donné son feu vert.

Au Chili, des chercheurs vont plus loin en intervenant directement sous microscope au niveau de la carte d'identité génomique. Leur objectif : supprimer le gène qui rend une variété de raisin sensible aux effets des maladies fongiques de la vigne. Dans le cas présent, cela a permis à des plants de sultanine, un cépage blanc surtout connu pour être un raisin de table, de le rendre moins sensible à l'oïdium, un champignon présent dans tous les vignobles qui fait éclater les baies et les rend très acides. Il apparaît notamment lorsqu'il y a de trop forts écarts de températures entre le jour et la nuit.




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