Aveyron : Hevé Busset, le trésor botanique de Conques servi au naturel au moulin de Cambelong

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  • Hervé Busset travaille les plantes sauvages, comme une passion. Hervé Busset travaille les plantes sauvages, comme une passion.
    Hervé Busset travaille les plantes sauvages, comme une passion. Repro CPA
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Au Moulin de Cambelong, la table étoilée depuis 2007 d'Hervé Busset propose une gastronomie sauvage bercée par la nature, à base de fleurs, plantes et aromates. Rencontre. 

Depuis que vous êtes installés à Cambelong, comment votre cuisine a-t-elle évolué ? 

Ma cuisine a changé et bien sûr évolué, mais dans le même temps, elle est constante, avec une base, celle des plantes. Même si je dois vendre un jour et partir d'ici, je resterai sur les plantes. C'est mon ADN. Je continuerai toujours à utiliser ces plantes, malgré la contrainte. En ce moment, je fais des grosses cueillettes. Il faut y aller le matin de bonheur, parfois à 6 heures, jusqu'à 8h30 au plus tard car après j'ai le repas à préparer. 

Vous y allez seul ou accompagné ? 

Parfois j'ai besoin de me faire aider. Mais j'avoue que j'ai besoin d'y aller seul. C'est le  moment où je souffle, je réfléchis et surtout je trace, je ne flâne pas. J'aime bien quand les clients me disent, tiens cette plante, je la reconnais. J'en ai dans mon jardin. Je participe à sensibiliser les gens à leur environnement. C'est une véritable découverte pour certains clients, qui s'étonnent de mes associations. Ma cuisine leur donne une autre vision des plantes. 

Comment trouvez-vous ces plantes ? 

J'ai mes coins. Je travaille les plantes depuis 2003-2004. Si j'ai besoin de lamiers, lierre terrestre, orties...je sais exactement où les trouver. S'il me faut du serpolet, par exemple, je monte au-dessus de Conques. Je ramasse ces plantes fraîches pour le quotidien. J'en fais sécher aussi pour l'hiver, comme la fleur de sureau, pour faire des glaces. J'utilise le mélilot pour son goût amer. Mélangé à la cerise, c'est un régal en dessert ou en glace. 

Comment travaillez-vous  vos menus et vos plats  ? 

Je les travaille autour des plantes. C'est la plante qui donne le ton du plat. J'associe la plante et une façon de la travailler : soit je la laisse à cru, soit je la fais en décoction, soit je fais un mixte de ces techniques. L'idée va être ensuite de les associer avec des produits locaux et de saison. Je rajoute toujours un peu "d'ailleurs", car on ne peut pas être restrictif et s'arrêter à l'Aveyron et l'Occitanie. Que ce soit les escargots, le veau, le cochon, la volaille etc. j'achète du local. Je fais aussi les marchés, comme celui de Marcillac, Decazeville, qui est un beau marché. En ce moment, je n'ai pas le temps d'aller partout, je me cantonne à celui de Roez. Je le fais tous les mercredis. Je prends mes légumes et bien sûr mes plantes aromatiques qui accompagnent bien mes plantes sauvages. Je n'oublie pas de prendre les fromages du coin, ici on a le choix. Mais parfois je prends ceux des départements limitrophes pour éviter la routine. Je conçois mes plats, suivant les saisons. Au printemps je travaille volontiers l'asperge, les petits-pois, on attaque ensuite les courgettes, les cerises, ensuite les abricots, les pêches....

Comment le territoire de Conques, sur lequel vous êtes installé vous inspire ? 

C'est sûr qu'en fonction des territoires, la cuisine change. Si j'avais été en Bretagne, je cuisinerai plus de poissons, je ferai peut-être des "terres et mer", peut-être des algues...Moi, je cuisine la truite saumonée de Maurs. Je la cuisine en soufflé vapeur  avec du safran de l'Aveyron, avec de l'achillée millefeuilles, des fleurs de lamiers blancs. Je fais un plat signature qui s'appelle des pappardelles de truite. Ce sont des pâtes fraîches, à base de truite, et qui ressemblent à s'y méprendre à des pâtes, comme des lasagnes. C'est une illusion, en fait ! J'intègre mon fumet de poisson et je rajoute du lierre terrestre, pour l'aspect herbacé. Cette plante a un goût très spécifique, indescriptible qui donne à ce plat signature une saveur unique. Je travaille aussi l'esturgeon (en limite de la Dordogne et de la Gironde). C'est mon ingrédient "de l'ailleurs", que je travaille depuis plus de 25 ans. Je le prépare en mijoté, façon japonaise. Mais je ramène  une plante locale, l'orpin que l'on trouve sur les talus. J'égraine les graines vertes, comme si c’était du riz que je lave. Elles sont servies al dente. De cette façon, j'enlève le côté cru, tout en gardant l'intérieur cru. Quand j'en ai, j'aime bien l'associer avec la bourrache, qui a un côté iodé. Je ne mets pas du caviar, ce n'est pas intéressant. La plante apporte de la fraîcheur. Avec les produits japonais (le mirin, le saké, le soja) qui sont concentrés et salés, les plantes apportent cette fraîcheur. Selon les plantes, je les fais à cru, en décoction etc. Je cherche à préserver les nutriments. 

Vous avez des légumes fétiches ? 

Oui, selon les saisons. En été, j'aime travailler la tomate, surtout la noire de Crimée. J'ai un petit producteur à Livinhac. Je prends beaucoup de légumes là-bas. Je travaille cette tomate en concentré, avec de l'huile d'olive et du sel. Je la fais cuire jusqu'à presque obtenir un côté fumé. Je la sers ensuite avec un œuf de la maison Quintard. Sur la tomate, je mets de la fleur d'origan, qu'on appelle aussi la marjolaine et  que je trouve dans la nature. L'œuf évolue dans la saison. Il est  œuf asperge, il devient œuf tomate et avec un peu de chance, il sera œuf cèpe.  Avec l'œuf, je peux mettre de l'amarante, que je trouve aussi dans la nature. Je la fais juste revenir à l'huile d'olive, en technique wok. J'ai aussi de la chance de trouver de l'amarante cultivée par la famille Roualdès. Elle est violette, cela me permet de jouer sur les couleurs. Les graines je les travaille en pop-corn, sur une poêle chaude. 

Quelles techniques pour quelles plantes ?

Snackées, crues, cuites, séchées, déshydratées, grillées....je travaille sur la décomposition des plantes, des plantes plurielles. Avec la plante, je vais chercher tout ce que je peux faire. Je tourne  autour de la plante et je vais le plus loin possible, tout en essayant  de ne pas m'éparpiller dans mes plats. 

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