Rodez. Olivier Naboulet : "Il ne se passe pas rien en Aveyron comme on peut l’entendre…"

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  • Olivier Naboulet prend  la direction d’Agen.
    Olivier Naboulet prend la direction d’Agen. José A. Torres
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Mathieu Roualdés

Une page se tourne au tribunal de Rodez. Arrivé en janvier 2018, le procureur Olivier Naboulet quitte le département pour Agen. Avant de prendre officiellement ses fonctions dans le Lot-et-Garonne d’ici la fin du mois, le Périgourdin revient sur quatre années au sein de la juridiction rouergate et l’évolution de la délinquance.

L’Aveyron constituait votre premier poste de procureur. Qu’en retenez-vous ?

J’ai encore grandi dans la relation humaine avec le justiciable. Lorsqu’on est procureur, on peut infléchir sur certains parcours de vie, c’est très fort. Puis, je retiens surtout que c’est facile de travailler dans l’Aveyron. La juridiction est à taille humaine et il y a une forte proximité dans les relations avec les élus, les services de police, de gendarmerie, etc.

En arrivant, vous aviez l’image d’un département "calme" en termes de délinquance. Votre vision a-t-elle évolué au fil des années ?

Non, l’Aveyron reste un département "calme". Mais seulement si on le compare à d’autres, car il ne se passe pas rien ici comme on peut parfois l’entendre. Preuve en est la cour d’assises de l’Aveyron qui se réunit plusieurs fois par an et pas seulement pour des dossiers en appel… Il y a également un véritable sujet sur les violences intrafamiliales dans le département.

Justement, avez-vous pu dresser un portrait de la délinquance aveyronnaise ?

La présence de l’autoroute A75 engrange du trafic de stupéfiants. Mais il ne se résume pas seulement à cet axe routier et au viaduc de Millau. Il est présent un peu partout sur le territoire. Surtout, le nombre de consommateurs ne faiblit pas. Et malheureusement, ils prennent la route la plupart du temps. C’est terrible car dans plusieurs accidents dramatiques, on sait qu’un des facteurs était cette consommation de stupéfiants.

La réponse judiciaire doit-elle être plus forte sur ce sujet, selon vous ?

Ce sujet a souvent été mis sur la table au tribunal. Et on a eu des désaccords avec les magistrats du siège – juges. Ces derniers ont parfois eu une réflexion différente sur l’outil du permis de conduire qu’on sait indispensable dans ce département. Mais pour ma part, il ne doit pas y avoir d’exception aveyronnaise.

Durant la période Covid, la lutte face aux violences conjugales était également au cœur des débats. Ce fléau vous a-t-il marqué dans le département ?

Paradoxalement, sur le traitement judiciaire, la période de confinement n’a pas été génératrice d’une augmentation des faits. Mais il me semble que la sortie du confinement l’est. Il y a une remontée de ces violences. Mais je ne pourrai pas l’expliquer.

Vous avez revêtu le rôle d’avocat général lors de plusieurs procès devant la cour d’assises. Certaines affaires vous ont-elles plus marquées que d’autres ?

Cet été, je roulais en direction de l’Aquitaine. Je suis passé par Aubin, par Montbazens et Lanuéjouls et à chaque fois, j’ai pensé à ces personnes qui avaient perdu la vie dans des conditions dramatiques… (Aubin : en 2015, un chauffard tue un policier lors d’un contrôle ; Montbazens : en 2018, le conducteur d’un tracteur sous l’emprise de l’alcool tuait deux enfants ; Lanuéjouls : trois jeunes de 17 ans perdaient la vie dans un accident, le chauffard roulait à vitesse excessive et sous l’emprise de l’alcool et de stupéfiants, NDLR). Puis, s’il y a une affaire qui n’a pu que nous marquer, c’est l’assassinat de Pascal Filoé à Rodez. Je venais juste d’arriver ici… Dans cette affaire, je salue le fonctionnement judiciaire. Elle a été jugée rapidement au terme d’un procès fort en émotions.

Ces dernières années, de nombreux crimes ont été perpétrés par des personnes sujettes à de lourds problèmes psychiatriques, remettant souvent en cause leur responsabilité pénale. Comment gère-t-on ce genre de dossiers ?

C’est très compliqué. On s’en remet plus que jamais aux experts psychiatriques… Existe-t-il un problème dans la prise en charge psychiatrique en Aveyron ? Je ne pense pas que ce soit différent d’ailleurs. Ici, nous avons en revanche un souci pour trouver des experts… Au-delà de la psychiatrie, s’il y a véritablement un chantier à mettre en œuvre dans les prochaines années, c’est la création d’un institut médico-légal. Nous dépendons de celui de Montpellier et ce n’est pas toujours simple.

Avez-vous le regret de ne pas avoir pu aller au bout de certains dossiers ?

Dire le contraire serait prétentieux. J’aurais aimé regarder de plus près les comportements potentiellement répréhensibles dans le monde du travail pour la protection des ouvriers et salariés. Il faut un meilleur regard sur cela. Un cinquième poste sera créé au parquet de Rodez à la rentrée donc j’espère que cela permettra d’avoir plus de temps et de moyens pour ces sujets. Puis, sur l’environnement, on a récemment mis en place un stage de sensibilisation et ce sera l’enjeu majeur de ces prochaines années. Il n’y aura pas forcément de grosses affaires mais nous devons être prêts.

Plusieurs audiences récentes ont mis en lumière un quotidien de plus en plus difficile au sein de la maison d’arrêt de Rodez. Quel regard portez-vous sur l’évolution de cette structure présentée comme modèle à sa création ?

Sa population carcérale a changé. Quand je suis arrivé, c’était une prison "locale" mais au fil des années, elle est devenue régionale. Elle a pâti de la situation de surpopulation d’autres établissements. Toulouse, Nîmes, Montpellier ne peuvent plus accueillir tous les détenus violents. Les personnels pénitentiaires doivent s’adapter à ce nouveau visage même si Rodez reste un établissement de qualité comparé à d’autres…

Votre successeur est connu : Nicolas Rigot-Muller, jusqu’alors procureur au Puy-en-Velay. Avez-vous un conseil à lui glisser ?

Il vient d’un département comparable, il ne sera pas surpris par ce qu’il va découvrir. Si j’avais un seul conseil, c’est de bien comprendre que la juridiction ruthénoise fonctionne bien mais elle a besoin de le faire savoir. Je lui dirai donc ne pas être modeste, des choses fonctionnent très bien ici. Et on pourrait prodiguer ce conseil à tous les Aveyronnais de manière générale.

Nicolas Rigot-Muller en fonction le 19 septembre

Le successeur d’Olivier Naboulet est connu : il s’agit de Nicolas Rigot-Muller. Procureur au Puy-en-Velay (Haute-Loire) depuis six ans, le quinquagénaire qui a passé toute sa carrière dans le camp de l’accusation publique doit prendre ses fonctions officielles le 19 septembre prochain en Aveyron. Son intronisation doit se dérouler au tribunal de Millau, histoire de mettre en lumière le travail réalisé par l’institution sur la justice de proximité. En Auvergne, dans les colonnes de nos confrères de La Montagne, le magistrat s’était décrit comme "un procureur ouvert sur la société", "un serviteur de la vérité" et non "un mercenaire de l’accusation".
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