Chasse : contre les accidents, un rapport du Sénat qui renvoie "pro" et "anti" dos à dos

  • Plus de contraintes sur la formation, ou la pratique pour les chasseurs.
    Plus de contraintes sur la formation, ou la pratique pour les chasseurs. Archives Centre Presse
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Après la mort de l'Aveyronnais Morgan Keane en décembre 2020, le rapport d'information de la mission  sénatoriale sur la sécurisation de la chasse, publié ce mercredi 14 septembre, comporte 30 propositions qui ne satisfont globalement personne. Tour d'horizon de la situation.
 

Le 2 décembre 2020, l'Aveyronnais Morgan Keane, 25 ans était tué dans un accident de chasse à Calvignac dans le Lot, "pris pour un sanglier" par un chasseur, lui aussi aveyronnais, alors qu'il ramassait du bois. Un drame qui avait provoqué l'émoi dans la région et au-delà, et le lancement d'une pétition qui avait dépassé les 100 000 signatures en deux mois (122 424 exactement), obligeant le Sénat à s'emparer du sujet. Une pétition qui demandait notamment l'interdiction de chasser le mercredi et le dimanche, une formation accrue des chasseurs et des règles de chasse plus strictes, un contrôle des armes de chasse en circulation et l'interdiction des armes les plus puissants, ainsi que des sanctions plus sévères pour les chasseurs ayant provoqué des incidents ou accidents, mortels ou non.

Une mission d'information sénatoriale sur la sécurisation de la chasse était donc lancée en décembre 2021, un an après la mort de Morgan Keane. Deux mois plus tard, comme en écho à ce drame, une autre Aveyronnaise, Mélodie Cauffet, 25 ans également, décédait dans un nouvel accident de chasse dans le Cantal, abattue par une chasseuse mineure au moment des faits.

En juillet 2022, l'association "Un jour un chasseur", à l'origine de la pétition, s'inquiétait déjà que quelques-unes des principales demandes des signataires, à savoir l'interdiction de chasser deux jours par semaine et l'interdiction des armes puissantes, ne seraient pas retenues dans les préconisations du rapport d'information de cette mission.

"Cette indécence nous choque"

Un rapport qui a été publié ce mercredi 14 septembre, et force est de constater que les craintes des signataires de la pétition, associations et individus, étaient justifiées. Concernant les deux jours non-chassés par exemple, le rapport de la mission d'information considère qu'on "ne retrouve pas cette surreprésentation dans les accidents ayant pour victimes des non-chasseurs qui se répartissent sur toute la semaine sans pic marqué le mercredi ou le week-end".

L'association relève même la proposition n° 20 d'introduire "dans le Code pénal un délit d’entrave au déroulement d’activités sportives ou de loisir légales". Un projet de loi déjà déposé en 2019 par Pierre Cordier, alors député LR des Ardennes, qui voulait créer "un délit d'entrave à un acte de chasse". Aujourd'hui, l'article R. 428-12-1 du code de l'environnement punit d'une amende de cinquième classe (1.500€) "le fait, par des actes d'obstruction concertés, d'empêcher le déroulement d'un ou plusieurs actes de chasse". 

Fustigeant un rapport "indécent", les associations anti-chasse réclament à nouveau "un référendum sur l'instauration du dimanche et mercredi sans chasse, l'instauration de périmètres de sécurité autour des maisons et la limitation de la portée des armes".

Un "mille-feuille de contraintes inadaptées et irréalistes"

Ce n'est pas pour autant que côté chasseurs, l'on soit heureux des propositions de ce rapport. Selon Midi Libre, la proposition d'interdire la consommation d'alcool et de stupéfiants durant la chasse, en alignant "le taux d'alcoolémie retenu, l'interdiction des stupéfiants ainsi que leurs sanctions respectives sur les règles en vigueur en matière de Code de la route", a fait réagir. Le bouillant président de la Fédération nationale de chasse Willy Schraen s'est emporté sur RMC : "De quel droit réserver ça aux chasseurs, un mec bourré sur un vélo c'est dangereux aussi (...) On nous fait passer pour des assassins, on est dans la caricature, sur des choses qui sont infondées. Aujourd’hui, le chasseur, ce n’est pas un alcoolique, ce n’est pas vrai !".

Le rapport préconise de "renforcer l’examen du permis de chasser en rendant obligatoire la maîtrise des armes semi-automatiques et une épreuve de performance au tir", ou encore de "conditionner la possession des carabines à une journée de formation théorique et pratique (si elle n’est pas incluse lors du permis de chasser)", parmi un lot "d'efforts" demandés aux chasseurs, que leur fédération nationale juge comme un "mille-feuille de contraintes inadaptées et irréalistes".

Un rapport donc qui globalement renvoie dos à dos pro et anti-chasse, dans un feuilleton qui reste à suivre.

Des stands de tir dans les communes ?

Parmi les autres propositions, un renforcement de la police de la chasse et du rôle des préfets, développer les postes de tir surélevés,  le retrait du permis qui pourrait être systématique et l'interdiction de le repasser portée à dix ans en cas d'homicide, la généralisation du tutorat des jeunes permis ou encore "encourager les élus à favoriser l'installation de stands de tir sur leurs territoires".

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