Aveyron : le mariage légitime de la double origine du couteau laguiole avec Thiers

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  • Aubry Verdier, président du Couteau Laguiole Aubrac Auvergne qui a obtenu l'Indication géographique pour le couteau laguiole, interrogé par Jean-Paul Pourrade à Soulages-Bonneval.
    Aubry Verdier, président du Couteau Laguiole Aubrac Auvergne qui a obtenu l'Indication géographique pour le couteau laguiole, interrogé par Jean-Paul Pourrade à Soulages-Bonneval.
  • Jean-Claude Bourret, journaliste, a aussi assisté à la rencontre qui s'est déroulée chez Michel Chambon, à droite sur la photo, pionnier du renouveau du couteau laguiole en 1985;
    Jean-Claude Bourret, journaliste, a aussi assisté à la rencontre qui s'est déroulée chez Michel Chambon, à droite sur la photo, pionnier du renouveau du couteau laguiole en 1985;
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Suite à l’obtention de l’indication géographique du couteau laguiole attribuée à l’association basée à Thiers, une rencontre s’est tenue récemment à Soulages-Bonneval entre historien et couteliers pour en expliquer et retracer cette légitimité.

"Rétablir la vérité". Tel est le leitmotiv de Michel Chambon, coutelier indépendant et pionnier du renouveau du couteau laguiole au mitan des années quatre-vingt à Laguiole. Et il y en a bien besoin tant l’homologation inscrite au journal officiel le 23 septembre dernier (article paru dans Centre Presse le 24 septembre, NDLR) de l’Indication géographique (IG) du couteau laguiole par l’institut national de la propriété industrielle (Inpi) en faveur de l’association Thiernoise Couteau Laguiole aubrac Auvergne (Claa) a semé le trouble.
Pour cette raison, une rencontre symbolique s’est tenue mercredi 28 septembre dans la coutellerie de Michel Chambon à Soulages-Bonneval, en présence d’Aubry Verdier, président de l’association Thiernoise Couteau Laguiole aubrac Auvergne (Claa), de Christian Lemasson, historien et ethnographe auteur de livres sur le couteau laguiole, et de Cathy Capelle, pionnière dans la commercialisation du couteau laguiole à l’étranger. « L’objectif est de faire éclater la vérité en s’appuyant sur les faits. C’est pour cela que nous avons fait venir Christian Lemassion pour s’assurer du contrôle historique », précise Jean-Paul Pourade, interviewer d’un jour et fondateur de l’association « Lou Masuc » qui travaille actuellement avec André Valadier (fondateur de la coopérative Jeune Montagne, NDLR) pour écrire « La mémoire des burons ». Un travail de mémoire qui le pousse, en amoureux de l’Aubrac, a retracé l’histoire du couteau laguiole pour apporter de la clarté à cette union reconnue par l’institut national de la propriété industrielle entre les bassins couteliers de Thiers et de Laguiole suite à l’obtention de l’Indication géographique du Claa.

Marque laguiole née à Thiers en 1859

Explication de texte par son président, Aubry Verdier, coutelier depuis six générations à Thiers : « La première marque laguiole est née à Thiers en 1859. C’est une histoire commune depuis plus de 150 ans entre Thiers et Laguiole pour fabriquer les couteaux. Il n’est pas contradictoire au sein d’une Indication géographique d’avoir deux zones géographiques distinctes. C’est d’ailleurs le cas du champagne. La loi vise à ne pas mettre de côté la légitimité avec trois buts : éclairer le consommateur, défendre le savoir-faire et dynamiser l’emploi. Fédérer les couteliers de Thiers et Laguiole permet de mieux se défendre des copies faites par des pays lointains, contre les importations Pakistanaises et Chinoises. »
C’est donc en ce sens que l’Inpi a homologué cette union entre les deux bassins historiques du couteau laguiole. « Les couteliers Thiernois ont baptisé à l’époque couteau de Laguiole car il s’agissait de la zone de chalandise. Il n’y a aucune animosité avec Laguiole, au contraire. Les Laguiolais sont venus chercher Thiers pour la capacité et la commercialisation », rappelle Aubry Verdier. Et Jean-Paul Pourade d’ajouter : « Le syndicat des fabricants aveyronnais du couteau de laguiole s’est aussi vu retoquer sa demande d’indication géographique car il ne compte que quatre adhérents (Durand, la Forge de Laguiole, Benoît l’Artisan à Laguiole et Laguiole en Aubrac à Espalion, NDLR) ce qui n’est pas représentatif du nombre de couteliers sur la zone du Nord-Aveyron revendiquée par leur syndicat. »

Fédérer et non diviser

Quid des coutelleries Brun, du Barry, Calmels, Coignet, Calmels à Laguiole ou de Laguiole Village à Espalion ? « Ce sont les quatre couteliers pour l’IG laguiole en Aveyron qui ont finalement légitimé l’IG laguiole avec Thiers. Il ne fallait pas diviser mais se fédérer. Ils ont voulu se partager le gâteau à quatre et ont perdu », constate en chœur le couple Francis Blandinières et Cathy Capelle, à la tête de Laguiole Village, à Espalion, présent aussi à la rencontre à Soulages-Bonneval, qui se refuse pour autant, d’adhérer au Claa. « Obtenir l’IG est une chose, le conserver en est une autre. »
Une IG est un atout mais a un coût. Et cela demande de la matière première qui se trouve principalement à… Thiers. « Sans Thiers, il n’y a plus de Laguiole. Comme il n’y a pas eu de fabrication de couteaux laguiole entre 1950 à 1985. Ceux qui aujourd’hui ont porté l’IG laguiole uniquement en Aveyron, rejoindront l’association qui associe les deux bassins couteliers », assure Jean-Paul Poujade. Tôt ou tard, le temps fera l’affaire.
En attendant, ils sont encore nombreux à ne pas avoir franchi le pas de l’adhésion, y compris les trois couteliers Meilleurs ouvriers de France (Mof) aveyronnais, à savoir Jean-Michel Cayron à Laguiole, Jérôme Lamic au Nayrac et Virgilio Munoz à Curières, qui exercent en indépendant. En toute liberté, loin des querelles de clochers. Comme Michel Chambon. « Ce n’est pas du courage de dire la vérité », conclut ce dernier pour légitimer la décision de l’Institut national de la propriété industrielle, à ce qui s’apparente à un mariage de raison.

Retrouvez l'entretien complet en vidéo :

 

 

 

 

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Les commentaires (1)
Amans-Ginisty Il y a 1 année Le 05/10/2022 à 10:42

Ayant eu l'occasion de rencontrer récemment Monsieur Lemasson, l'historien du couteau de Laguiole; il m'a précisé qu'il restait à l'écart de toute polémique et n'avait pas vocation à prendre parti, quand on le sollicitait, il ne parlait que de l'histoire, acceptant d'être sollicité par chaque oreille prête à l'entendre.