Economie: l'Aveyron face à de fortes inquiétudes pour 2023
Mais 2024 devrait amorcer une nouvelle reprise de l’économie, alors que les entreprises du département résistent encore bien cette année aux effets des crises. Explications de la Banque de France et de la CCI.
"Il faut s’attendre à un ralentissement sensible de l’économie avec de fortes incertitudes pour l’année à venir », prévient François Jeambrun, directeur de la Banque de France en Aveyron. Et ce, alors que les entreprises aveyronnaises tiennent bien le coup face à la crise ukrainienne et ses corollaires, hausse du prix de l’énergie et les difficultés d’approvisionnement en tête, celles-ci liées, de plus, aux confinements en Chine. Avec une inflation à 6,5 % en août (contenue grâce au bouclier tarifaire, contrairement aux autres pays de la zone euro), ce sont tous les prix qui s’envolent et impactent, à terme, la bonne santé des affaires. Ce qui est constaté en France l’est aussi pour l’Aveyron « où les entreprises demeurent solides sur un tissu économique sain dans tous les secteurs d’activité », rappelle Dominique Costes, président de la CCI de l’Aveyron. Une constante que cette capacité à faire face, dans ce département très diversifié en matière d’activités.
2022 : résilience en cours
Le contexte conjoncturel n’a donc jusqu’alors pas ou peu impacté les entreprises. « 2022 est l’année de la résilience, on a encore de la croissance, autour de 2,6 %, annonce François Jeambrun. Mais les trésoreries commencent à s’éroder et de nombreux indicateurs passent du vert à l’orange. On enregistre, de plus, des remontées d’incidents de paiement en plus grand nombre, liés au remboursement des prêts garantis par l’État, les PGE, même si l’allongement de la durée de ces remboursements a permis d’éviter un “mur de la dette”. Au final, les entreprises aveyronnaises ont mobilisé au cours des douze derniers mois 3,6 milliards d’euros de crédits soit une hausse de 5,8 % sur un an, ce qui plutôt bien ».
Des PGE bien digérés
Dans le bouclier mis en place par le gouvernement pour préserver le tissu économique, le prêt garanti par l’État (PGE) semble avoir bien joué son rôle. 2 800 entreprises aveyronnaises en ont profité pour un montant total de 412 M€. Et à l’issue de l’année 2021, 44 % de ces entreprises l’avaient remboursé, certaines mêmes ont profité du rebond économique pour ne pas l’utiliser et le conserver dans leur fond de roulement. La Banque de France à travers sa mission de médiation du crédit a, pour les PGE, été sollicitée par deux entreprises aveyronnaises seulement. Mais l’institution reste vigilante : « Pour 2022, il faudra quand même confirmer si des difficultés de remboursement n’apparaissent pas… », prévient François Jeambrun.
On retiendra également que l’investissement global est en progression de 6 % sur les six premiers mois de l’année, seul le BTP « accuse une légère décélération de 3 % ». Et François Jeambrun de rappeler que, dès 2021, 61 % des entreprises affichaient un chiffre d’affaires supérieur ou égal à celui de 2019, malgré les effets de la pandémie. « Nos entreprises ont donc abordé cette nouvelle crise actuelle avec une situation financièrement favorable », le « quoi qu’il en coûte » ayant joué son rôle.
2023 : ralentissement en vue
Pour autant les bonnes choses ne sauraient être gravées dans le marbre, les projections pour 2023 s’assombrissent, « avec un net ralentissement en perspective » lié au même cortège de crise : difficultés d’approvisionnement, tarif de l’énergie qui explose et guerre en Ukraine qui n’en finit pas. La Banque de France avance une fourchette de croissance réduite entre – 0,5 % et + 0,8 %. « Et compte tenu des facteurs d’incertitudes, on espère parvenir à une croissance de 0,5 % », affine François Jeambrun.
Aux difficultés récurrentes de recrutement, l’érosion des trésoreries demeurera d’autant plus sensible que l’envolée des tarifs de l’énergie a contraint les entreprises à en supporter la charge, sans pouvoir garantir leurs marges. Les chiffres d’affaires vont gonfler par cet effet mécanique d’accroissement des prix à la vente mais l’augmentation des bénéfices ne suivra pas, tant l’inflation impose de les contenir de façon raisonnée. Du coup, les trésoreries, les fonds de roulement, en seront d’autant plus affectés. Ainsi le secteur industriel prévoit 2 % de chiffre d’affaires en plus pour 2 % de marges en moins. Cette dégradation de la rentabilité d’exploitation augure d’une année difficile à mener, en termes d’investissements notamment. Au final « on sera proche, en 2023, de la récession », s’inquiète François Jeambrun.
Pourtant, peu de défaillances
Dans cette période pour le moins compliquée, on peut s’attendre à des défaillances d’entreprises, c’est-à-dire des liquidations pures et simples. Pour autant, les chiffres ne reflètent pas forcément l’importance de la crise. « Au niveau de l’Occitanie, il y en a eu plus en 2022 qu’en 2020 et 2021, mais moins qu’en 2019 », analyse François Jeambrun qui relève qu’en Aveyron, 74 entreprises ont dû mettre la clé sous la porte entre juillet 2021 et juillet 2022. Essentiellement dans le commerce et la restauration. « Mais on peut s’attendre à un retour à la normale », ajoute-t-il.
Dominique Costes, président de la CCI reste optimiste : « Fin septembre, nous sommes à 1 063 créations d’entreprises pour 408 radiations. En 2021, pour toute l’année, nous étions à 1 168 créations pour 482 radiations. Je crois que nous pourrons dire, en fin d’année, que nous aurons battu le record de créations d’entreprises en Aveyron ».
2024, reprise attendue
Les entreprises qui parviendront à faire le dos rond devraient respirer à nouveau en 2024 : la Banque de France situe à 1,8 % les prévisions de croissance, une augmentation salutaire qui pourrait être soutenue, notamment par la politique monétaire de la Banque centrale européenne qui s’emploie à la normaliser pour ramener, dans deux voire trois ans, l’inflation à 2 %. Il en va de la confiance des Européens en leur monnaie, que toute inflation tire vers le bas.
Vers le bas, c’est aussi à ce jour, la tendance du moral des entrepreneurs : « Un moral en baisse de 13 % et une confiance en l’avenir qui perd 8 points à 61 %, note Dominique Costes. Il est clair que les chefs d’entreprises aveyronnais nourrissent de grosses interrogations face à ce qui demeure un flot d’incertitudes. Ainsi, 49 % d’entre eux mettent en tête de leurs soucis les difficultés de recrutement auxquelles doivent faire face tous les secteurs, industrie, commerces et BTP en tête. S’y ajoute pour 92 % des entreprises que nous avons sondées la hausse du coût de l’énergie qu’elles estiment lourdement impactantes ».
Les économies d’énergie, voire la production interne que doivent développer les entreprises, sont au cœur de l’action pour surmonter un peu mieux les effets de la crise.
La CCI ne s’y est pas trompée en mettant en place une cellule dédiée pour permettre à ses ressortissants de réaliser des économies en ce sens. Nul doute qu’elle devrait être bien sollicitée.
Pouvoir d'achat: les ménages aveyronnais tiennent le coup
Que deviennent les particuliers, partie prenante du tissu économique et fortement bousculés, eux aussi, par l’inflation ? Le pouvoir d’achat a baissé, c’est un fait constaté par tous, mais peut-être pas autant que l’on pourrait le croire. Avec une inflation à 6,5 %, la baisse de la capacité des ménages à assurer leur quotidien se situerait plutôt sous la barre du 1 %.
La Banque de France garde toujours un œil sur les particuliers et constate « qu’il n’y a pas de signaux de défaillance concernant les ménages à ce jour, mais nous y restons très attentifs », résume François Jeambrun qui note, pour la Banque de France en Aveyron, que le nombre de dossiers de surendettement, dont elle a la gestion, continue à diminuer : « La baisse de ce nombre de dossiers se situe autour de 9 % depuis janvier dernier sur un peu moins de 300 dossiers inscrits en Aveyron ».
Mieux encore, les crédits contractés par les particuliers pour l’habitat essentiellement ont augmenté de 6 % sur un an. Il est vrai que les taux d’intérêt restent très bas : 1,57 % en moyenne pour des durées de 15 à 20 ans.
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