Abus sexuels dans l'Eglise : la colère de l'Aveyronnais Olivier Savignac face aux délais d'indemnisation des victimes

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  • Il dirige la présidence de l'association Parler et Revivre qui aide à libérer la parole des victimes.
    Il dirige la présidence de l'association Parler et Revivre qui aide à libérer la parole des victimes. Centre Presse - Mathieu Roualdès
Publié le , mis à jour
Propos recueillis par Jennifer Franco

L’Aveyronnais Olivier Savignac, agressé dans son adolescence par un prêtre pédophile, et le président de l'association d'aides aux victimes, Parler et Revivre, dénonce la lenteur des délais et pointe du doigt l’Inirr, l’une des deux commissions de reconnaissance et réparation.

Il y a un an était publié le rapport choc de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église catholique démontrant l’ampleur de la pédocriminalité depuis 1950. Depuis, des mécanismes de réparation ont été mis en place, mais à un rythme trop lent, aux yeux des victimes et des associations d’aide aux victimes.

Longs délais d’attente, carences professionnelles. Des victimes pointent les failles de l’Inirr et de la CRR, les deux institutions de reconnaissance et réparation promises par l’Église et les congrégations religieuses.

A lire aussi : Abus sexuels : le rapport Sauvé dénonce "l'indifférence" de l'Eglise catholique jusqu'en 2000

Où en est-on de la reconnaissance des victimes et de leur indemnisation ?

Le rapport est sorti le 5 octobre 2021. Dès le mois de novembre, la création de deux instances a été annoncée. D’un côté, l’Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation (Inirr) mise en place par la Conférence des évêques de France. Et de l’autre, la Commission de reconnaissance et de réparation (CRR) installée par la Conférence des religieux et religieuses de France. Ces deux commissions ont fait suite à la publication du rapport Sauvé et aux préconisations établies pour les personnes qui ont été abusées ou agressées par des gens de l’église mais dont les faits remontent à longtemps et ne peuvent pas être pris en charge par la justice.

Comment fonctionnent ces deux commissions ?

Ces commissions ont commencé à fonctionner en janvier. Aujourd’hui, presque neuf mois après leur mise en route, on se rend compte qu’il y a énormément d’insatisfaction, de doutes par rapport au bon fonctionnement que l’on pourrait attendre de ces instances.

Des commissions ont été mises en place sans véritablement donner les moyens d'exercer et de prendre en charge correctement les victimes

Concrètement, il y a un manque de rapidité dans le traitement des dossiers ?

Il y a eu un sous-dimensionnement des structures. C’est-à-dire, des commissions ont été mises en place sans véritablement donner les moyens d’exercer et de prendre en charge correctement les victimes. Ce sont des équipes qui se retrouvent en effectif réduit. Et face à la montée en puissance des demandes - on en est à 400 du côté de la CRR et 1 000 pour l’Inirr -, ces commissions n’arrivent pas à faire face. En particulier, celle des évêques de France, complètement sous l’eau et avec des délais d’attente assez affolants.

Un an après le rapport de la #CIASE : Témoignage de @SavignacOlivier, président de "Parler et revivre".
Il note « un bilan en demi-teinte pour les victimes ».#INIRR #CRR

\ud83d\udc49https://t.co/iPnzNCYXJb pic.twitter.com/4D3MCbHJMp

— KTOTV (@KTOTV) October 5, 2022

Une personne qui a déposé sa demande en avril ne sera prise en charge qu’au deuxième semestre 2023

Par exemple, une personne qui a déposé sa demande en avril ne sera prise en charge qu’au deuxième semestre 2023. Cela fait pratiquement dix-huit mois d’attente ! Si l’intention et l’objectif de ces instances étaient bons, derrière, la réalité est toute autre. Car la construction et la mise en place de ces commissions ont été complètement sous-évaluées. Avec, pour conséquence aujourd’hui, des dysfonctionnements à tous les étages.

A lire aussi : Rapport Sauvé : l’église aveyronnaise s’attelle à son "devoir de justice"

Quelles sont les répercussions pour les associations de victimes ?

L’association Parler et Revivre se trouve quotidiennement face à des personnes nous appelant en nous expliquant avoir déposé leur dossier à l’Inirr et n’avoir aucune réponse ou a contrario où on leur a indiqué que leur dossier ne sera pas pris en charge avant l’été 2023. C’est une catastrophe pour ces personnes car il s’agissait pour elles d’un espoir certain de pouvoir enclencher le processus, d’être reconnue comme victime et de percevoir une forme de réparation et d’indemnisation. C’est compliqué.

Je suis très inquiet, en colère

Quelles sont les répercussions pour les associations de victimes ?

Les dysfonctionnements de ces instances, notamment l’Inirr, font que Parler et Revivre se retrouve submergée. L’Inirr a une permanence téléphonique depuis seulement le 10 septembre et d’à peine huit heures par semaine. Ce qui est très peu comparé à Parler et Revivre, une toute petite association, qui englobe entre quinze et trente heures d’écoute par semaine. Notre rôle, aujourd’hui, est plutôt de rassurer les personnes déboussolées, perdues.

C'est rajouter de l'injustice à l'injustice, il y a une sorte de déni de la réalité

Ces dysfonctionnements ont des répercussions directes jusqu’à nos associations ou collectifs. Je suis très inquiet, très en colère aussi, parce que ce n’est pas faute de l’avoir dit à la présidente de l’Inirr, Marie Derain de Vaucresson, une haute fonctionnaire qui connaît bien le milieu de la protection de l’enfance. Aujourd’hui, l’Inirr réagit parce que l’on met la pression dans la presse. Les personnes déposant des demandes, ce n’est pas n’importe qui. Ce sont des gens qui ont énormément souffert au cours de leur vie et devraient pouvoir avoir une attention particulière. C’est rajouter de l’injustice à l’injustice. Il y a une sorte de déni de la réalité.

Lorsqu’on écoute la conférence de presse de l’Inirr, fin septembre, on annonce des délais de prise en charge de six mois. Alors que certaines personnes en sont à dix-huit mois d’attente. C’est trois fois plus.

Sur 1 000 dossiers posés entre janvier et août à l’Inirr, il y a eu 140 prises en charge dont 40 pour lesquelles une décision a été rendue

Vous dénoncez la manière de gérer…

C’est là où le bât blesse. C’est complètement en dessous de ce que l’on pourrait attendre de la part de professionnels. Sur 1 000 dossiers posés entre janvier et août à l’Inirr, il y a eu 140 prises en charge dont 40 pour lesquelles une décision a été rendue. 860 personnes sont encore en attente.

En un an, les contacts auprès de votre association se sont-ils multipliés ?

Oui, largement. Il y a eu d’abord l’effet du rapport de la Ciase avec une centaine de coups de fil à gérer en quelques jours après le 5 octobre 2021. Ensuite, cela a été un flot continu de personnes souhaitant avoir des informations sur les indemnisations et les deux commissions qui ont très peu communiqué dans les médias. Derrière, on est un peu le SAV, notamment, de l’Inirr.

Un an après le rapport, le travail est loin d’être fini…

Il y a encore beaucoup de choses à faire sur la libération de la parole et comment l’accompagner. Personnellement, je vais passer la main à la présidence de Parler et Revivre tout en restant un membre actif. En revanche, je ne veux pas lâcher le volet de la prévention qui doit désormais prévaloir. Il faut informer les personnes, former les professionnels à l’accueil des victimes. La Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) a pris la suite de la Ciase.

Contacts : www.inirr.fr et www.viereligieuse.fr
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