Aveyron : la pénurie de médecins est "inquiétante" et va "s’aggraver"

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  • La pénurie de médecins risque de s’aggraver dans les années à venir.
    La pénurie de médecins risque de s’aggraver dans les années à venir. Archives JAT
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Philippe Henry

Une récente étude de l’Association des maires ruraux de France (AMFR) pointe du doigt les écarts qui se creusent entre les zones urbanisées et rurales en termes d’accès aux soins. De plus, le manque de médecins généralistes mais aussi spécialistes risque d’aggraver dans les années à venir.

Les chiffres sont connus mais ils ne cessent d’interpeller. D’après une récente étude commandée par l’Association des maires ruraux de France (AMRF), 10 millions de Français vivent dans un territoire où l’accès aux soins est de qualité inférieure à celle de la moyenne du pays ; 6 millions d’entre eux résident à plus de 30 minutes d’un service d’urgence.

Aussi, une série d’études commanditées par l’AMRF en 2020 et 2021 a montré qu’entre l’aggravation des écarts d’espérance de vie, la moindre consommation de soins hospitaliers, le vieillissement des professionnels de santé ou encore la baisse de la densité médicale, les territoires ruraux sont les plus touchés. L’AMRF rappelle la nécessité de réorganiser le système de santé pour assurer "une égalité territoriale d’accès aux soins".

L’Aveyron n’échappe évidemment pas à cette problématique. "Je suis très inquiet pour l’avenir, confie le Dr Alain Vieillescazes, président du conseil de l’ordre. Cette étude expose des chiffres qu’il faut mettre en relief. Bien évidemment il manque des médecins, mais aujourd’hui le temps de travail d’un praticien qui exerce n’est plus le même. En moyenne, il est de 2,5 à 3 jours par semaine. Jusqu’à présent, nous étions plutôt sur 4 jours. Cette donnée est à prendre en compte lorsqu’on évoque cette pénurie de médecins. En réalité, il en faudrait bien plus." Pour le praticien, "cette étude présente une conception dépassée, le temps de travail des médecins n’est plus le même".

Près de 33 600 Aveyronnais se retrouvent ainsi sans médecin traitant, selon le Dr Vieillescazes. Ils font partie des six millions de Français dont l’accès aux soins " risque de se compliquer dans les années à venir". "La pyramide des âges des professions médicales ne plaide pas non plus en la faveur d’une amélioration de la situation", déplore le président du conseil de l’ordre.

L’association des maires ruraux de France parle même d’une "bombe à retardement" qui pourrait se déclencher dans les années à venir. " Avec de nombreux départs à la retraite qui vont arriver d’ici 4 ou 5 ans, la situation risque de se tendre un peu plus, confirme Alain Vieillescazes. Jusqu’en 2030, au moins, "nous allons connaître d’importantes difficultés".

Cette étude de l’AMFR se penche également sur la densité de médecins spécialistes. Là encore, les écarts entre les départements ruraux et urbains mais aussi ceux situés le long de la côte Méditerranée sont flagrants.

En Aveyron, sur les onze spécialités retenues pour cette étude (anesthésiste, cardiologue, gynécologue, ORL, ophtalmologue, etc.) il manquerait 135 praticiens pour que la densité à l’échelle départementale soit conforme à la moyenne nationale. Un chiffre considérable d’autant que "nous n’avons plus qu’un chirurgien ORL en Aveyron, qui va s’en aller. La rhumatologie est également en grande difficulté, évoque le Dr Alain Vieillescazes. Si le numerus clausus a été ouvert il y a peu, les effets ne seront réels que dans plusieurs années."

Alors, quels remèdes peuvent être trouvés pour faire face à cette situation ? " Déjà, on ne peut pas parler de solutions. Il ne s’agit que de mesures provisoires qui visent à contenir une situation difficile, explique le président du conseil de l’ordre. En Aveyron, nous faisons beaucoup avec la construction de maisons de santé, le Groupement hospitalier de territoire (GHT), la CPTS (Communauté professionnelle territoriale de santé), etc. Tout autant d’outils qui nous permettent d’affronter ces difficultés. " De son côté, l’AMFR, recommande de donner " les moyens aux étudiants en santé de faire des stages hors du lieu de formation initiale en développant les maîtres de stages universitaires dans toutes les professions médicales, les hébergements territoriaux des étudiants en santé, les aides au transport " ou encore de " développer le partage de compétences entre professionnels de santé ".

Face à ces fortes disparités, " il faudra aussi se poser la question de la liberté d’installation des médecins, alors que l’état sanitaire de la France est inquiétant".

En chiffres

6. Dans les bassins de vie, un médecin généraliste couvre en moyenne 30 km2, contre 5 km2 dans les bassins de vie urbains. La réalité de l’accessibilité à la présence est dix six fois plus faible en milieu rural qu’en ville, selon l’AMFR.
63 %. Deux bassins de vie ruraux sur trois (63 %) manquent de médecins généralistes. Ils se situent en dessous de la moyenne nationale.
3 388. Dans ces bassins de vie ruraux déficitaires, il manque 3 338 médecins généralistes pour égaliser la moyenne. En miroir, il y a, au total, 2 266 médecins généralistes excédentaires (par rapport à la moyenne) dans les bassins de vie urbains.
6 000. Au-delà de la moyenne, pour viser un objectif souhaitable de 1 médecin généraliste pour 1 000 habitants, il manque plus de 6 000 médecins généralistes dans les bassins de vie ruraux, toujours d’après l’étude de l’AMFR.
18 %. Si 31 % des bassins de vie urbains atteignent cet objectif de 1 pour 1 000, seuls 18 % des bassins de vie ruraux sont suffisamment dotés.
 

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Les commentaires (2)
Jptwelve Il y a 1 année Le 11/10/2022 à 14:29

comme le dit le président le temps de travail des médecins n'est plus le même; il y a quelques années ceux ci travaillaient 50 à 60 heures par semaine; aujourd'hui les 35 heures et même moins sont dans toutes les têtes ; ajoutez y la féminisation du métier et si on continue comme cela on ne peut aller qu'à la désertification et/ou pire au salariat dirigé ; il fallait et il faut encore ouvrir les vannes du NC de maniere sérieuse pdt plusieurs années sinon bonjour la cata !!! partis d'un système de soins aussi bien public que privé, parmi les meilleurs au monde, on va retrograder lamentablement et largement.

Altair12 Il y a 1 année Le 10/10/2022 à 08:11

Quand on voit comment ont voté l'Aveyron et les zones rurales en général on comprend mal qu'ils se plaignent des déserts médicaux, scolaires et autres ! ! !