"Avec la sécheresse, les fruits présenteront des tailles et des formes dont on n'a pas l'habitude" (Serge Zaka, docteur en agroclimatologie)

  • Des fruits plus petits et sans doute plus moches, voilà quelques-unes des conséquences du réchauffement climatique à l'heure des récoltes Des fruits plus petits et sans doute plus moches, voilà quelques-unes des conséquences du réchauffement climatique à l'heure des récoltes
    Des fruits plus petits et sans doute plus moches, voilà quelques-unes des conséquences du réchauffement climatique à l'heure des récoltes courtesy of Serge Zaka
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ETX Daily Up

(ETX Daily Up) - L'Union nationale interprofessionnelle cidricole a prévenu : les pommes à cidre seront plus petites cette année mais pas moins savoureuses, bien au contraire. Selon Serge Zaka, docteur en agroclimatologie, ce ne seront pas les seuls fruits à présenter les symptômes des épisodes de sécheresse qui ont marqué l'été dernier. Avec le réchauffement climatique, les végétaux seront plus petits, parfois plus biscornus, et potentiellement moins nombreux.

Nous avons connu de sévères épisodes de sécheresse cet été et l'on en récolte désormais le résultat : des pommes, mais aussi des noix et bien d'autres fruits plus petits. Pourquoi la taille des végétaux est-elle inévitablement restreinte quand il n'y a pas assez d'eau ?

Serge Zaka : La plante transpire par les feuilles. La perte d'eau est alors compensée par les racines qui cherchent à puiser dans le sol la ressource nécessaire. Quand il n'y a pas assez d'eau dans la terre, la circulation de l'eau au sein de la plante ralentit, ce qui a aussi pour effet de moins faire circuler les nutriments. La grosseur des fruits dépend de ce flux d'eau. Au final, les végétaux sont mûrs avant qu'ils n'atteignent leur taille habituelle. En période de sécheresse, quand les températures sont élevées, les fruits mûrissent plus vite. Leur période de croissance dure plusieurs semaines, en fonction du niveau du mercure.

La sécheresse peut-elle provoquer des sortes de malformations d'un fruit ou d'un légume ?

Ce n'est pas tellement des malformations mais plutôt des tailles dont on n'a pas l'habitude. La récolte de fruits plus petits pose des problématiques économiques. L'industrie agroalimentaire a imposé des normes autour du calibrage des fruits. Pour les légumes, c'est la même chose. Dans les restaurants McDonald's par exemple, les pommes de terre doivent présenter une longueur suffisamment importante pour convenir à la découpe. On peut transformer les fruits et légumes ne convenant pas aux cahiers des charges en compotes, mais c'est un secteur qui rapporte moins pour le producteur. Il existe un réel rapport entre l'esthétique et le prix. On ne met en magasin que les produits les plus beaux et les plus gros. Le consommateur croit, à tort, qu'un fruit biscornu ou moche et plus petit est moins bon. Or, un producteur devrait être rémunéré en fonction du goût de ses fruits et non pas de leur calibre. La conséquence, c'est le gaspillage alimentaire. A l'échelle mondiale, 19% de la production agricole est gaspillée, ce qui représente 30% des gaz à effet de serre de toute la chaîne alimentaire agricole.

Pour autant, cette sécheresse n'a pas que des désagréments puisque les fruits se concentrent en sucres…

Prenons l'exemple du raisin. On a découvert que certaines régions du Languedoc-Roussillon donnaient des vins dont le degré d'alcool avait augmenté entre 2 et 2,5 depuis 1984. Le cépage est pourtant resté le même. C'est une conséquence de la sécheresse. Les baies ne se remplissent pas d'eau de façon optimale, ce qui a pour effet de concentrer le sucre. On peut illustrer ce résultat avec l'exemple d'un verre de grenadine : au plus vous rajoutez d'eau, au moins vous aurez cette sensation de sucre. Lors de la vinification, les sucres se transforment en alcool. Puisqu'il y en a davantage, cela augmente aussi le taux d'alcool.

Sur le plan gustatif, les fruits ne sont-ils pas meilleurs compte tenu de cette concentration ?

En termes de goût, un fruit qui a manqué d'eau a ainsi plus de saveur. Cependant, les fruits sont moins nombreux. Dans le cas d'une sécheresse qui apparaît trop tôt, elle peut affecter la floraison. L'arbre n'a pas assez d'énergie pour remplir tous ses fruits et ne sélectionnera que certaines fleurs pour garantir sa survie.

Est-ce que certaines variétés de végétaux sont plus sensibles que d'autres à la sécheresse ?

Pour les cultures d'été, telles que le maïs, la tomate, l'aubergine ou la courgette, on commence à avoir des dégâts au-delà de 35°C au moment de la floraison. Il y a différentes températures optimales de culture : la vigne se plaît à pousser entre 30 et 35°C, le maïs à 31°C, le sorgho à 35°C, le blé à 27°C, le chou-fleur entre 20 et 25°C. Voilà pourquoi on plante ce dernier au printemps. Et voilà pourquoi il existe un calendrier des saisons pour chaque culture.

Avec le réchauffement climatique, est-ce que les lieux de culture des fruits et légumes pourraient se déplacer, à l'image des projections réalisées pour la filière viticole : plantera-t-on un jour de la banane en métropole par exemple ?

Il y a aussi des problématiques d'eau à prendre en compte. On ne pourra pas planter des cultures trop gourmandes en eau même si la température le permettra. Ce ne serait pas logique. En métropole, on recherchera surtout des cultures moins consommatrices d'eau et plus résistantes à la chaleur, comme la pistache, le sorgho ou le millet. Ces filières devraient se développer au cours des dix prochaines années. Nous n'en sommes qu'à l'étape des essais. Les agrumes, comme les oranges, qui poussent actuellement en Andalousie pourraient être plantés sur la Côte d'Azur. Dans le Sud-Ouest, on pourrait avoir des pertes conséquentes de maïs compte tenu du manque d'eau. Il y aura un décalage géographique avec des cultures qui pousseront davantage vers le nord, mais un décalage également temporel pour celles qui resteront où elles sont. Les dates de vendanges, qui commencent de plus en plus tôt désormais, en sont la parfaite illustration.

On illustre souvent le réchauffement climatique par les épisodes de sécheresse. Mais, le froid ne constitue-t-il pas une autre conséquence néfaste pour les cultures ?

Le gel risque de générer des dégâts sur les cultures dans le contexte du réchauffement climatique. C'est tout le problème du décalage des cultures. Si l'on reprend l'exemple de la vigne, un bourgeon déjà ouvert qui subit une température à -5°C vivra beaucoup moins bien la situation qu'un bourgeon resté fermé et subissant une période à -9°C. La problématique, ce n'est pas tant le gel, mais plutôt les périodes de douceur pouvant survenir en février ou mars, à l'origine du débourrement de la vigne.

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