Mort de Pierre Soulages : dans l'intimité de son atelier à Sète ou l'art de converser avec la vie
Doué d’une grande sociabilité, l’artiste aimait recevoir dans sa maison et son atelier à Sète. Il est décédé à 102 ans le 26 octobre.
Viscéralement solitaire dans son atelier, Pierre Soulages était, lorsqu’il lâchait pinceaux et grattoirs, un homme d’une exquise sociabilité. Il cultivait l’art de la conversation. Il aimait parler de son travail, de son parcours, de la peinture en général, de l’actualité. On était frappé par sa jeunesse d’esprit, par la lueur pétillante de son regard, par la précision de son propos. La parole était, tout autant que ses toiles, une arme de séduction.
Il parlait de ses amis comme s'il venait de les quitter
Converser avec Soulages, souvent autour d’un verre de Porto, c’était remonter le temps de façon vertigineuse. Il parlait de ses amis Hans Hartung, Francis Picabia, Raoul Dufy et Fernand Léger comme s’ils venaient de les quitter. Il était en revanche moins disert sur les générations qui le suivaient, esquivant lorsqu’on évoquait les stars actuelles du marché de l’art. Il restait sur sa planète. Égotique comme tous les génies. Les records de ses toiles aux enchères l’amusaient. Il avait franchi le mur des dix millions de dollars. "L’art et l’argent ne font pas toujours bon ménage" disait-il. Mais il était loin d’être indifférent à cette forme spectaculaire de reconnaissance.
Vue sur mer
Soulages recevait dans sa maison de Sète. Une villa moderne édifiée sur le Mont Saint-Clair, collée au cimetière marin, noyée dans une végétation méditerranéenne, avec la mer pour seul horizon. "On se croirait dans un tableau" avais-je remarqué lors de ma première visite, m’attirant cette réplique souriante : "Oui mais un tableau figuratif". Le maître des lieux avait accroché dans le séjour un outrenoir que la réverbération marine animait de somptueuses lumières. C’est là qu’il avait reçu la visite des époux Macron en 2018.
Il ne se montrait jamais en train de travailler
S’il ne se montrait jamais en train de travailler, il ouvrait volontiers, à Sète ou à Paris, les portes de ses ateliers qui ressemblaient à des laboratoires d’une propreté clinique, méticuleusement ordonnés, pinceaux, brosses, et toute une gamme de grattoirs artisanaux rigoureusement rangés. Les toiles étaient le plus souvent posées à l’envers contre le mur. Soulages en retournait quelques-unes mais ne se confiait guère sur les secrets de fabrication des outrenoirs.
On se rendait comme en pèlerinage chez ce dernier des géants qui défiait le temps avec sa peinture intemporelle. Et on était chaque fois touché par la simplicité chaleureuse de cet homme qui vivait intensément l’instant présent. Peut-être le secret de sa longévité.
à cet article à partir de





J'ai déjà un compte
Je me connecteSouhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?