Pierre Soulages : quand le maître éclairait l’abbaye Sainte-Foy à Conques

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  • Pierre Soulages, lors de l'inauguration des vitraux de Conques en 1994, en présence de Jacques Toubon, alors ministre de la Culture.
    Pierre Soulages, lors de l'inauguration des vitraux de Conques en 1994, en présence de Jacques Toubon, alors ministre de la Culture. - Picasa
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C’est en répondant à la commande de l’État en 1986 que le peintre de l’outrenoir rallume l’abbatiale avec Jean-Dominique Fleury,  maître verrier, qui assistera ce vendredi 4 novembre à 14h30 à la messe de requiem à Conques.

L’abbaye de Conques, lieu de ses premières émotions, a eu raison de la vocation de Pierre Soulages. Alors âgé de 12 ans, il visite pour la première fois l’édifice avec sa classe du lycée Foch à Rodez. Sa visite suivante, deux ans plus tard, sera déterminante, le bouleverse, au point de vouer sa vie à l’art : « C’est ce jour-là que je me suis dit que je voulais être peintre, et non architecte. »

Dans les faits, il faudra attendre que Claude Mollard, ancien délégué des arts plastiques souffle le nom de Pierre Soulages à Jack Lang, alors ministre de la Culture, pour passer commande en 1986. À l’origine le choix de Conques n’est pas arrêté par l’État, il sera orienté par Pierre Soulages avec l’ambition de redonner vie aux vitraux de la basilique romane aveyronnaise. La commande est confirmée à Soulages en février 1987. Cette année-là, le maître de l’outrenoir se rend à l’atelier de Jean-Dominique Fleury, verrier, installé à Toulouse, spécialisé dans la restauration de monuments historiques et créateur de vitraux. « Il avait dès le départ cette idée de lumière mais comment faire ? », se souvient Jean-Dominique Fleury. Le peintre aveyronnais ne reviendra qu’un an plus tard frapper à nouveau à la porte de son atelier. « Il a rencontré d’autres verriers comme on fait le tour de France des compagnons », glisse-t-il. Et d’ajouter : « Je suivais son travail, j’étais peintre au départ. J’avais vu son exposition à Beaubourg en 1979, c’était un tournant, les toiles étaient présentées dos à dos ».

Le concours de circonstances concrétise ce travail en commun qui durera sept ans. Sept années à se côtoyer au quotidien, dans son atelier ou celui du peintre à Sète. « On a cheminé côte à côte par un échange constant. Pendant sept années de sa vie, il n’a fait que ça. Il était exemplaire dans son travail, il ne s’est jamais départi de son idée de départ. Il a gardé le cap sans abandonné ni fait des concessions. Il était fort mentalement. Ce cap c’était la lumière translucide pour redonner à l’architecture sa façon originelle. Réguler la lumière pour la respecter. Une seule couleur qui irradie de plusieurs nuances en fonction des jours et des saisons avec un seul matériau qui donne le côté minéral », détaille le maître verrier.

7 ans, 700 tentatives

Sept années de recherches dont deux années de réalisation ont été nécessaires pour donner corps à ce projet qui dénombre 104 vitraux, dont 95 fenêtres et neuf meurtrières, soit 305 m2 de verres. Pour ce faire, 400 essais ont été effectués au centre international de recherche sur le verre de Marseille, puis 300 supplémentaires au centre de recherche de Saint-Gobain Vitrage à Aubervilliers, pour concevoir le verre adéquat dans un laboratoire en Allemagne. « On a tout inventé : chaque plaque de verre est de 8 millimètres d’épaisseur alors que la moyenne est de 2 millimètres. La plus grosse difficulté fut le poids qui demandait de la manutention, fabriquer les outils pour porter la charge jusqu’à 80 kg le panneau…Ce fut un travail de longue haleine pour trouver la qualité du verre. » Et de confier sur l’artiste : « C’était quelqu’un de debout, planté, par sa présence, son charisme, sa stature d’1,93m, dans la simplicité des gestes et de ses dires, avec un œil impeccable. » Comme l’homme qui marche de Giacometti, en somme.

Les nouveaux vitraux ont été inaugurés le 26 juillet 1994. Et en 2016, le musée Soulages de Rodez fait l’acquisition du fonds documentaire de Jean-Dominique Fleury soit 800 photos, mille calques, une vingtaine d’outils, des croquis… pour évoquer la folle aventure.

Le maître verrier, installé à Bruniquel, revient souvent à Conques, là, où avec la poignée d’artisans de son atelier, il a donné vie aux vitraux et rallumé l’abbaye, pour « voir l’ensemble être en résonance, voir ce que personne ne peut voir, en repensant à chaque centimètre conçu. » Pierre après pierre. Et de conclure : « Chaque moment de la journée me ramène à Soulages. »

Jean-Dominique Fleury cheminera encore à Conques ce vendredi pour assister à la messe de requiem et voir comment est la lumière de 14 h 30 en ce 4 novembre.
 

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