Ukraine : quelle est l'origine du missile tombé en Pologne qui a fait deux morts ?

  • Un conseil de défense convoqué en urgence en Pologne.
    Un conseil de défense convoqué en urgence en Pologne. Photo MAXPPP - RADEK PIETRUSZKA
Publié le , mis à jour
M.C.

Une explosion a fait deux morts en Pologne mardi 15 novembre. Le gouvernement polonais a annoncé que ce tir de projectile était "de fabrication russe". L’Occident reste toutefois prudent quant à son origine, à l’instar de l’Élysée, qui s’inquiète de risques d’escalade. L’Otan se réunit en urgence ce mercredi 16 novembre. 

Le gouvernement polonais s’est réuni mardi soir en urgence, après une explosion enregistrée sur son territoire près de la frontière. Plusieurs questions se posent désormais.

1. Que s’est-il passé en Pologne ?

Deux personnes sont mortes mardi dans une explosion à Przewodow, village de l’est de la Pologne près de la frontière avec l’Ukraine. Un responsable des services de renseignement américains a affirmé qu’elle avait été provoquée par des missiles russes tombés en Pologne et le président ukrainien Volodymyr Zelensky a rapidement mis en cause le Kremlin dénonçant "une escalade très importante".

"Nous avions prévenu depuis longtemps que les actions russes ne se limiteraient pas à l’Ukraine", a-t-il commenté. Le département d’État américain a qualifié, lui, d’ "incroyablement préoccupantes" ces information.  Washington disait toutefois ne pas être en mesure de confirmer la responsabilité de la Russie et Varsovie appelait à la prudence. La nature du projectile (drone, missile, obus ?) restait, elle aussi, à déterminer.

Le ministère russe de la Défense a démenti, de son côté, que des missiles russes aient atteint la Pologne, dénonçant une "provocation". En attendant le résultat des enquêtes, le Premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, a placé son armée en état d’alerte et convoqué mardi soir une réunion d’urgence de son conseil de sécurité nationale et des affaires de défense. La Hongrie a fait de même.

2.Quelles peuvent être les conséquences ?

Les États-Unis s’efforcent de rassembler des informations avec les autorités polonaises et détermineront ensuite quelles sont les mesures appropriées à prendre, a précisé mardi soir la présidence américaine.
Emmanuel Macron a pris contact, de son côté, avec la Pologne et envisage une "discussion" ce mercredi au G20, indique l’Élysée. Le sujet est particulièrement sensible la Pologne étant tout à la fois membre de l’Union européenne et de l’Otan.

Or l’article 5 du traité de l’Alliance atlantique stipule "qu’une attaque armée" contre l’un des pays membres "sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties" de l’Otan, entraînant une réaction de leur part, en utilisant les moyens nécessaires, "y compris […] la force armée". Bref une attaque contre la Pologne pourrait théoriquement faire basculer les membres de l’Otan, comme la France, dans la guerre. Mais ce n’est pas la seule option et rien ne prouve à ce stade qu’il s’agit d’une attaque. La question du caractère accidentel ou intentionnel de cette frappe sera essentielle. La Pologne réfléchit, à ce stade, à l’activation de l’article 4 du traité de l’Otan permettant des consultations entre pays membres de l’Alliance, a précisé mardi soir le porte-parole du gouvernement, Piotr Muller. Reste que ce scénario d’un débordement, volontaire ou non, en Europe, était redouté par l’Otan qui surveillait de près la frontière entre la Pologne et l’Ukraine, notamment avec l’appui des Rafales français.

3. Quelle situation en Ukraine ?

Ce nouveau rebondissement intervient au moment où la guerre connaît un tournant. Pour les autorités ukrainiennes, la reconquête récente de Kherson, ville annexée par référendum, la seule capitale régionale prise par Moscou, est "le succès politique le plus important depuis le début de la guerre", souligne Cyrille Bret, géopoliticien à Sciences Po Paris, chercheur associé à l’Institut Delors, à la tête du site eurasiaprospective.net. L’armée ukrainienne a démontré qu’elle était capable "de reprendre des objectifs stratégiques" et la population "constate que sa résistance paie", souligne-t-il.

"En libérant la ville sans grandes pertes, de même que la rive droite du Dniepr, Kiev a reconquis une part importante de son territoire et peut mettre à l’abri la ville de Mykolaïv, porte d’accès vers Odessa", analyse le général Pellistrandi, rédacteur en chef de la “Revue Défense nationale”. Le Dniepr protège ainsi la rive droite et empêche toute manœuvre de reconquête par la Russie, un franchissement massif étant quasi impossible." Mais surtout, souligne l’universitaire montpelliéraine Carole Grimaud, professeure de géopolitique et spécialiste de la Russie, pour l’Ukraine, c’est aujourd’hui "un pas de plus vers la Crimée".

4. Comment les stratégies évoluent

Le repli des forces russes a redessiné, de plus, la ligne de front. "Le Dniepr protège ainsi la rive droite et empêche toute manœuvre de reconquête par la Russie, un franchissement massif étant quasi impossible, estime le général Pellistrandi. À l’inverse, l’Ukraine n’est pas plus en mesure de franchir le Dniepr pour accéder à la rive gauche. La priorité semble désormais se concentrer à nouveau autour du Donbass avec la ville de Bakhmut comme centre de gravité des combats."

Kiev devrait suivre sa stratégie payante. "C’est ce qu’ils font en poursuivant les combats plus au nord de Kherson, coupant ainsi l’approvisionnement des troupes russes au sud et en Crimée", précise Carole Grimaud.
Comment la situation peut-elle évoluer sur le terrain en Ukraine ? "En fonction de ses capacités restantes va poursuivre à l’Est du Dniepr probablement par le Nord pour attendre la mer d’Azov puis poursuivre vers la Crimée", anticipe le général Trinquand, ancien chef de la mission militaire française à l’ONU. La Russie va renforcer son dispositif dans le Donbass pour gagner du terrain et défendre la Crimée tout en continuant à détruire les sites d’énergie de l’Ukraine." 

L’Ukraine a demandé mardi une "réaction" du G20, réuni en Indonésie, après un nouveau déluge de feu russe qui a privé plusieurs millions de personnes d’électricité, de Kharkiv à Kiev. Une stratégie de la terreur et du black-out menée par la Russie qui tente ainsi de neutraliser les infrastructures énergétiques du pays et atteindre par là même le moral de la population, dont le soutien est crucial pour l’armée. La Russie a plusieurs lignes explicites, glisse Cyrille Bret : "A court terme, reconstituer ses forces armées en mobilisant les réservistes, à moyen terme engager une nouvelle offensive sur le Donbass pour éviter le scénario Kherson." Car Volodymyr Zelensky "ne transigera pas sur son intégrité territoriale et continuera ses opérations jusqu’à ce que son territoire soit revenu aux frontières de son indépendance de 1991, y compris la Crimée annexée illégalement en 2014", souligne Cyrille Bret.

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