Mieux qu'un goût de banane, le Beaujolais nouveau a la saveur de la convivialité !

  • On déguste le Beaujolais Nouveau tous les troisième jeudi du mois de novembre depuis 1985.
    On déguste le Beaujolais Nouveau tous les troisième jeudi du mois de novembre depuis 1985. franckreporter / Getty Images
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ETX Daily Up

(ETX Daily Up) - Rituel quasi immuable chaque troisième jeudi du mois de novembre, la sortie du Beaujolais Nouveau est devenue un vrai prétexte pour se rassembler autour d'une table garnie de belles charcuteries et célébrer les plaisirs de la vie. Voilà près de quatre décennies que ce jus primeur orchestre la convivialité qui accompagne sa consommation, faisant fi de toutes critiques quant à sa qualité soi-disant médiocre, sinon sans intérêt gustatif.

Chaque troisième jeudi du mois de novembre, c'est la même ritournelle : il y a ceux qui ont prévu de fêter la sortie du Beaujolais Nouveau et il y a les autres qui lui reprochent son goût de banane. Ce deuxième camp brigue généralement le même argument pour expliquer pourquoi il ne s'enthousiasme pas à l'arrivée de ce vin primeur préparé par les appellations Beaujolais et Beaujolais Villages : "c'est un coup marketing", se plaît-il à reprocher. On ne peut en effet pas ignorer la motivation d'InterBeaujolais, l'interprofession qui représente les appellations du vignoble, à orchestrer une communication à grand fracas autour de son jus nouveau, en provenance de la toute dernière campagne de vendanges. Il y a dix ans, 1,5 million d'euros avaient été dépensés pour habiller sur papier glacé une bouteille de "Beaujol'Pif" en robe stylée façon fashion week parisienne afin de redorer l'image d'un vin à la qualité jugé médiocre. Il fallait au moins cette enveloppe de gros billets pour tenter de contrer la baisse de sa consommation. Entre 2004 et 2016, les ventes de Beaujolais Nouveau en France et à l'étranger étaient passées de 493.700 hectolitres à 188.400 hectolitres.

Dans un contexte de baisse constante de consommation de vin rouge en France - en chute de 32% au cours de ces dix dernières années, selon l'institut Kantar, s'associer à la fête autour de la sortie du Beaujolais Nouveau constitue une forme de soutien aux vignerons du Beaujolais. 133.000 hectolitres, soit 18 millions de bouteilles, ont été vendus l'année dernière, ce qui représente seulement 20% de la commercialisation totale d'un vignoble comptant dix crus. Pour les producteurs, la vente de leur jus primeur est une avance de trésorerie, dans un contexte climatique qui fragilise leur activité. Dans le Beaujolais cette année, on n'avait pas sorti le sécateur aussi tôt depuis 2003. Si la chaleur et la sécheresse ont favorisé la concentration des sucres dans les baies, elles ont aussi un effet négatif sur les rendements, estimés en baisse de 23% par rapport aux cinq dernières années.

Une fête depuis les années 80

Si les débuts du Beaujolais Nouveau remontent à 1951 lorsque l'Union viticole du Beaujolais obtient l'autorisation de commercialiser son jus primeur au mois de novembre, alors que le vin du dernier millésime ne pouvait théoriquement être vendu qu'à compter du 15 décembre, la convivialité qui structure la popularité du "Beaujo" remonte aux années 80. En 1985, pour faciliter la mise sur le marché de ce vin produit uniquement à partir de gamay (un raisin noir à jus blanc), un décret fixe au troisième jeudi de novembre la mise à la consommation. Cette décision crée un vrai rendez-vous pour les consommateurs français qui savent à quel moment précis ils ont la possibilité d'acheter une bouteille dans les grandes surfaces. En 1989, Beaujeu, capitale historique du Beaujolais, décide d'accueillir des touristes pour fêter la sortie du Beaujolais Nouveau à l'occasion des "Sarmentelles". A minuit pile, on perce les tonneaux, on trinque joyeusement et on intronise de nouveaux Compagnons du Beaujolais.

La sortie du jus primeur devient alors prétexte à célébrer les plaisirs de Bacchus, jusque dans les bouchons lyonnais. Dans la capitale des Gaules, le rendez-vous est donné place Saint Jean pour goûter chaque année le nouveau millésime, et jusque dans les cafés-cantines et les cavistes. Cette convivialité qui porte le Beaujolais Nouveau comme un symbole de fête avait été illustrée par Jean-Charles de Castelbajac lorsque le créateur de mode avait accepté de signer l'affiche de promotion de la campagne 2017. Le designer avait imaginé le vin comme une célébration poétique de la vie incarnée par un sablier constitué d'un soleil et d'un coeur.

En réalité, la fièvre pour le Beaujolais Nouveau avait déjà commencé à monter sous l'impulsion du célèbre négociant Georges Duboeuf. Si nombre de vignerons actuels lui reprochent d'avoir recommandé l'usage de la levure 71B, l'ingrédient responsable de ce fameux goût de banane qui a longtemps égratigné l'image du vin primeur, celui que l'on surnommait le "roi du Beaujolais" jusqu'à sa mort en avril 2020 a aussi contribué à faire connaître le Beaujolais Nouveau aux étrangers. Chaque année, le producteur avait l'habitude de se rendre au Japon et aux Etats-Unis pour ouvrir les premières bouteilles. Ce sont justement les deux plus grands importateurs de "Beaujol'pif", avec respectivement 3,6 millions de bouteilles et 1,3 million de bouteilles écoulées en 2021. Le jus primeur est arrivé au pays du soleil levant dans les années 80 où il est célébré en grande pompe au moyen de flacons de qualité. L'engouement est tel que les Japonais ont été les premiers, avant les Français, à goûter à la version rosé du Beaujolais Nouveau en 2006.

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