Respirateurs contre l'apnée du sommeil défectueux : Philips plonge un peu plus vers le scandale

  • Depuis le début de l'affaire, l'action Philips a perdu plus de la moitié de sa valeur en bourse.
    Depuis le début de l'affaire, l'action Philips a perdu plus de la moitié de sa valeur en bourse. Archives Centre Presse
Publié le , mis à jour

La justice française a reçu des documents qui montrent que l'industriel néerlandais aurait continué d'équiper ses respirateurs d'une mousse potentiellement cancérigène, malgré des alertes émises pas son fabricant américain.

Ils sont encore quelque 128.000 Français à continuer à utiliser ces respirateurs Philips contre l'apnée du sommeil. Pourtant, selon une information exclusive de France Info, ces respirateurs seraient potentiellement dangereux, la faute à une mousse en polyuréthane, utilisée pour insonoriser ces appareils, qui peut devenir cancérigène en se dégradant et être directement inhalée par les utilisateurs.

Une mousse fabriquée "en vrac", non "à des fins médicales"

Selon des documents transmis à la justice française consultés par France Info, depuis au moins 2016, Philips aurait continué d'utiliser cette mousse dans la fabrication de ses respirateurs malgré plusieurs alertes émises par un fabricant américain, la société Wm. T. Burnett. Le directeur technique senior de Burnett, Lee Lawler, explique que sa société fabrique de la mousse  de polyuréthane "en vrac", pour l'industrie et non dans un but médical. Entre 2016 et 2021, consulté par des sous-traitants et des représentants de Philips sur la possibilité de dégradation de cette mousse, lui et sa société ont "systématiquement déconseillé l’utilisation de mousse de polyester sans stabilité hydrolytique". “Cela ne me surprendrait pas si dans la chaleur et l'humidité cette mousse commence à se désintégrer au bout d'un an", écrit-il notamment par mail à l'un de ces sous-traitants. "Dans la mesure où Philips a utilisé de la mousse Burnett pour les appareils médicaux qui font l’objet de ce litige, Burnett n’a jamais été consulté sur l’utilisation de cette mousse (…) et n’avait pas connaissance de l’utilisation par Philips de cette mousse à des fins médicales”, a-t-il déclaré le 1er avril 2022 devant la cour de Pennsylvanie, saisie sur le sujet.

Lenteur des rappels, la justice en marche

Sous la pression, Philips a informé les marchés de la défaillance de ses respirateurs le 26 avril 2021, et a commencé à rappeler à partir de juin 2021 quelque 5,3 millions de respirateurs, dont 382.000 sont enregistrés en France. fin février 2022, seuls 25.000 de ces respirateurs "français" avaient été rappelés. En octobre 2022, le groupe affirmait que 60% des respirateurs et autres ventilateurs défaillants ont été remplacés ou étaient en passe de l'être, et qu'à la fin de l'année, 97% le seront, et remplacés par des appareils neufs ou "corrigés" avec une nouvelle mousse en silicone... qui fait déjà débat. 

Le 20 juin 2022, une enquête préliminaire a été ouverte par le pôle de santé publique du Parquet de Paris, qui a connaissance de 26 plaintes, dont huit au pénal, pour "mise en danger de la vie d'autrui", "tromperie aggravée" et "administration de substances nuisibles" à l'encontre de Philips. En septembre, c'est l'association d'investisseurs privés néerlandaise VEB

Dans le monde, nombreux sont les utilisateurs de ces respirateurs qui se plaignent d'effets secondaires, voire de cancers. En France, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) avait enregistré autour de 3 074 signalements d'effets indésirables "dont 159 mentionnent un cancer", détaille France Info, pour qui une centaine de Français, dont environ 10% sont touchés par des cancers, ont également décidé de porter plainte contre Philips. Les 51 associations de malades respiratoires regroupées dans la Féderation française des associations et amicales de malades, insuffisants ou handicapés respiratoires (FFAAIR) a cité Philips à comparaître ce 16 novembre 2022 devant le tribunal judiciaire de Nanterre afin que le groupe lui communique la composition exacte de sa mousse en polyuréthane, ce que Philips a refusé de faire.

Au contraire du dirigeant de Burnett Lee Lawler, qui l'a révélé dans les documents qui sont à présent dans les mains de la justice française.

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