Aveyron : entrez dans les entrailles de l'imposant orgue d’Espalion
L’organiste Paul Lamic est le guide hors pair pour faire découvrir l’orgue de Saint-Jean-Baptiste.
Cet été, l’orgue de l’église Saint-Jean Baptiste d’Espalion, était consigné pour cause de canicule mais également d’hygrométrie insuffisante. Rendez-vous a été pris avec Paul Lamic, organiste régulier sur cet instrument et passionné des orgues liturgiques, pour découvrir plus en détail cet instrument, au retour de meilleures conditions. Heureusement, la sortie de l’été et les conditions climatiques un peu plus clémentes ont permis la remise en fonction de l’instrument et de pénétrer dans ses entrailles grâce au guide Paul Lamic.
Il a remplacé celui détruit dans un incendie
L’orgue actuel a remplacé celui hérité de l’ancienne église Saint-Jean. Cet instrument n’a en effet pas survécu à un incendie. Deux poutres linteaux partiellement calcinées témoignent encore aujourd’hui de ce sinistre.
Un nouvel instrument a alors été commandé grâce notamment à la générosité de la famille Poulenc – Émile Poulenc a été l’un des fondateurs des établissements Poulenc frères qui deviendront plus tard le groupe Rhône-Poulenc – et à leur soutien sans faille de la paroisse d’Espalion. L’un des membres de la famille, Francis Poulenc, a été un pianiste et un compositeur émérite à l’origine de nombreuses œuvres.
L’orgue mis en construction en 1896 (période romantique) est de marque Puget (une famille de facteurs d’orgue de 1843 à 1960) à transmission pneumatique. L’arrivée de cette technologie a révolutionné l’usage de l’orgue. L’absence de transmissions rigides, le plus souvent en bois et donc limitées en longueur, a permis d’éloigner la console des sommiers et des tuyaux d’orgue. L’organiste se retrouva donc face au cœur pour une meilleure visibilité des offices. Cette technologie est cependant sensible à la température et à l’hygrométrie et le temps de réponse un peu lent ne permet pas une restitution fidèle de la vélocité de l’organiste, contrairement à la transmission mécanique. Dès l’arrivée de l’électricité, la transmission pneumatique a été abandonnée, au profit de technologies bien plus fiables et plus véloces.
Un orgue à transmission pneumatique
La transmission pneumatique exige également un débit d’air important pour la commande des notes depuis les claviers jusqu’aux tuyaux d’orgue. Le réservoir d’air (tampon qui permet une pression constante) est donc très volumineux. À l’origine, le remplissage en air des deux réservoirs – le plus grand réservoir pour la commande des notes via les soupapes et le réservoir secondaire pour le "vent" envoyé dans les tuyaux pour la génération du son – se faisait à l’aide d’une pompe manuelle à pédales qui devait exiger un effort et un temps certain avant d’envisager le moindre jeu sur l’instrument ! Depuis, une pompe électrique a remplacé ce dispositif rudimentaire mais fiable et gratuit en énergie.
L’orgue d’Espalion comporte quinze jeux (sonorités) dont cinq jeux à anches. Cet investissement n’ayant pu être anticipé, il a fallu faire des compromis entre le souhait de disposer d’un instrument puissant et de bonne facture à la mesure de la "notoriété" et de la splendeur du lieu censé l’accueillir et les moyens financiers de la paroisse d’Espalion. Ce qui explique la combinaison pour un même jeu (registre) de tuyaux métalliques et de tuyaux en bois (habituellement utilisés pour les notes les plus graves jouées au pédalier) sensiblement moins coûteux que leurs équivalents en métal (alliage de plomb et d’étain). Il faut ici saluer le savoir-faire des facteurs d’orgues car la différence de timbre pour un même jeu est à peine perceptible entre les tuyaux métalliques et les tuyaux en bois.
Anches et embouchures
Deux systèmes de génération du son sont employés dans ce type d’orgue liturgique : les systèmes à anches (telle une clarinette) et les systèmes à embouchure (telle une flûte).
De l’ingéniosité et beaucoup de savoir-faire
Comparés aux technologies modernes du XXIe siècle, ces instruments peuvent paraître "rustiques" mais à y regarder de plus près, que d’ingéniosité et de savoir-faire et ça fonctionne toujours. L’obsolescence programmée ne figurait pas au cahier des charges des facteurs d’orgue. Des procédés simples mais efficaces permettent l’accordage précis de l’instrument et l’homogénéisation des volumes sonores pour chaque note pour peu que l’on ait quand même une bonne oreille !
Ce qui ne se voit pas mais qui s’entend
Au-delà de l’ingéniosité et des savoir-faire des facteurs d’orgue, l’instrument devait sa signature sonore (sa "marque de fabrique") à des recettes secrètes et jalousement gardées quant au mélange plomb-étain pour la fabrication des tuyaux !
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