Aveyron : un veau à six pattes opéré avec succès, les coulisses d'une opération "rarissime" et "délicate"

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  • L'opération a duré 2 h 30. L'opération a duré 2 h 30.
    L'opération a duré 2 h 30. Photos Facebook - Clinique vétérinaire du Causse à l'Aubrac
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Un bovin sur 25 000 est atteint par cette malformation congénitale appelée polymélie. C'est le docteur Judith Badelon, à Saint-Geniez-d'Olt-et-d'Aubrac, qui a réalisé l'opération chirurgicale. 

Un veau à six pattes a vu le jour en août dernier dans une exploitation agricole du canton de Saint-Geniez-d'Olt dans l'Aveyron. C'est le docteur Judith Badelon, vétérinaire à la clinique du Causse à l'Aubrac, située dans la commune de Saint-Geniez-d'Olt-et-d'Aubrac, qui a réalisé cette intervention à la fois rarissime et délicate. Une première pour cette doctoresse. Il a été opéré avec succès pour se voir retirer ses deux pattes en trop. Quatre semaines après son opération, le jeune bovin, de race limousine, se porte à merveille. Retour cette incroyable histoire.

Vous êtes le docteur qui a pratiqué l'intervention sur le veau... Racontez-nous.

C'est la première fois que nous voyons cela au sein de la clinique. On en avait entendu parler mais sans jamais le voir. C'est effectivement un cas rare.

L'éleveur a réussi à faire vêler la vache normalement

Dans un premier temps, l'éleveur a réussi à faire vêler normalement la vache. Il s'est rapidement aperçu que quelque chose clochait et qu'il y avait plus de pattes. Le veau est né normalement avec l'aide de l'agriculteur. Il a été bien surpris de voir arriver un veau avec six pattes !

Des lésions sont apparues sur le chignon situé entre les deux pattes de trop

Il est entré en contact avec nous pour savoir la marche à suivre. Est-ce que le veau était viable ? Va-t-il pouvoir avoir une vie viable ? Ma patronne s'est rendue sur l'exploitation en question. Elle a pu constater que le veau était en pleine forme. Elle a donc préconisé de le laisser grandir un peu et de voir comment la situation évoluait.

Le jeune veau est né avec six pattes sur une exploitation du canton de  Saint-Geniez-d'Olt-et-d'Aubrac.
Le jeune veau est né avec six pattes sur une exploitation du canton de Saint-Geniez-d'Olt-et-d'Aubrac. Photos - Facebook clinique du Causse à l'Aubrac

L'éleveur a fini par nous recontacter car la peau sur les deux pattes supplémentaires de l'animal commençait à s'abîmer. Il y avait de petites lésions sur le chignon situé entre les deux pattes de trop. Toutefois, le veau était toujours en pleine forme. C'est donc là que nous avons pris la décision d'opérer.

"Une aventure et une découverte"

Comment s'est déroulée l'opération ?

L'opération a eu lieu le 11 octobre à la clinique. C'est une opération que je n'avais jamais réalisée. Une anesthésie générale a été pratiquée avec une prise en charge de la douleur. Cette intervention était à la fois une aventure et une découverte car il s'agissait de structures anatomiques que nous n'avons pas l'habitude de rencontrer. 

"Les deux pattes étaient raccordées à une omoplate"

J'ai commencé par disséquer les tissus mous et ensuite, je suis arrivée sur la partie osseuse. Les deux pattes supplémentaires étaient attachées au niveau d'une omoplate du veau. Il a fallu sectionner l'os. À ce moment-là, il y a eu des saignements importants. J'ai réussi à les stopper. Il a fallu refermer les tissus mous. L'intervention a duré 2 h.

Peut-on parler d'une intervention chirurgicale délicate ?

Chez les bovins, l'anesthésie générale reste délicate quoi que l'on fasse parce que ce sont des animaux assez sensibles à l'anesthésie. Il y a donc toujours un risque. Concernant l'opération elle-même, le risque portait sur le point d'attachement des deux pattes car on ne le savait pas exactement. Pendant la chirurgie, j'ai d'ailleurs eu un gros doute car j'ai eu peur qu'elles soient rattachées à la colonne vertébrale du veau. 

Il a fallu peser le rapport bénéfice-risque

En sectionnant l'os, j'aurai pu sectionner une partie de la colonne vertébrale du veau et le paralyser. Il a fallu peser le rapport bénéfice-risque. 

Avez-vous été assistée ?

Nous avons des assistantes vétérinaires (Camille Cayrel et Maeva Morin ont assisté le Docteur Badelon, NDLR). L'une d'elles a été présente durant toute la chirurgie. Elle m'a aidé à tenir les pattes parce que c'est une chirurgie que l'on fait de manière stérile avec une désinfection, un champ stérile... Elle m'a assisté en poussant les pattes dans un sens, par exemple, afin de me donner accès à certains endroits. 

Une deuxième assistante était présente pour éventuellement prolonger l'anesthésie en cas de besoin. 

Le jeune veau après son opération.
Le jeune veau après son opération. Photos Facebook - Clinique vétérinaire du Causse à l'Aubrac

Comment appelle-t-on cette malformation ?

Cela s'appelle une polymélie. C'est-à-dire, la présence de membres surnuméraires chez les animaux. C'est une malformation congénitale.

Comment l'expliquer ?

Il y a deux hypothèses principales. Soit, c'est dû à une mauvaise séparation de jumeaux pendant la gestation. Soit, à une fusion loupée de jumeaux pendant la gestation. 

Est-ce un cas rarissime ?

Oui, tout à fait. Cela concerne 1 bovin sur 25 000. Ce sont des malformations qui existent aussi chez les humains. Là aussi, la prise en charge, la plupart du temps, est chirurgicale.

Y a-t-il une surveillance particulière ?

On l'a gardé jusqu'au soir même parce que les bovins sortent assez vite de leur anesthésie. Le soir même, le veau était sur ses quatre pattes et avait envie de téter. On l'a ramené auprès de sa mère le soir même. Le suivi post-opératoire a été effectué à la fois par l'éleveur qui s'est assuré qu'il n'y ait pas d'infection au niveau de la plaie. Ma collègue, Alice, y est retournée pour une autre intervention la semaine dernière. Elle a pu voir le veau qui était toujours en pleine forme avec une bonne cicatrisation et le poil qui commence à repousser.

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