Après la viande sans viande, le lait maternel est le nouveau défi de la culture alimentaire en laboratoire

  • Face à la demande exponentielle en lait maternel, celui produit en laboratoire peut-il alors devenir une solution ?
    Face à la demande exponentielle en lait maternel, celui produit en laboratoire peut-il alors devenir une solution ? Anastasiia Stiahailo / Getty Images
Publié le
ETX Daily Up

(ETX Daily Up) - A Melbourne, la start-up Me& vient d'annoncer la mise au point d'un lait maternel enrichi produit en laboratoire. L'entreprise australienne est loin d'être la seule à plancher sur un sujet qui divise sur le plan éthique. Pourtant, l'utilité de cette nouvelle innovation alimentaire mérite d'être posée dans un contexte de forte demande en lait maternel, depuis la France jusqu'aux Etats-Unis.

L'année 2022 avait commencé comme cela : un appel au don lancé par les lactariums de France et l'association SOS préma en raison de la pénurie de lait maternel. La situation n'était pas nouvelle puisque l'ADLF (association des lactariums de France) précisait alors que le lactarium d'Ile-de-France ne disposait en décembre 2021 que de 80 litres de lait maternel quand, d'habitude, il en stocke 800 litres mensuellement. A Lyon, même scénario avec seulement 30 litres pour démarrer 2022. En fin d'année dernière, une pédiatre responsable du lactarium de Bordeaux alertait déjà en expliquant que la reprise du Covid-19 avait ralenti la collecte. Chaque année, 55.000 enfants naissent prématurément et ont besoin d'être nourris avec du lait maternel. Leur système digestif est en effet immature pour supporter le lait infantile à base de lait de vache.

Aux Etats-Unis, le contexte est différent. La demande en lait maternel a augmenté sous l'effet d'une grave pénurie de lait infantile, qui a fait les gros titres de la presse américaine au printemps dernier. L'approvisionnement a d'abord été sérieusement fragilisé par la pandémie. La situation est devenue ensuite critique lorsque plusieurs laits infantiles ont été rappelés dès le mois de février par les autorités américaines en raison de leur potentielle contamination bactérienne. Finalement, l'allaitement maternel a fait l'objet d'une importante campagne de communication, dans un pays biberonné au lait infantile. D'après l'Académie américaine de pédiatrie, moins d'un quart des bébés américains sont nourris au sein au cours de leurs six premiers mois de vie.

Pendant ce temps, le lait maternel a bénéficié d'une large mise en avant avec l'ouverture en Californie d'un institut au mois d'octobre dernier entièrement dédié aux recherches sur les bienfaits de ce précieux élixir. Il s'agit de repérer tous les éléments scientifiques permettant d'indiquer que le lait maternel pourrait être un véritable médicament pour soigner des maladies chroniques telles que les infections cardiaques ou le cancer du sein. On connaît les bienfaits du lait maternel sur la prévention d'allergies chez les nourrissons, mais aussi sa capacité à prévenir les infections, les rhumes ou encore les gastroentérites. Mais, il s'agit ici de prouver que le lait maternel est aussi une véritable armoire à pharmacie pour les adultes !

Du lait maternel de labo

Face à une telle promotion du lait maternel et à la demande exponentielle, le lait maternel produit en laboratoire peut-il alors devenir une solution ? Les scientifiques du monde entier travaillent déjà à pied d'oeuvre sur le sujet. Il y a quelques jours, une start-up australienne, basée à Melbourne (Me&) s'est targuée d'avoir mis au point le premier lait maternel enrichi développé en laboratoire. La course est lancée : en juin 2021, une entreprise américaine, basée en Caroline du Nord (Biomilq), s'était présentée comme la première à avoir cultivé du lait maternel sous microscope. Bill Gates lui-même avait manifesté son soutien.

Si le sujet est délicat sur le plan sociétal, il l'est moins scientifiquement. Un article de la revue The Conversation, écrit par Ruth Purcell et Bianca Le, de l'université de Melbourne, nous apprenait en novembre 2021 qu'en cultivant des cellules de glandes mammaires, extraites de lait maternel, puis nourries à base de nutriments (tout comme on procède pour la viande cellulaire), on dispose d'un tissu mammaire pouvant être transféré dans un bioréacteur afin d'obtenir "une structure similaire à celle du canal mammaire". Il "suffit" d'ajouter de la prolactine, l'hormone responsable de la sécrétion de lait, pour obtenir du lait maternel. Et de conclure "à terme, d'autres suppléments naturellement présents dans le lait maternel pourraient être ajoutés, tels que des anticorps et des bactéries bénéfiques ou même des cellules immunitaires et des cellules souches".

Depuis Singapour jusqu'au Canada, des start-ups répondant respectivement aux noms de TurtleTree Labs et Better Milk se concentrent sur le développement de cellules mammaires prélevées sur des vaches afin de développer un lait cellulaire, ouvrant potentiellement la voie à une application pour une reproduction de lait maternel. Preuve que le sujet est très sérieux, Nestlé a posté l'année dernière une offre d'emploi pour trouver un spécialiste du développement des glandes mammaires et de la biologie de la lactation... L'histoire ne fait donc que commencer.

Voir les commentaires
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?