La beauté s'emballe pour le vrac

  • La recharge constitue une véritable alternative pour parvenir à la salle de bain zéro déchet tant plébiscitée pour faire face aux enjeux environnementaux.
    La recharge constitue une véritable alternative pour parvenir à la salle de bain zéro déchet tant plébiscitée pour faire face aux enjeux environnementaux. EasterBunnyUK / Getty Images
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ETX Daily Up

(ETX Daily Up) - Une salle de bain zéro déchet. C'est le défi que s'attelle à relever le secteur cosmétique face à l'urgence climatique, avec pour objectif de réduire au maximum la part des emballages de notre routine beauté. Les pistes envisagées sont multiples, mais le vrac et la recharge apparaissent aujourd'hui comme des solutions sérieuses pour exclure quasi définitivement le plastique, et autres formes d'emballages, de la salle de bain.

Deux semaines, c'est le temps que met en moyenne une famille de trois personnes pour vider un tube de dentifrice. Ca en fait des déchets qui s'accumulent tout au long de l'année. Après être passée au dentifrice naturel et bio, "plus respectueux de la santé et de l'environnement", Sophie s'est vite rendu compte que son emballage pesait lui aussi sur la planète. Raison pour laquelle elle s'est tournée vers les dentifrices solides, moins gourmands en plastique, et plus durables, proposés sous la forme de pastilles à croquer, que l'on peut trouver en recharge.

"Je n'ai désormais plus qu'un seul flacon pour toute la famille, que je recharge grâce à un abonnement, sans bouger de chez moi", explique-t-elle. Une solution facile, pratique, et écolo, vers laquelle se tournent déjà de nombreux consommateurs, et qui pourrait redessiner les contours de la beauté. Car nombre de cosmétiques, à commencer par les savons solides ou liquides, les shampoings, les soins pour le visage, les parfums, et même certains produits de maquillage, pourraient se voir définitivement débarrassés de leurs nombreux emballages.

"Un retour aux fondamentaux"

Déployés avec succès dans l'alimentaire, bien qu'en perte de vitesse depuis la crise sanitaire, comme le révèle le dernier Observatoire du Rayon Vrac (Editions Dauvers), la recharge et le vrac pourraient faire autant d'adeptes, si ce n'est plus, en matière de cosmétiques. Le rapport nous apprend d'ailleurs que du côté de l'Hexagone, les consommateurs sont clairement demandeurs, avec pas moins de 52% des foyers français qui aimeraient accéder à plus de produits en vrac dans leurs magasins. Une envie qui concerne tout particulièrement l'épicerie (69%), et l'entretien (53%), mais aussi… l'hygiène et la beauté, à hauteur de 41%. La demande est donc bel et bien présente, justifiant un déploiement à plus grande échelle.

Certaines marques n'ont d'ailleurs pas attendu d'être confrontées aux enjeux climatiques pour développer le vrac ou la recharge dans l'industrie de la beauté. "La fontaine à parfum de Mugler existe depuis 20 ans, et les recharges sont largement disponibles pour certains segments de marché comme les gels lavants pour les mains", indique Stéphanie Lumbers, directrice du développement durable à la FEBEA, le syndicat professionnel du secteur cosmétique. Et d'ajouter : "Ce qui est nouveau est donc plutôt l’attention portée à ces questions et leur développement en dehors de certaines niches".

Pour Hugues Laurençon, directeur général de The Body Shop en France et au Benelux, qui s'est employé à déployer la recharge dans 100% de ses boutiques, il s'agit même d'un retour en arrière. Une tendance globale dans de nombreux secteurs, dont la mode et la beauté, qui nous ramène à des pratiques prisées par nos grands-parents et arrière-grands-parents. "Il faut savoir qu'en 1976, quand Anita Roddick, la fondatrice de The Body Shop, a ouvert sa première boutique à Brighton, il n'y avait absolument aucun produit disponible dans un flacon en plastique. C'était uniquement de la recharge. C'est une pirouette de l'histoire, on revient aux fondamentaux".

Le réemploi pour en finir avec le plastique

Avec le retour et l'engouement pour les cosmétiques solides, dont le fameux savon utilisé par nos aïeux, le vrac et la recharge apparaissent désormais comme une évidence pour les acteurs de l'industrie qui s'attellent à réduire significativement leurs déchets. Et n'ont d'ailleurs plus le choix, ne serait-ce que pour répondre aux objectifs ambitieux de Loi AGEC (Anti-gaspillage pour une Economie Circulaire). "Les solutions de réemploi sont une manière efficace pour réduire les déchets : le meilleur déchet n’est-il pas celui qu’on ne produit pas ?", interroge Stéphanie Lumbers.

Et lorsqu'il s'agit de réemploi, les pistes étudiées par le secteur ne sont autres que la recharge, le remplissage de contenants sur le point de vente via le vrac, et l'emballage consigné, comme le souligne la directrice du développement durable de la FEBEA. Elle tempère toutefois : "Il n’en demeure pas moins que la mise en œuvre du réemploi n’est pas chose aisée". Car ce déploiement nécessite d'importants investissements, qui demandent eux-mêmes que les consommateurs soient bel et bien au rendez-vous.

Une chose que peut aujourd'hui affirmer Hugues Laurençon de The Body Shop, dont les stations de recharge connaissent un franc succès. "Nos clients nous ont suivis, et nous sommes parvenus à faire la transition du plastique à usage unique vers la recharge. C'est extrêmement encourageant. Notre souhait est d'aller encore plus loin, et de proposer de nouveaux produits à la recharge, car il y a une vraie appétence pour le sujet", se réjouit-il. Ce nouvel usage a séduit les clients de l'enseigne, au point que les douze produits disponibles à la recharge, qui sont pour l'instant toujours disponibles en flacon, se vendent désormais plus en recharge qu'en bouteilles.

Et les résultats en matière de durabilité se sont eux aussi rapidement fait sentir. "On a réussi à faire économiser plus de 45.000 bouteilles en plastique à la planète, rien que sur la France", explique le directeur général de la marque. Précisons toutefois que la recharge, contrairement au vrac, n'exclut pas totalement les déchets. "La recharge ne permet pas de supprimer totalement les emballages à usage unique mais d’en diminuer grandement les quantités, le bénéfice environnemental demeure très net, à savoir jusqu’à 80% de plastique en moins", explique Stéphanie Lumbers de la FEBEA.

Un bénéfice qui a séduit bien d'autres acteurs de la cosmétique qui s'emploient à démocratiser ces nouveaux usages, à l'instar de Pachamamai et 900 Care avec des formules solides à dissoudre dans des emballages réemployables, Mustela, L’Occitane et Yves Rocher avec des fontaines, La Crème Libre qui propose un système de recharge via des pots réutilisables, ou encore The Naked Shop, spécialiste des liquides en vrac.

De la nécessité d'un déploiement plus rapide

Reste désormais à rendre ces nouveaux usages plus accessibles, et ce à grande échelle, car le vrac et la recharge ne concernent encore que très peu de produits, et une poignée de marques seulement. Un constat qui peut freiner moult consommateurs, comme Sandra, habitante d'Ile-de-France, pourtant prête à changer de produits pour embrasser cette pratique… à condition d'avoir accès aux boutiques et aux bons cosmétiques.

"J'ai recours à la recharge dès que le produit que j'utilise est décliné dans ce format. Il m'est même arrivé de changer de produit pour un autre pour cette raison. Et je suis aussi tentée par le vrac, mais les marques qui en proposent et m'intéressent sont à Paris, et cela nécessite une organisation qui n'est pas toujours évidente". Même son de cloche pour Sophie. Si les pastilles à croquer qui lui servent désormais de dentifrice arrivent directement à son domicile, il n'en est pas de même pour les produits liquides. "Je sais que je dois désormais passer à cette étape, mais il est parfois compliqué de faire des kilomètres juste pour acheter du shampoing et du gel douche".

Une problématique qui ne tient qu'à un déploiement plus rapide et plus massif du vrac et de la recharge, qui, comme vu précédemment, demande de lourds investissements. Au regard de la demande, et du succès rencontré par les acteurs qui s'y sont frottés, nul doute qu'il ne s'agit désormais que d'une question de temps.

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