Patrimoine aveyronnais : l’avenir du pigeonnier passe par la restauration

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  • Les pigeonniers de l'Aveyron mis en lumière pour mieux les sauvegarder.
    Les pigeonniers de l'Aveyron mis en lumière pour mieux les sauvegarder. Eric Gross / Repro CPA
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    Les pigeonniers de l'Aveyron mis en lumière pour mieux les sauvegarder. Eric Gross / Repro CPA
Publié le
Centre Presse Aveyron

Le colombier, ou pigeonnier, patrimoine bâti des campagnes, attire l’œil et suscite l’admiration tant par l’harmonie de son insertion dans les paysages ruraux comme urbain et le mystère de son utilité. Ces établissements parfois reconvertis en rangement ne sont plus utilisés aujourd’hui et qui dit inutilité peut entendre abandon. Par cette publication proposée par l’association Vieilles maisons françaises en Aveyron, soutenue par la Fondation du patrimoine, il est ainsi mis en lumière, pour mieux le sauvegarder.

Le colombier, ou pigeonnier, lointain héritier du columbarium romain, était à l’époque féodale un édifice destiné à élever des pigeons. Aucun autre animal ou oiseau de basse-cour n’était logé dans un bâtiment aussi soigné, ce traitement de faveur était dû à trois raisons principales : le pigeonneau était alors un mets rare et coûteux, la fiente, appelée « colombine », était un engrais complémentaire précieux ; l’engrais unique en pays de vignobles et également une riche fumure pour la culture du chanvre, et, depuis l’antiquité, le pigeon a servi de messager et cela au moins jusqu’à la guerre de 1914-2018.

Les colombiers semblent tous dériver de la tour défensive, symbole féodal et le terme de colombier se retrouve régulièrement dans la toponymie locale (Le Colombier, Colombiés…). Jusqu’à la Révolution, la possession d’un colombier séparé du corps de logis, ayant des nichoirs de bas en haut et donc formant tour (le colombier à pied), était un privilège du seigneur haut justicier. Ce dernier interdisait la construction d’une tour à ses vassaux de peur de leur permettre un retranchement fortifié. Cette règle semble avoir été plus stricte en provinces de langue d’oïl et plus souple en Languedoc où des constructions étaient permises mais proportionnées à l’importance de la propriété. Il fallait alors détenir au moins 36 arpents de terre, soit environ 15 hectares.

Eugène Viollet-le-Duc l’avait déjà remarqué dans son dictionnaire d’architecture. Les pays du Midi et surtout le Toulousain sont plus pourvus que les provinces du Nord en pigeonniers, mais ils sont de dimensions plus modestes. Après la Révolution, on parle plutôt de pigeonnier qui est devenu une partie emblématique de l’habitat paysan puisque sa construction marquait la fin des droits seigneuriaux. Dès 1789, on a obligé les propriétaires à enfermer les pigeons à certaines saisons de l’année (pendant les semailles par exemple) et on a autorisé le droit de chasse pendant cette période.

L’agronome Théron de Montaugé a souhaité qu’un permis pour les tirer soit accordé toute l’année aux propriétaires de récolte. La raison invoquée était le calcul qu’un couple de pigeons et ses quatre petits vivent cinq mois de céréales prélevées, ce qui équivaut à la consommation d’un homme pendant un mois et demi alors que leur chair ne peut le nourrir que pendant un jour.

Architecture d’un pigeonnier isolé

Le pigeonnier est implanté à l’abri des vents dominants, les trous d’envol de préférence face au sud. Les matériaux de construction peuvent être la pierre, la brique ou une structure à colombage rempli de pierres, de torchis, en pisé… La porte d’accès est hermétique et les murs soignés sont munis d’un bandeau horizontal en saillie nommé larmier ou randière, afin d’interdire la montée et l’intrusion aux prédateurs (rats, fouines, belettes…) friands, eux également, de pigeonneaux. La façade est, si nécessaire, recouverte d’un enduit fin et lissé, total ou partiel, afin d’empêcher leur ascension. La partie proche des trous d’envol peut recevoir un badigeon de chaux blanche en complément. Parfois un lanternon, sorte de clocheton coiffant l’édifice, protège les trous d’envol.

L’intérieur du pigeonnier est composé de boulins, sortes d’alvéoles formées soit par l’agencement des pierres de la maçonnerie, soit grâce à l’emploi de poteries, de planchettes ou de nichoirs en torchis, ou de paniers en ronce refendue tressée ou encore en osier tressé. Chaque boulin est le logement (nid) d’un couple de pigeons. La capacité peut varier de quelques dizaines à plusieurs milliers de boulins.

« Se faire pigeonner »

Signe extérieur de richesse, le nombre de boulins étant proportionnel à la surface des terres exploitées, certains propriétaires rajoutaient de faux boulins afin de mieux marier leurs enfants, d’où l’origine possible de l’expression « se faire pigeonner ». Peu à peu, le pigeon a été assimilé aux nuisibles et les classes montantes ont trouvé de nouveaux moyens pour exprimer leur rang social.

Les types de pigeonniers isolés

Le type toulousain ou pied de mulet : bâtiment rectangulaire ou carré avec un toit à une pente interrompue par ressaut vertical où se trouvent les trous d’envol. Le pigeonnier carré ou rectangulaire, à toiture à quatre pentes. Le pigeonnier sur piliers ou sur arcades, carré, cylindrique ou hexagonal à toiture sur charpente ou voûte. Le pigeonnier cylindrique, charpenté dans les pays de la tuile et voûté dans les pays de causses (Lot, Aveyron…).

On peut retrouver ces types de pigeonniers accolés à la maison, sous forme de pigeonnier-balet, de pigeonniers formant tourelle centrale ou d’angle et parfois sous forme de pigeonnier sur escalier en vis, notamment dans les bourgs. La cour de la maison peut se clore d’un pigeonnier porche.
Après la Révolution, on voit se développer l’élevage des pigeons dans les plus modestes des exploitations. On a donc adjoint aux granges, fournils, sécadous et greniers des envols ou suspendu des fuies (sorte de volières en bois) au moindre mur bien exposé. La préservation des pigeonniers accolés à l’habitation semble assurée, mais celle des pigeonniers isolés très incertaine. Des changements d’usages sont souhaitables (remise à outils, chambre d’amis, chambres d’hôtes…).

Maisons paysannes de France

L’association nationale, fondée en 1965 par un architecte constatant dès l’après-guerre la dégradation du bâti traditionnel et reconnue d’utilité publique, compte environ 8 000 adhérents. Elle a plusieurs buts : connaître, conserver et restaurer l’architecture et ses abords, transmettre les savoir-faire traditionnels, favoriser l’usage des matériaux locaux, promouvoir un habitat contemporain harmonieux, sain et intégré à son environnement, et protéger les paysages ruraux. Sur le plan départemental, l’association organise des visites d’informations, des sorties découvertes, des journées de démonstrations ou d’initiations…
Renseignements concernant une adhésion ou une visite conseil gratuite pour la restauration d’un bâtiment, contact Éric Gross au 06 77 10 76 15.


Sources colombier (édifice) sur Wikipédia, « Les pigeonniers de Midi-Pyrénées », « Colombiers et pigeonniers des Grands causses » (André Fages, « Architecture paysanne du Rouergue et des Cévennes » (A. Cayla) « Maison et paysages du Rouergue : le canton de Rignac ».

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