Aveyron: le "tireur" de Millau n'était pas en légitime défense, il est condamné à deux ans de prison

Abonnés
  • Me Cédric Galandrin, avocat du prévenu.
    Me Cédric Galandrin, avocat du prévenu. C.C.
Publié le

Il avait sorti un révolver et tiré des balles à blanc sur quatre individus qu'il soupçonnait de vouloir l'agresser, en pleine rue de Millau l'après-midi du 9 novembre. Une affaire sur fond de stupéfiants dans laquelle les plaignants sont bien connus des services de police. Le tribunal correctionnel a tranché, ce lundi 28 novembre à Rodez. 

Présenté en comparution immédiate le 14 novembre, le prévenu avait demandé un délai pour préparer sa défense. Il comparaissait donc ce 28 novembre devant le tribunal correctionnel de Rodez pour emporter une condamnation à deux ans de prison ferme après que son avocat, Me Galandrin, a eu à cœur de plaider la légitime défense. Il faut dire que le prévenu, âgé de 31 ans, solide gaillard né sur l'île de Saint-Martin, accuse, depuis 2010, 17 mentions à son casier judiciaire où se côtoient les violences, menaces de mort, pas mal de cannabis et de récidives légales. L'affaire qui occupait ce jour la justice avait d'ailleurs pour toile de fond un éventuel trafic de stupéfiants, non démontré à l'audience, mais largement soupçonné tant le profil des deux victimes comme celle du prévenu, les associent dans l'univers de la délinquance. 

"Je me sens en danger"

Le 9 novembre en milieu d'après-midi, rue Peyssière à Millau, quatre à cinq détonations apeurent les passants. Le trentenaire de Saint-Martin, résidant Millavois depuis dix ans, vient de tirer en direction de quatre autres hommes qui, selon lui, venaient à sa rencontre "des couteaux dans les poches dans le but de m'agresser". Ces mêmes individus qu'il ne connaît "pas plus que ça" l'auraient déjà agressé à deux autres reprises. Lui, il a un révolver dans sa poche et fait feu. Les balles sont à blanc, aucun impact ne sera retrouvé, personne n'est blessé, les agresseurs présumés s'enfuient et rentrent chez eux. Le "tireur" en fait de même. Les policiers millavois, aidés par des témoignages et par les caméras de videosurveillance sonnent à sa porte dix minutes plus tard, il n'oppose aucune résistance et les suit.  

Au cours de son audition, il dit porter une arme, fut-elle "factice", "parce que j'ai déjà été agressé, sans qu'on en vienne aux mains, et que je me sens en danger". Le révolver sera jeté dans un coin de rue, la police ne pourra le retrouver, l'individu refuse de leur en donner la description... Au commissariat, il refuse aussi de débloquer son téléphone portable, mieux encore il le fracasse, après un subterfuge, pour ne pas laisser les enquêteurs s'en emparer. À son domicile, ces derniers trouveront 200 grammes de cannabis en herbe et résine ("pour mon usage personnel"), un gilet pare-balles ("je m'en sers pour faire de la moto") et une ceinture porte-révolver ("que j'ai achetée sur internet sans faire exprès"). 

Le prévenu est sorti de prison en juillet après avoir purgé une peine de dix-huit mois. Il assure à la présidente du tribunal, Emeline Gardes, qu'il s'active à sa réinsertion, passe son permis de conduire, s'est inscrit dans une agence d'intérim, a travaillé dans une déchetterie. Une repentance mise en exergue face à un casier judiciaire lourdement chargé. 

"Popeye et Hulk"

Ses victimes ne sont pas en reste. Deux jeunes gens se portent partie civile à l'audience,  et réclament chacun 2.500€ de préjudice pour la peur qu'ils ont subie, mais ne se rendent pas d'eux-mêmes au commissariat pour porter plainte et regagnent leur appartement. Il faut dire que les policiers les connaissent un peu pour, entre autres, quelques affaires de trafic de cannabis, et n'ont pas de mal à aller les chercher à leur domicile, tandis que les deux autres plaignants potentiels se sont évanouis dans la nature. On ne sait rien d'eux si ce n'est qu'ils sont surnommés par leurs deux amis "Popeye et Hulk", hommage littéraire à leur carrure de déménageur. 

"Ce monsieur a pété les plombs sans raison"

Dans ce contexte un peu trouble, les interrogations ciblées de la présidente restent souvent sans réponse. "On marchait tranquillement dans la rue, ce monsieur est venu vers nous, nous a tiré dessus on ne sait pas pourquoi, on n'a pas de drogue et pas d'arme et pas de couteaux sur nous!", diront les deux plaignants tour à tour. Avant de s'enfoncer un peu dans la confusion quand il s'agit de parler des détails de l'affaire, et de leur passé un peu compliqué qui ne manque pas de s'inviter à l'audience ... Mais les agressés n'ont jamais été des agresseurs en puissance, clament-ils à la barre, "ce monsieur a pété les plombs sans raison"

La légitime défense par le détail

S'ensuivra un débat à distance entre le procureur de la République, Nicolas Rigot-Muller, et l'avocat du prévenu, Me Cédric Galandrin autour de la légitime défense que ce dernier plaide avec vigueur. Le ministère public démontera en préalable tous les arguments de la plaidoirie annoncée, reprenant point par point les faits pour les opposer à la thèse de la légitime défense, dûment codifiée. "On a face à nous le comportement de quelqu'un qui veut rester dans la délinquance", lance Nicolas Rigot-Muller avant de requérir 30 mois de prison assortis d'un sursis probatoire de six mois. 

Me Galandrin vient prendre condamnation pour le refus de livrer son téléphone portable ("un geste idiot"), souligne le manque d'investigations sur quelques éléments de l'affaire, plaide l'usage personnel de son client pour le cannabis au vu des quantités découvertes, réclame la relaxe pour le délit de violence avec arme et insiste en détaillant le dossier : " Incontestablement mon client avait peur, ils étaient quatre face à lui, et d'évidence sont allés volontairement à sa rencontre, ce n'est pas le fruit du hasard". À ses yeux, "tous les éléments sont réunis pour la légitime défense". Et de plaider pour une alternative à l'incarcération pour ce garçon " qui fait toutes les démarches pour se sortir de la délinquance". "Permettez-lui de faire ses preuves, de pouvoir travailler", conclut-il.

Le tribunal condamnera pour l'essentiel le prévenu à deux de prison ferme et 400€ de dommages à chacune de ses deux victimes. Placé en détention pour attendre son jugement, il est donc reparti à la maison d'arrêt. Et réfléchit à faire appel de cette décision. 

A lire aussi : Coups de feu à Millau : l'auteur présumé retourne en détention en attendant son procès

Cet article est réservé aux abonnés
Accédez immédiatement à cet article
2 semaines offertes
Voir les commentaires
L'immobilier à Rodez

450000 €

En exclusivité chez IMMO DE FRANCE, venez vite découvrir cet opportunité d'[...]

Toutes les annonces immobilières de Rodez
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?