Equipements sportifs en plein air: mais où sont les femmes?

  • Le peu de femmes qui se servent des "citystades" incitent certaines villes à leur réserver des créneaux ou à aménager ces espaces.
    Le peu de femmes qui se servent des "citystades" incitent certaines villes à leur réserver des créneaux ou à aménager ces espaces. Lyndon Stratford / Getty Images
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ETX Daily Up

(AFP) - Dans les équipements sportifs en plein air comme les "citystades", ces terrains multisports en milieu urbain, toujours le même constat: il n'y a que des garçons qui jouent. Pour que les filles puissent y trouver leur place, certaines villes leur réservent des créneaux et aménagent ces espaces.

Il y a un an, l'exécutif a lancé un plan de construction de 5.000 équipements de proximité: skate park, stade multisports, aires de musculation, ouverts à tous. Mais, en réalité, qui les utilisera?

Bien sûr, le sujet n'est pas nouveau.

"L'aménagement de l'espace public a répondu à des sujets d'hommes", rappelle à l'AFP Edith Maruéjouls, géographe du genre, qui a travaillé sur le sujet en Gironde il y a plusieurs années et a montré que ces endroits, comme la cour de récréation, étaient occupés à plus de 90% par des hommes.

"La première fois qu'on est arrivé, avec trois filles, et qu'on a dit +on vient jouer au foot+ les garçons ont répondu: +n'importe quoi les filles, ca joue pas au foot!+, vous allez derrière sur le petit terrain", raconte Leila Marhi, de l'association Sine Qua Non, qui promeut l'égalité dans l'espace public et lutte contre les violences sexistes et sexuelles.

- "Vous finissez quand?" -

Cette association, "à la conquête de la rue", bénéficie de créneaux réservés à Paris et en banlieue. C'est ainsi qu'en lien avec les animateurs d'un centre social, petites filles et adolescentes viennent taper dans le ballon au citystade Reverdy dans le 19e arrondissement de Paris, sous les instructions de leur coach, Fanta, 16 ans, qui "veut transmettre son savoir du football".

Les plus grandes, âgées de 13/14 ans comme Fatou, Yayé, Heidi ou encore Maeva, jouent maintenant en club et les plus petites se les disputent pour les avoir dans leurs équipes.

Depuis un an et demi, l'association a fait sa place. Ce qui n'empêche pas moins d'une heure après le début de l'entraînement, que quelques jeunes garçons trépignent, passent la tête, et lancent un timide "vous finissez quand?". En fin de séance, des garçons sont intégrés aux équipes.

Mais, sans encadrant, il n'y aurait quasiment jamais de filles en train de jouer sur ce terrain.

Pour Cécile Ottogali, maîtresse de conférence en histoire du sport, ces équipements sont "un exemple typique de bonnes intentions qui peuvent ne pas atteindre leurs cibles", à savoir être ouverts à tous et toutes, a-t-elle récemment expliqué lors d'un colloque de l'Observatoire national de l'activité physique et de la sédentarité (Onaps).

"Il faut que les collectivités territoriales observent cela, le mesure et mettent en place des dispositifs qui permettent de réguler", préconise-t-elle.

- "Arrêter les citystades" -

En accès libre, "la pratique est trop exclusivement masculine", constate bien Pierre Rabadan, adjoint au sport de la mairie de Paris. "C'est l'accompagnement à l'usage qui fera que cela changera", explique-t-il à l'AFP, d'où des aides à des associations aussi bien sur le foot, que le basket ou le hand pour amener les filles sur les terrains.

Certains équipements sont aussi rénovés par des artistes, et "selon les associations et les utilisatrices, un terrain moins austère avec une signature artistique amène joueuses et joueurs à respecter le terrain et à ouvrir à des pratiques mixtes", explique-t-il. La question de l'éclairage, de la disposition de l'équipement dans l'espace public, jouent aussi un rôle.

Edith Maruéjouls, elle, est catégorique: "il faut arrêter de faire des citystades!". Elle relève que des tentatives comme le fitness en extérieur "n'ont pas marché".

Pour elle, "il faut +faire corps sportif et faire nombre+". Et le chemin est long pour les femmes qui "décorent l'espace depuis leur naissance" et "ne sont jamais habilitées en tant que tant que corps sportif".

Dans "le corps des femmes, la bataille de l'intime", la professeure de sciences politiques, Camille Froidevaux-Metterie, reprend la philosophe américaine Iris Marion Young et son texte "Throwing like a girl" ("lancer comme une fille"): les femmes "appréhendent leurs corps comme un objet dont il faut soigner l'apparence, un outil nécessaire dans les relations amoureuses et maternelles, jamais comme capacité de mise en oeuvre ou de puissance de réalisation", écrit-elle.

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